Les Warriors face à l’histoire : doit-on réaliser un back-to-back pour être une équipe légendaire ?

Le 22 oct. 2015 à 16:10 par Bastien Fontanieu

Un premier titre NBA apporte son lot de sourires, de joie, d’embrassades et de célébrations entre fans d’une même équipe. Mais comme le basket nous l’a si bien appris, l’entrée au panthéon des légendes se fait souvent dans la réussite d’un difficile back-to-back : une mission que les Warriors vont devoir entamer dans moins d’une semaine…

Les nombreux passionnés qui ont vécu la saison dernière à nos côtés pourront raconter la campagne 2014-2015 de Golden State à leurs petits enfants. Magnifiques, sublimes, exemplaires, collectifs, défensifs, les termes manquent encore à l’heure actuelle lorsqu’il faut définir la saison proposée par Steve Kerr et ses hommes l’an passé. Un véritable conte de fées, commencé en octobre et terminé fin-juin, durant lequel tout fût presque parfait. Tout ? Presque tout. Le bilan, exceptionnel avec 67 victoires pour 15 défaites, a placé Klay Thompson et ses copains parmi les 10 meilleures équipes de saison régulière de l’histoire, rien que ça. Les trophées, qui auraient pu être plus nombreux, ont finalement été décernés à un Stephen Curry porté par la grâce, un Andre Iguodala enfin assis dans son siège idéal, et à une franchise titrée pour la première fois en 40 ans. Oui, comme certains le ruminent encore dans la région d’Oakland, Draymond Green aurait très bien pu repartir avec la couronne de Défenseur de l’Année et Steve Kerr a prouvé qu’il était le Coach de l’Année dernière. Mais comme on peut le revivre aujourd’hui avec ce petit sourire nostalgique en coin, cette saison 2014-2015 fût dominée presque outrageusement par des Warriors bénis des dieux de la balle orange. Et aussi agréable fût cette épopée à vivre à leurs côtés, des attentes logiques ont été placées par les scribes de l’Histoire.

La question initiale, installée en titre de ce papier, pourrait faire froncer de nombreux sourcils. Allons, tout de même, ne pouvons-nous pas considérer les Celtics de 2008 comme une équipe historique ? Et que dire des Pistons de 2004, terrassant les Lakers dans une tragédie moderne opposant l’excentricité de Los Angeles aux cols bleus du Michigan ? Ces deux équipes, comme de nombreuses autres dans le sport moderne, ont marqué notre génération et méritent sans aucun doute leur place au panthéon de la NBA. Le simple titre remporté par Dirk Nowitzki, dans ce contexte si particulier qui faisait de LeBron l’ennemi numéro 1 des fans de basket, dans une Finale épique et remportée après tant d’années de souffrance, est un classique dont on se remémorera chaque action pour les décennies à venir. Cependant, où placer la légende allemande à la table des plus grands ? Que faire de ces Mavericks circa 2011, applaudis par toute une population mais malheureusement retombés dans l’anonymat dès la saison suivante ? C’est justement un débat autour duquel leurs voisins du Texas, habitants de San Antonio, ont toujours eu du mal à participer. Cinq titres construits sur des bases exceptionnelles, un bilan exemplaire depuis 1997 et ce tout sport confondu, mais ce sentiment permanent et douloureux de ne pas pouvoir obtenir le même respect que d’autres gros calibres, causé notamment par cette absence de back-to-back. Une loi implacable ? Pas forcément. Mais une logique sentimentale liée à la mémoire collective ? Absolument.

Il suffit de se poser autour des Rockets de 1995 ou des Pistons de 90 pour avancer cette hypothèse, aussi proche soit-elle de la science-fiction : quelle place auraient Isiah Thomas et ses Bad Boys s’ils n’avaient remporté qu’un titre ? Parlerions-nous d’Hakeem Olajuwon en des termes aussi élogieux si le géant n’avait pas réalisé le doublé il y a vingt ans ? Dans le conscient commun et l’image des joueurs qui est véhiculée par chacun, le tampon du back-to-back est d’une puissance indescriptible si on souhaite marquer l’histoire. Demandez à n’importe quel passionné de classer Moses Malone, Dirk ou même Dennis Johnson dans un classement quelconque des meilleurs de notre époque, et vous tomberez probablement sur un mélange de silence, de ricanements et autres joyeusetés réactionnelles. Alors que pendant ce temps-là, LeBron, Kobe, Shaq et Jordan garderont cette image quasi-intouchable de légendes du jeu moderne, des monstres sacrés du basket et qui peuvent regarder leur carrière en paix, après avoir réalisé ce doublé fondamental pour marquer les esprits à jamais. Voilà donc ce que Stephen Curry doit notamment affronter, lui, la nouvelle darling officielle de la NBA, son shoot impeccable et son jeu excitant, ses décisions culottées et son poignet affolant. Tout proche de la perfection la saison passée s’il avait bouclé sa campagne avec un titre de MVP des Finales, le pyromane de Golden State sait quelle place il aura dans l’histoire si le back-to-back est validé. Plus collectivement parlant, cette troupe de Warriors devra aussi prouver qu’une année aussi belle n’est pas obligée de représenter un cas isolé, qu’on peut suivre 67 victoires et un titre par une soixante de succès et une deuxième parade consécutive en Californie.

Épargnés par les blessures et rassemblés autour d’un jeu qui ne peut que séduire, les Dubs de la saison dernière ont été fantastiques mais on peut dire que le plus simple a été validé. Désormais, il faudra retrousser ses manches afin de réaliser le plus dur. Car comme dirait l’autre : les équipes ayant remporté un titre sont peut-être grandes, mais celles ayant dominé deux années de suite sont légendaires.   

Source image : AP Photo – Paul Sancya