Jerry Krause est décédé : l’architecte des Bulls aux 6 titres, peut-être haï mais surtout respecté

Le 22 mars 2017 à 05:58 par Bastien Fontanieu

Jerry Krause
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C’est dans la soirée de ce mardi que l’annonce a été rendue publique sur la planète basket. Jerry Krause, figure marquante des Bulls entre 1985 et 2003, est décédé à l’âge de 77 ans : un personnage aussi emblématique qu’énigmatique.

Phil Jackson, Michael Jordan et Scottie Pippen. Même Dennis Rodman, Steve Kerr et Toni Kukoc. On pourrait aller jusqu’à B.J. Armstrong, Horace Grant et Bill Wennington, sans hésiter. Lorsqu’on demande à n’importe quel fan de basket de dessiner la tête des Bulls dans les années 90, nombreux sont les visages et noms évidents qui apparaissent tel un flash dans notre tête. Les joueurs, et le coach. Deux entités qui avaient rendu Jerry Krause célèbre, mais pas forcément pour les meilleures raisons. Car comme un certain numéro 23 le répétait si souvent, et notamment lors de son speech d’introduction au Hall of Fame en 2009, le General Manager des Bulls avait énervé la star à cause de cette phrase, aussi osée que pertinente : les joueurs et coachs ne gagnent pas de titres, mais les organisations oui. L’histoire retient souvent ces mots, alors qu’il en manque un majeur, seuls. Les joueurs et les coachs ne gagnent pas de titres seuls, voilà ce que disait ce General Manager possédé par la gagne, un véritable malade du travail, avec un nez rare pour détecter les athlètes de talent. Krause, avec ses airs de vilain dans un cartoon pour gosse ou petit-gros du collège dont on se fout de la gueule, était littéralement… seul.

Seul dans sa bulle, seul dans sa façon d’opérer, seul dans certaines décisions fondamentales qui allaient créer une véritable dynastie dans l’Illinois. Arrivant en 1985 avec un bijou immatriculé MJ23 dans son vestiaire, Jerry se mettait au boulot afin d’entourer ce dernier avec un effectif proche de la perfection. Tant de talent ne pouvait être gâché par une construction aussi stupide que celle vécue actuellement à Chicago. Ce qu’il fallait, c’était un General Manager qui soit suffisamment couillu, créatif, possédé et déterminé afin d’assurer un parcours royal à sa star. Et quelque part, si leur apparence était plus extrêmement opposée que jamais, Jordan et Krause partageaient cette dalle de la gagne. Vous avez dit seul et couillu ? C’est lui qui virait Doug Collins, pour recruter un certain Phil Jackson, jusqu’alors inconnu du monde du coaching en NBA. C’est lui qui transférait le matos nécessaire pour obtenir Scottie Pippen et l’installer aux côtés de Michael. C’est lui qui enrageait Jordan en séparant la star de Charles Oakley, son pote de toujours, histoire d’apporter Bill Cartwright et ajouter John Paxson en bonus. C’est lui qui récupérait Horace Grant et B.J Armstrong à la Draft, comme un grand. La liste est longue, très longue.

Et quand bien même un premier triplé était validé pour les Bulls ? Krause allait nous chercher Toni Kukoc à une époque où ramener des Européens était aussi funky que drafter des meneurs gestionnaires de nos jours. Ron Harper, la même, recruté sur un genou et demi. Comble du culot, après avoir flanché pendant des années face aux Pistons lors de la fin des années 80, le GM de Chicago récupérait un certain Dennis Rodman paumé à San Antonio… contre Will Perdue. Nouveau triplé, dans cette même solitude qui l’a caractérisé pendant si longtemps. Bien évidemment, le tableau ne peut être uniquement doré. Jerry était aussi ce wagon avançant uniquement à son rythme, refusant de payer Pippen comme il se doit pour tester Kukoc à ses côtés, lié ad vitam eternam à la famille Reinsdorf et à ses demandes, en tant que propriétaire de la franchise. Cette obsession pour la gagne ne faisait que creuser sa grotte, et accroître son isolement, car Jerry n’avait que la victoire en tête. Contre vents et marrées, contre adversaires ou alliés, il allait faire son job. Voilà tout le mystère qui entourait cet homme, un GM d’exception, souvent laissé dans son coin et regardé en ricanant, tel un savant-fou enfermé dans son labo.

Hier, c’est une légende de l’histoire des Bulls qui a quitté la planète basket. Un natif de Chicago, drogué par la gagne et goinfré par les bagues, parfois incompris mais souvent droit dans le mile. Oui, Jerry Krause était peut-être couillu, mais il avait souvent raison : sans lui, il n’y aurait pas eu de dynastie chez les Bulls. Et ça, que Jordan l’accepte ou pas, ce sera l’héritage laissé par un General Manager en or massif.