Le jour où Karl Malone a passé Wilt Chamberlain au scoring : deuxième plus prolifique all-time, le facteur venait encore de délivrer

Le 05 déc. 2019 à 10:47 par Alexandre Martin

Karl Malone
Source image : YouTube/JazzBasketball1

5 décembre 2000. Salt Lake City. John Stockton sert Karl Malone au poste bas. Un grand classique. L’intérieur pose tout de suite un dribble, pivote sur un pied en enroulant son défenseur et marque d’un scoop shot tout en toucher. Un grand classique là aussi. Ce panier donne 16 points d’avance au Jazz à moins de 5 minutes de la mi-temps dans ce banal match de régulière face aux Raptors. Pourtant, les 18 000 personnes massées dans le Delta Center se lèvent et commencent à rugir, à applaudir.

Le jeu continue. Toronto marque rapidement par Kevin Willis sur l’action suivante. Le Jazz repart à l’attaque. La balle arrive dans le corner à Bryon Russell qui essaie lui aussi de servir Malone au poste. Mais la passe n’est pas faite dans le bon timing et file en touche. Un temps-mort tombe. Le public est toujours debout à rugir. Il peut enfin célébrer pleinement…

Un facteur aux muscles acérés vient de dépasser Wilt Chamberlain au scoring, devenant à cet instant le deuxième scoreur le plus prolifique de tous les temps. Il l’est toujours 19 ans plus tard. Visiblement ému, Malone est félicité par ses nouveaux coéquipiers de l’époque comme John Starks, Olden Polynice ou le rookie DeShawn Stevenson, mais également par ses compagnons “de toujours” comme John Stockton, Greg Ostertag ou Bryon Russell. Les adversaires du soir, Antonio Davis et Mark Jackson notamment, viennent aussi poser une accolade sur les énormes épaules du Mailman. L’émotion du moment est à la hauteur de ce que Karl Malone vient d’accomplir : passer devant Wilt la légende dans l’un des classements individuels les plus prestigieux, sur une passe de son éternel fournisseur John Stockton et à la maison, devant ce public auquel il a tant donné… Le Dream Teamer le dira lui-même en sortie de match :

“Je n’aurais pas voulu que ça passe autrement.”

Et cela aurait pu se passer autrement. Car trois jours plus tôt, le 2 décembre, le Jazz était à Charlotte pour y jouer les Hornets et un phénomène assez rare a eu lieu. Karl Malone nous a gratifié d’une prestation bien faiblarde : 14 petits points, à 5/13 au tir. Pour un gars qui a tourné à 25 points de moyenne à plus de 51% de réussite en 1476 matchs en carrière, ça ne fait pas beaucoup ! D’autant plus qu’il comptait déjà 31 398 points en entrant dans cette rencontre et n’avait donc besoin que de 22 unités pour dépasser les 31 419 de Chamberlain. Ce soir-là, le Jazz a perdu et son facteur a livré une performance loin de ses standards, mais en fait ils ont gagné. Ils ont gagné le droit de célébrer un authentique exploit à domicile, avec leurs fans.

“Karl a énormément de respect pour Wilt Chamberlain. Le simple fait d’être associé à Wilt est un grand honneur.” — John Stockton.

Une fois les célébrations et les ovations terminées, le jeu reprit à Salt Lake City. Karl Malone restera en tout 41 minutes sur le parquet ce soir-là. Il ajoutera 23 points aux 8 qui lui avaient permis de dépasser Wilt et accompagnera le tout de 12 rebonds, 2 interceptions et 3 contres. Du facteur dans le texte comme on dit du côté du Jazz. Alors qu’il a déjà 37 ans et qu’il est dans le premier tiers de sa 16ème saison, Malone vient donc de rentrer un peu plus dans l’histoire. Il en est à 31 443 points. Il poussera jusqu’à 36 928, raccrochant ses sneakers presque quatre ans plus tard à moins de 1500 unités de (l’intouchable ?) Kareem Abdul-Jabbar.

Ces chiffres impressionnants sont bien évidemment le fruit du talent, du physique et de la technique du Mailman. Mais ils sont certainement encore plus dus à cet alliage de longévité et de régularité sans équivalent. Oui, sans équivalent. Surtout pour un colosse pareil qui ne jouait pas du tout en économisant son corps, sur un rythme effréné. C’est le moins qu’on puisse dire. De toute façon c’est bien simple, sur les 15 saisons précédant cet exercice 2000-01, il n’avait raté que 6 matchs sur 1254 possibles en régulière (seulement 50 matchs lors de la saison 1998-99 pour cause de lock-out). Chez les Malone, l’expression “load management” est une insulte, ou dans le meilleur des cas une punchline qui fait bien marrer le grand Karl, ses amis, ses enfants et tous ceux qui les entourent. Depuis ce 5 décembre 2000, quatre autres joueurs ont dépassé les 31 419 points de  Wilt Chamberlain : Kobe Bryant, LeBron James, Michael Jordan et Dirk Nowitzki. Et parmi ces quatre monstres, un seul est en capacité de venir chatouiller le facteur. C’est bien sûr LeBron James puisqu’il est le seul encore en activité et qu’il ne semble pas décidé à ralentir alors qu’il va avoir 35 ans le 30 décembre prochain. On verra si, sur la longueur de leurs carrières, des gars comme Kevin Durant ou James Harden pourront venir s’installer à des pareilles hauteurs au scoring.

On se rend bien compte que Karl Malone ne sera pas simple à déloger. Depuis 19 ans, il est le deuxième scoreur le plus prolifique de tous les temps, depuis 15 ans il fait partie des deux seuls joueurs à avoir dépassé les 36 000 points en carrière. Pour toujours, il restera l’un des métronomes offensifs les plus incroyables que la NBA ait connu.