Le forfait de Kyrie Irving est confirmé : son absence n’a pourtant pas que des mauvais côtés pour les Celtics

Le 06 avr. 2018 à 16:51 par Aymeric Saint-Leger

Kyrie Irving
Source image : NBA League Pass

Attention, attention. Nous ne sommes pas en train de dire que se passer de Kyrie Irving pour un run en Playoffs, c’est cool. Devoir faire sans son meilleur joueur, c’est une tare pour les Celtics, qui ne pourront pas compter sur son expérience, sa clutchitude et son leadership lors des mois d’avril et de mai (voire juin ?). En attendant, une sage décision a été prise, et elle pourrait s’avérer bénéfique, pour le joueur, ses coéquipiers et sa franchise, à moyen et long terme.

Ça y est, ça a été annoncé officiellement hier, on ne reverra pas Kyrie Irving sur les parquets cette saison. De quoi mettre fin aux espoirs de titre des Celtics en 2018, puisqu’ils perdent celui qui était dans la course au MVP fut un temps, en fin d’année 2017. Clairement, le choix était un crève-cœur pour le management de Beantown : garder un Kyrie à 50-60% et essayer d’aller jusqu’en Finales NBA cet été, ou le mettre au placard, sur le billard, et le reposer en vue de l’exercice 2018-19. C’est la deuxième option qui a été préférée, qui va donc envoyer le meneur en salle d’opération pour son genou gauche, et le contraindre à une convalescence estimée à quatre ou cinq mois. De fait, il devrait pouvoir se remettre tranquillement, faire sa rééducation, et reprendre l’entraînement dès la fin de l’été, pour se préparer à la prochaine saison. Le tandem formé par l’ancien des Cavaliers et Gordon Hayward va donc rester à l’infirmerie tout au long de la fin de saison. Avec les deux larrons, tous les espoirs auraient été permis pour aller décrocher le trophée Larry O’Brien. Mais la terrible blessure de Gordie après cinq minutes de saison régulière a rapidement amenuisé les chances des verts d’aller au bout. Avec un deuxième All-Star le rejoignant dans le rang des estropiés, une croix est quasiment faite sur les espoirs de Boston. Mais c’est un mal pour un bien, et le marabout, le sorcier local, Danny Ainge, le sait bien. Le produit de Duke a encore deux potentielles années de contrat, alors que le beau gosse pourrait rester dans le Massachusetts pour trois saisons supplémentaires. L’urgence n’est pas là pour le management des C’s, s’il n’y a pas de titre cette année, ce n’est rien de grave. La saison a déjà été bonne jusque là, Brad Stevens a réussi à créer une superbe osmose collective, avec le numéro 2 en chef de file, qui s’est superbement adapté dans le nord-est des États-Unis. On verra plus tard pour l’intégration de Gordon, mais il est clairement au taquet, s’entraîne comme un forcené, récupère très bien de son horrible blessure et a vraiment faim de ballon et de retour, à tel point qu’on a dû freiner sa rééducation du côté des celtes. Bref, on voit à moyen terme chez les Celtics, peu de monde pourrait résister à un possible combo Hayward-Irving, en pleine forme au mois d’octobre prochain. Et comme un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, toutes les précautions ont été prises, surtout avec le champion NBA 2016, en attendant de voir des jours encore meilleurs sous le ciel de Beantown.

Kyrie Irving va donc subir sa nouvelle opération au genou, après celle qu’il a expérimenté le 24 mars dernier et à l’intersaison 2015. Il s’était blessé lors du Game 1 des Finales NBA, avait tout donné, mais son articulation avait clairement lâché. Il était revenu au cours de l’exercice 2015-16, lors duquel il a joué 53 rencontres, plus les Playoffs, où son tir clutch (coucou Steph) avait scellé le premier titre NBA des Cavaliers. Mais même là, et lors de la saison suivante, Uncle Drew jouait parfois avec le frein à main, de peur de se péter à nouveau sévèrement. Le quintuple All-Star s’est alors fait transférer vers Boston, dans un trade où tout n’était pas très clair au niveau de la santé physique des superstars qui ont été échangées. On a beaucoup parlé de la carotte que Danny Ainge a mis à Cleveland, en leur refilant un Isaiah Thomas avec une hanche en carton, mais on a que peu parlé de l’état du natif de Melbourne. En effet, son genou gauche grinçait encore, et cela n’a fait qu’empirer au fur et à mesure des 60 matchs qu’il a disputé cette année. Avec des statistiques plus que correctes (24,4 points, 3,8 rebonds et 5,1 assists en 32,2 minutes par match), il s’était très bien intégré au basket ultra-collectif, basé sur le mouvement de ballon de l’ancien coach d’Hayward à la fac de Butler. Malheureusement, le genou de Kyrie est comme un roseau : il plie mais ne rompt pas, du moins, jusqu’à un certain point. Avant qu’une grosse blessure, pouvant flinguer la carrière d’un joueur si talentueux, se déclare, le front office des verts a préféré payer un tribut assez lourd en sabotant toute chance de titre cette année, que de régler une addition bien trop salée quelques semaines plus tard, ce qui aurait pu être regretté pendant des années. Oui, Kyrie Irving aurait pu gâcher sa carrière s’il continuait à jouer cette saison, surtout du fait de l’intensité des Playoffs, qui aurait fait tirer le sublime dribbleur sur son articulation, l’amenant jusqu’à une seconde rupture. Danny Ainge offre ainsi à son poulain un repos bien mérité, lui qui souffrait d’une tendinite récurrente au genou tout au long de la saison. La sonnette d’alarme a été tirée, ce sont les mêmes symptômes qui avaient mené le meneur jusqu’à sa terrible blessure, il y a de ça trois ans. Les séquelles laissées par cette nouvelle opération, hors rupture, seront normalement bien moindres, et ne devraient pas entacher la suite du parcours d’Uncle Drew en NBA, que ce soit au TD Garden ou ailleurs, puisque son niveau tend à prouver que n’importe quelle salle de la Ligue, c’est son jardin. Puis, rappelons que l’animal a seulement 26 ans, il va bientôt entrer dans son prime. On n’a surtout, mais alors surtout pas envie, de le voir s’éteindre peu à peu, et de classer son dossier dans le compartiment “carrières gâchées”. Même si cela doit signifier qu’il laisse ses coéquipiers orphelins pour la fin de l’exercice actuel.

Malgré cela, la bande de joyeux lurons qui traîne à Beantown ne se laisse pas aller. Le talent du roster est amoindri, mais existe toujours, entre la jeunesse impétueuse et l’expérience apaisante du squad managé par Danny Ainge. Ce dernier l’assure auprès du Boston Herald, ses gars sont déterminés à ne rien lâcher, malgré les différentes absences :

“On a joué un basket fantastique malgré les challenges que nous avons eu à relever d’un point de vue physique. Donc j’aime regarder ces gars jouer, ils vont se battre. […] L’expérience qu’ils vont accumuler maintenant en allant en Playoffs [sans Kyrie Irving, ndlr] est énorme, sans aucun doute. […] Quand Gordon Hayward s’est blessé, on n’a pas abandonné, et nous ne le ferons pas non plus maintenant que Kyrie est lui aussi blessé. […] Je peux vous assurer une chose : les garçons n’abandonneront pas maintenant.”

Si l’on a tendance à vouloir observer l’évolution des verts à moyen terme, avec le repos de Kyrie, et le retour en grâce de ce dernier et de son pote Gordon d’ici quelques mois, Danny Ainge a de l’expérience, et veut regarder plus loin vers l’horizon. Si de bonnes choses arrivent l’an prochain, tant mieux, il ne s’en plaindra pas. Ceci dit, le but de la postseason qui arrive dans une grosse semaine est assez clair pour lui : développer ses jeunes, prendre de l’expérience, souder encore plus une équipe dont les joueurs s’entendent déjà à merveille. Si les plus expérimentés que sont Al Horford, Marcus Morris, Aron Baynes et compagnie n’en sont pas à leurs premiers Playoffs, c’est tout nouveau pour d’autres. Le fait d’avoir déjà joué dans des matchs couperets, sans avoir un rôle important, c’est bien. C’est ce qu’on déjà fait Jaylen Brown et Terry Rozier III, notamment l’an dernier. Cependant, cette année, les deux jeunes joueurs, plus le néophyte Jayson Tatum auront des responsabilités bien autres. Les Celtics doivent se passer de Smart, Theis, Hayward et Irving. Il faut bien que des joueurs prennent le relais, et compensent par leur apport personnel et collectif l’absence de ces derniers. Et puis, quelle meilleure école que les Playoffs pour gagner en expérience, en confiance, en maturité ? Aucune. La priorité va au développement du duo des Jay, Tatum et Brown. Ils devront porter l’équipe aux côtés des vétérans, comme ils l’ont fait sur la fin de saison régulière. Les deux jeunes joueurs, respectivement 20 et 21 ans, sont capables de tenir tête aux grosses cylindrées de la Ligue, s’ils ne se font pas rattraper par la pression de l’événement. Pour éviter que cela arrive, ils seront épaulés par des joueurs plus expérimentés, et par leur coaching staff. Du temps de jeu, des responsabilités supplémentaires en l’absence de certains des leaders, voilà comment se développer, et éclore peu à peu tels de jeunes bourgeons au printemps. Puis qui sait, en fonction des match-ups qui seront proposées à Boston, les jeunes pousses pourront peut-être prolonger le plaisir et s’aguerrir avec le mois de juin en ligne de mire. Certes, aucun de ces deux talentueux et inexpérimentés joueurs n’est meneur de jeu. Pour cette mission, il y aura d’autres responsabilités à prendre. Al Horford pourra driver l’attaque de la franchise du Massachusetts de la tête de raquette de temps à autres, mais il faudra également des organisateurs au poste 1 pour faire tourner l’attaque. C’est ici où Terry Rozier, et Shane Larkin dans une moindre mesure, vont avoir un rôle à jouer. Le premier, 24 ans, va devoir assumer une lourde tâche que lui incombe le taf de titulaire, alors que le second, âgé de 25 printemps, devra dynamiser la second unit de Beantown, et essayer de ne pas perdre en qualité. L’opportunité est belle : devoir gérer un si bel effectif, qui plus est lors de la postseason, c’est une chance qui ne se présentera pas tous les jours, surtout pour l’ancien des Knicks.

Encore une fois, l’absence de Kyrie Irving est plus que regrettable, pour des Celtics qui semblaient armés pour aller tutoyer les sommets. Espérons, comme le dit Kanye, que “before the day I die, I’m gonna touch the sky” soit une maxime qui s’appliquera à Uncle Drew. Si tout se passe bien, entre la convalescence de Kyrie, son retour accolé à celui d’Hayward, et l’expérience accumulée par les jeunes verts cette année en Playoffs, Boston sera une machine à mettre des roustes à quiconque croisera son chemin, dès octobre prochain, et ce pendant quelques années.

Source texte : Boston Herald