À la rencontre de Herbie Kuhn, la voix des Raptors

Le 08 avr. 2016 à 12:43 par Benoît Carlier

Herbie Kuhn

Présent à la table de marque des Raptors depuis le premier jour de l’histoire de la franchise, Herbie Kuhn continue d’animer le Air Canada Centre avec la même passion tous les soirs depuis près de 21 ans. Nous sommes allés à sa rencontre quelques heures avant le match opposant Toronto aux Hornets cette semaine.

Dans sa veste aux couleurs des Raptors, ce natif de Toronto nous accueille à l’entrée du stade, son lieu de travail les jours de match. À plus de deux heures du coup d’envoi, il s’affaire déjà dans les coursives de l’enceinte. Ici, Herbie fait quasiment partie des meubles. Il connaît tout le monde et tout le monde connaît sa voix et son sourire légendaires. Avec plus de 900 matchs au compteur, il est le premier et donc le seul public address announcer de la franchise qu’il a vu se construire au fil des années depuis sa création à l’aube de la saison 1995-1996. Avec sa voix grave et chaleureuse, il nous raconte son quotidien si atypique que seuls 29 autres annonceurs NBA partagent avec lui.

TrashTalk : Comment êtes vous devenu la voix des Raptors ?

Herbie Kuhn : Toronto et Hamilton co-organisaient le Mondial 1994 grâce à John Bitove et son groupe d’investisseurs. Il s’avère que John était aussi le premier propriétaire majoritaire des Toronto Raptors. J’ai donc travaillé très dur et je me suis beaucoup préparé pour le Mondial et j’ai pu présenter 13 des 16 équipes du tournoi. Ensuite, la même personne qui était chargée de recruter entre 10 et 12 annonceurs pour le Mondial a été missionnée pour trouver le speaker des Raptors. C’était un an plus tard.

TT : Aviez-vous déjà connaissance de cette opportunité à l’époque ?

HK : Au début je ne le savais pas mais je l’ai appris pendant le tournoi. Comme il y avait un an entre les deux, j’ai essayé de me montrer le plus possible dans des écoles et partout dans Toronto. Puis un jour j’ai reçu un coup de téléphone de la part de l’assistant de Brian Cooper qui demandait à me rencontrer à propos du poste de speaker des Raptors.

TT : Est-ce quelque chose que vous aimiez déjà faire étant plus jeune ? Est-ce que vous avez pris des leçons de théâtre par exemple ?

HK : J’ai commencé à vraiment aimer ça à partir lycée. J’aimais le théâtre et j’aimais parler en public. Je savais aussi que je voulais travailler dans le monde du sport même si je n’avais pas une idée précise du métier que je souhaitais faire. Les Raptors n’existaient pas encore à l’époque donc je n’ai jamais rêvé de devenir l’annonceur de la franchise quand j’étais jeune. Mais lorsqu’en 1994 la création de la franchise a été annoncée pour l’automne suivant, alors oui j’ai commencé à rêver que cela puisse devenir mon boulot.

TT : Êtes-vous engagé à plein temps ?

HK : Non, c’est un travail à temps partiel juste le temps de la saison et je participe en plus à quelques événements extérieurs de temps à autre dans les écoles notamment.

TT : Vous êtes la voix des Raptors, vous êtes donc irremplaçable et ne pouvez tomber malade durant la saison. Que se passe-t-il si vous étiez amené à manquer un match ?

HK : [Rires] Si, je peux être malade. Il existe une personne qui est mon remplaçant officiel. Il sait que si je ne peux pas être là, il sera le premier à être appelé. Maintenant ce que je peux aussi vous dire c’est que cela n’est arrivé qu’une seule fois lors des deux dernières saisons et que quelques fois seulement depuis la création de la franchise il y a 21 ans. Espérons que ça continue comme ça.

TT : Est-ce que vous vous entraînez chez vous ?

HK : En fait je ne m’entraîne pas tant que ça. Je regarde simplement les rosters suffisamment en avance pour m’assurer que j’arrive à prononcer tous les noms. C’est d’ailleurs pour ça que j’arrive toujours très tôt avant la rencontre [environ trois heures avant le coup d’envoi]. Je vais toujours voir le responsable des relations presse de l’équipe adverse pour vérifier les prononciations les plus délicates avec lui. Et si j’ai encore un doute il m’arrive d’aller voir le joueur pour lui demander en personne.

TT : Justement, quel est le nom qui vous a posé le plus de difficulté dans votre carrière ?

HK : Vitaly Potapenko [insiste sur le “ta”] l’ancien joueur des Celtics notamment. Tout est dans l’accentuation. Lors de mes premières années, entre 1995 et 1997, je me souviens aussi d’un joueur de ceux qui s’appelaient encore les Bullets de Washington à l’époque. Il s’agit de Gheorghe Muresan. Il mesurait plus de 2 mètres 30 si je me souviens bien. Prononcer son nom était un défi intéressant. Donc il y a eu des tas de noms intéressants au fil des années. En ce moment, mon préféré c’est le numéro 17 des Atlanta Hawks Dennis Schröder. Selon les RP des Hawks, tous les autres speakers écorchent son nom.

TT : Donc c’est vous le meilleur !

HK : Je ne sais pas si je suis le meilleur, mais j’ai des origines allemandes donc ça aide [rires].

TT : Vous avez suivi les Raptors depuis leurs débuts il y a 21 ans, quel est votre meilleur souvenir ?

HK : Je pense que mon meilleur souvenir date de la première saison lorsque nous gagnons contre les Bulls. Cette année, tout le monde parle des Warriors pour savoir s’ils peuvent battre le record de 72 victoires et 10 défaites. C’était lors de la saison 1995-1996 des Bulls et l’une de ces défaites était contre les Raptors qui venaient d’être créés. A l’époque c’était de l’autre côté de la rue, au Rogers Centre qui s’appelait à l’époque le SkyDome, et nous avions gagné ce match 109-108, je ne l’oublierai jamais. Je me rappelle aussi du match 6 contre les Sixers de Philadelphie en demi-finale de Conférence en 2001. C’était un vendredi soir et nous devions gagner où la série était terminée. Nous avons gagné pour forcer un match 7 à Philadelphie que nous avons malheureusement perdu par la suite. Le match 7 contre Brooklyn il y a deux ans était juste énorme aussi. Il y a eu beaucoup de grands moments. Mais le relationnel arrive encore au-dessus de tout ça. Être amené à côtoyer des joueurs, des coachs, des arbitres, les personnes avec qui je travaille à la table de marque. C’est ce qui m’apporte le plus.

TT : Vous assistez à tous les matchs à domicile, mais cela ne vous manque-t-il pas parfois de ne pas être présents aux rencontres disputées à l’extérieur ?

HK : Ça ne me manque pas vraiment. Il y a certains matchs auxquels j’aimerai assister bien sûr, Un peu plus tôt dans la saison, on a fait la route jusqu’à Cleveland avec deux amis pour voir le match contre les Raptors. C’était sympa, mais je suis marié et j’ai une famille à la maison donc être là 41 nuits par an c’est suffisant.

TT : Connaissez-vous les autres annonceurs de la NBA ?

HK : Je n’en connais que deux. Paul Porter du Magic d’Orlando et Olivier des Cavaliers qui vient de la même fac que moi à Montréal. Nous sommes tous les deux diplômés du Cégep Vanier College et je trouve ça complètement fou que les speakers des deux meilleures équipes de la Conférence Est viennent de la même école.

TT : Qu’avez vous ressenti en accueillant le dernier All-Star Game, ici à Toronto et quel est votre prochain défi ?

HK : Le prochain défi serait de gagner un titre NBA. Mais pour revenir au All-Star Weekend, c’était un grand privilège. C’était très intense, c’était très sympa et c’était très bruyant. Je suis très reconnaissant d’avoir pu y participer même si j’étais aussi soulagé une fois que ça a été terminé parce que j’étais complètement épuisé. Mais c’était absolument génial de pouvoir présenter des joueurs aussi fantastiques. De nombreuses légendes étaient aussi présentes pour assister aux différents matchs. Et en tant que natif de Toronto qui a été élevé et qui a grandi ici, être l’annonceur pour le premier All-Star Game disputé hors des Etats-Unis, ici à Toronto, c’était vraiment formidable.

TT : Vous avez vu passer des milliers de joueurs, quel a été celui qui vous a le plus impressionné ?

HK : Je vais dire Michael Jordan. J’ai pu l’annoncer plusieurs fois avec les Bulls puis quand il a fait son come-back avec Washington et c’est sûrement le meilleur. Kobe aussi, qu’est-ce qu’on peut dire de Kobe ? Il est fantastique. Il y a Vince Carter pour les Raptors. Il a fait lever la salle tellement de fois, je ne peux même pas vous dire. Il était si spectaculaire et il y avait de l’électricité dans l’air à chaque fois qu’il entrait sur le parquet. Il y en a eu beaucoup, Ray Allen aussi, maintenant Stephen Curry. J’ai aussi eu la chance d’annoncer Magic Johnson lors de ma première année lorsqu’il a réalisé son come-back avec les Lakers. Wow, j’ai présenté Magic Johnson. C’était quelque chose de vraiment spécial. Je suis désolé, je ne peux pas un citer qu’un.

TT : Et qui était le joueur le plus sympa ?

HK : Le joueur le plus sympa des Raptors était sûrement Anthony Parker. Il a disputé quelques campagnes de Playoffs ici [en 2007 et 2008]. C’était un gentleman et vous n’auriez jamais dit qu’il était joueur NBA s’il n’était pas aussi grand. C’était un véritable grand homme. Mais il y en a eu plusieurs comme ça chez les Raptors. Il y a eu Landry Fields, Eric Montross, Joey Graham, il y a eu tellement d’hommes fabuleux et les pieds sur terre. Dell Curry aussi, le père de Steph. Allez parler à Dell ce soir, vous verrez que c’est quelqu’un de génial. Il est très sympathique.

TT : Est-ce que l’équipe actuelle est la meilleure jamais alignée par les Raptors ?

HK : Je pense que c’est la plus complète que j’ai été donné de présenter, oui. Cette équipe a montré qu’elle pouvait défendre, qu’elle peut scorer et qu’elle peut revenir lorsqu’elle est menée. Pour la première fois cette année, cette équipe a battu les franchises qu’elle était supposée battre avec beaucoup de régularité plutôt que de s’adapter au niveau de l’adversaire et se faire avoir.

TT : Pour finir, quelle est votre pronostic pour cette fin de saison ?

HK : Je pense que nous irons en finale de Conférence contre Cleveland et ensuite on verra.

Même après des centaines de matchs préparés, des milliers de joueurs présentés et des millions de spectateurs ambiancés, Herbie Kuhn n’a finalement pas changé. Il reste et restera toujours ce gamin de Toronto amoureux de sa ville et des gens qui l’habitent. Un grand merci à lui pour sa disponibilité, son sourire et ses petites expressions françaises toujours extrêmement bien trouvées !

Source image : Twitter @CTVToronto