“La French” : bilan 2015 de la délégation française en NBA

Le 03 juin 2015 à 20:00 par Alexandre Martin

Evan Fournier-Nicolas Batum-Tony Parker - Boris Diaw - Rudy Gobert

Depuis la fin des demi-finales de conférence et l’élimination des Wizards de Kevin Séraphin par les Hawks ou la mise à mort des Taureaux de Chicago par les Cavaliers, il n’y a plus de joueurs français en compétition en NBA pour cet exercice 2014/2015. Le moment est donc venu de regarder dans le rétro et de faire le bilan de chacune des saisons de nos frenchies. 

Certains ont déçu, d’autres ont surpris. D’autres encore nous font parfois grincer des dents ou sourire de satisfaction mais ce qui est sûr c’est que le basket tricolore peut se targuer d’être très bien représenté au sein de la Grande Ligue. Ils étaient 12 Français à être sous contrat avec une franchise NBA cette saison et ils ont connu des fortunes très diverses. Voici la bilan de “La French Connection”…

Tony Parker :  une année sombre pour le patron

Tony Parker

Image : Stephen Dunn – Belgaimage

Avec 14,4 points et un peu moins de 5 passes décisives de moyenne, TiPi réalise sa moins bonne saison sur le plan statistique depuis son année de rookie ! Le boss des Bleus a enchaîné les pépins physiques sans jamais sembler trouver le rythme au cours de cet exercice 2014/2015. Pourtant, il avait fait l’impasse sur le Mondial espagnol en septembre dernier justement dans l’optique de se reposer et d’être en grosse forme pour faire le back-to-back avec San Antonio. Mais en Playoffs, Tony n’a pas su (pu ?) élever son niveau de jeu – à l’image des Spurs – et il s’est fait largement dominer par Chris Paul (ça peut arriver…). Sur les 7 matches de la série face aux Clippers, Parker n’a envoyé qu’à peine 11 points et 4 offrandes de moyenne ce qui est de très loin sa moins bonne campagne de post-season depuis 14 ans qu’il est en NBA et qu’il va en Playoffs tous les ans. Le point positif : le meilleur joueur français est en vacances plus tôt que d’habitude et va pouvoir bien se reposer avant d’aborder un mois d’août et un mois de septembre chargés de défis en bleu.

Boris Diaw : le Président a tenu son rôle

Fidèle au poste de sixième homme chez les Spurs, notre Babac national a réalisé une saison à peine un poil en-dessous de ses standards statistiques habituels. Il a participé à 81 matches dont 15 en tant que starter. 8,6 points, 4,5 rebonds et 3 passes décisives agrémentent la ligne de stats de notre Captain. Il vient d’enchaîner saison NBA (Finales) – Euro 2013, saison NBA (champion) – Mondial 2014 et donc cette année 2014/2015. La fatigue, voire une certaine lassitude, pourraient être tout à fait compréhensibles d’autant plus que Boris a fait de son mieux en élevant son niveau en Playoffs pour tenter de sauver les Spurs face aux Clippers avec presque 12 points de moyenne, plus de 6 rebonds et 3,6 caviars distribués. Le “Président” a donc bel et bien tenu son rôle mais il a besoin d’un collectif mieux huilé pour s’exprimer. On se voit en septembre sur les planches de l’EuroBasket puis à partir de fin octobre pour une nouvelle saison NBA qui sera sa 13ème.

Joakim Noah : un arrière goût amer

Joakim Noah

Image : Jonathan Daniel / Getty Images North America / AFP

Pour sa 8ème saison NBA, “Jooks” nous a sorti une ligne de stats décevante. Seulement 7,2 points de moyenne à moins de 45% au tir : c’est peu et le pourcentage n’est pas digne d’un intérieur qui ne shoote quasiment que de près et témoigne du manque de confiance dont a semblé souffrir Noah du début à la fin de l’exercice. Heureusement, il a compensé ce déficit en points par presque 5 passes décisives par rencontre. 9,6 prises au rebond à chaque match, cela reste très honorable même si le pivot des Bulls nous avait habitué à bien mieux (plus de 11) lors des deux dernières saisons. On note aussi moins de contres et moins d’interceptions. All-Star en 2013 et en 2014 ainsi que défenseur de l’année et membre de la All-NBA First Team en 2014, l’ami Joakim a eu du mal à retrouver son rayonnement habituel sur le parquet entre une blessure au genou qui l’a poursuivi, le retour de Derrick Rose et l’irrésistible ascension de Jimmy Butler. Tout était finalement plus compliqué à Chicago cette année pour Noah qui n’a jamais semblé en mesure d’insuffler son énergie habituelle au collectif des Taureaux. Le connaissant, il doit être très frustré de tout ça et va revenir énervé et en pleine forme dès l’an prochain.

Nicolas Batum : on attend toujours Batman…

Pour sa 7ème saison parmi l’élite, l’ailier des Blazers a déçu. Moins de 10 points par match (9,4) à tout juste 40% de réussite le tout couplé à une activité moindre au rebond et à la passe que la saison précédente ! Nicolas Batum est un superbe basketteur. Il dispose de qualités athlétiques dignes des meilleurs postes 3, il est capable de shooter dans le périmètre et il représente une option défensive fiable sur tous types de joueurs extérieurs. On lui a souvent reproché une certaine nonchalance, un manque de prise d’initiative et il nous avait fait mentir lors de ces deux superbes matches effectués avec les Bleus contre la Serbie et contre le Lituanie lors du dernier Mondial. Malheureusement, une fois revenu de l’autre côté de l’Atlantique, le Nico qui nous énerve est réapparu : trop timide et jamais en rythme du coup, Batum a dû également soulever quelques questions du côté des Blazers qui ont un énorme chantier à effectuer cet été avec LaMarcus Aldridge et Wes Matthews qui seront agents-libres ainsi qu’éventuellement un certain Damian Lillard à prolonger. Le Français a encore deux années, sur le papier, en Oregon pour une somme totale d’environ 24 millions. Attention à ce que les dirigeants de Portland ne commencent pas à trouver l’ailier tricolore un peu trop cher…

Rudy Gobert : du banc à futur défenseur de l’année en deux mois !

Rudy Gobert

Image : Rick Bowmer/Associated Press

C’est bien simple, quand le Jazz a décidé d’envoyer Enes Kanter se faire voir chez le Thunder à la trade deadline, on s’est dit : “Ah ça c’est super pour Rudy” mais nous étions tout de même loin de nous imaginer l’ouragan qu’allait devenir celui qu’on surnomme aujourd’hui “Gobzilla” ou “The Stifle Tower” ! Sur la saison dans son ensemble, Gobert – qui a participé aux 82 matches de l’escouade de coach Snyder – c’est 8,5 points, 9,5 rebonds et 2,3 contres (4ème en NBA cette année…) par rencontre ce qui est franchement pas mal du tout. Mais depuis la mi-février dernier, “Rouuuuuudy” s’est transformé en bête féroce : 11,1 points à 58% au dunk tir, 13,4 rebonds, 2,6 contres et 1 interception de moyenne (sur les 29 derniers matches de la saison donc). Résultat : le Jazz – qui traînait un bilan de 19 victoires pour 34 défaites avant le All-Star Break – a envoyé un bon vieux 19-10 des familles avec notre frenchie aux commandes de ce qui est devenu l’une des meilleures défenses de la Grande Ligue ! Car, au delà des stats, Rudy Gobert est un maniaque pour qui la protection de l’arceau passe avant son intégrité physique ou morale et pour qui prendre un rebond est une évidence comme respirer, boire ou manger… Jamais il n’hésite à monter au contre face aux marsupilamis qui arrivent dans la raquette pour tenter de le postériser. Certains y sont arrivés mais beaucoup se sont heurtés au pivot des Bleus et ont dû repartir en baissant le yeux. Et oui, il est comme ça Rudy, on n’attaque pas SON cercle. Le public mormon l’a bien évidemment adopté instantanément mais c’est même toute le ligue qui n’a pu l’éviter. Du haut de ses 2m18 et munis de ses bras interminables, Mister Gobert est régulièrement apparu dans les Top 10 grâce à de gros contres ou des dunks bien cinglants. A 22 ans et en finissant 3ème au classement du MIP et 5ème à celui du DPOY, ce bon Rudy vient d’accélérer sérieusement le déroulement de sa carrière. Il est désormais un joueur qui sera craint mais également attendu. Un candidat au titre de défenseur de l’année dans la lignée des plus grands pivots défensifs, rien que ça…

Evan Fournier : ce diamant qui ne demande qu’à être poli…

Avec un temps de jeu moyen de plus de 28 minutes, 12 points par match à 44% au tir dont un excellent 38% derrière l’arc, Evan Fournier sort de la meilleure de ses 3 saisons en NBA. Mais cela aurait même pu être encore mieux ! Profitant tout d’abord de l’absence de Victor Oladipo puis associé à ce dernier, ce bon Evan a été titulaire 28 fois lors des 29 premières rencontres du Magic. Résultat : presque 15 points de moyenne (45% au tir dont presque 40% à 3-points), 3 rebonds et 2,5 passes décisives en 33 minutes. Et puis, c’est ce moment que Jacque Vaughn a choisi pour mettre le Français sur le banc afin de faire jouer Elfrid Payton à la mène pour repositionner Victor Oladipo au poste 2 qui lui convient beaucoup mieux. Frustrant. Même si on peut comprendre le choix tactique de l’ex-entraîneur d’Orlando et que Fournier a continué de proposer de bonnes choses dans un rôle de sixième homme (avant de se blesser à la hanche), nous aurions aimé qu’il puisse poursuivre son éclosion en tant que titulaire. Toujours est-il qu’à 22 ans, Evan Fournier a montré à tous les observateurs que son potentiel offensif est très élevé, que ses aptitudes défensives sont loin d’être ridicules et qu’il semblait déterminé à progresser pour réussir. Que ce soit en bleu ou en NBA, l’avenir de celui qu’on surnomme “More champagne” s’annonce définitivement radieux à condition qu’on lui donne le temps de jeu qu’il mérite.

Kevin Séraphin : et maintenant, on fait quoi ?

Kevin Seraphin

Image : Alex Brandon / AP

Encore une saison qui nous laisse vraiment sur notre faim pour l’ami Kevin. Il a participé à 79 matches avec les Wizards mais pour un temps de jeu d’à peine 16 minutes en moyenne. Ce sont moins de 7 points et 4 rebonds qui viennent “garnir” sa ligne de stats 2014/2015. Par rapport au talent offensif que possède “Kéké”, c’est très frustrant. L’intérieur français – formé à Cholet Basket – a des mains en or. Il peut shooter à mi-distance, il peut enfoncer n’importe qui au poste bas et finir avec beaucoup de toucher que ce soit main droite ou main gauche. Séraphin est capable de tourner à 15 points par match en NBA, encore faudrait-il qu’un coach veuille se donner la peine de le faire jouer et de lui faire confiance ce qui n’est clairement pas le cas de Randy Wittman. En fin de contrat, l’été de Kevin le Français va être décisif et on espère de tout coeur qu’il va débarquer très déterminé pour l’EuroBasket histoire d’aider les Bleus et de montrer sur une scène internationale ce qu’il vaut avec une balle orange entre les mains.

Ian Mahinmi : le boulot a été fait ! 

Pour sa troisième saison dans l’Indiana, Mahinmi a semblé tout à fait à l’aise dans le rôle qui lui est confié : pivot remplaçant qui doit apporter de l’énergie, de la défense, des rebonds et quelques points. Statistiquement, ce n’est pas non plus flamboyant mais Ian n’est pas là pour ça. Un peu plus de 4 points, 6 rebonds et presque un contre par rencontre, le tout en 19 minutes de temps de jeu. Voilà ce qui s’appelle faire le boulot et il y a pas mal de franchise NBA qui aimeraient avoir ce genre de back-up dans la raquette pour “seulement” 4 millions l’année ! Notre frenchie est encore sous contrat avec les Pacers pour la saison prochaine, il y a fort à parier que l’été sera très très calme pour lui et que le marché des transferts ne va pas beaucoup l’intéresser. Le retrouverons-nous en bleu pour la préparation du mois d’août voire pour la compétition au mois de septembre ? Voici une autre question à laquelle il est encore trop tôt pour répondre.

Alexis Ajinça : pivot recherche nouveau contrat

68 matches dont 8 comme starter en lieu et place d’Omer Asik ou d’Anthony Davis et un peu moins de 15 minutes par rencontre pour 6,5 points et presque 5 rebonds de moyenne. A l’instar de Ian Mahinmi, Alexis Ajinça a fait le boulot lui aussi dans son rôle d’intérieur remplaçant. Il a su répondre aux attentes de son coach et faire quelques bons passages au sein de cette équipe des Pelicans qui a arraché sa qualification en Playoffs avant de se faire sweeper par les Warriors et de se débarrasser de Monty Williams pour faire venir Alvin Gentry. Il n’est pas sûr que notre Alexis national entre dans les plans du nouvel entraîneur et comme le Français est en fin de contrat cet été, nous suivrons de près sa situation en espérant qu’il trouve chaussure à son pied dès le mois de juillet.

Joffrey Lauvergne : premiers pas dans le Colorado…

Après nous avoir fait plaisir en bleu lors du Mondial 2014 et suite à son bon début de saison avec le Partizan Belgrade, Joffrey Lauvergne a fait le grand et a concrétisé sa draft (en 2013) en signant – à la mi-février – un contrat de 4 ans avec les Denver Nuggets. Pas évident de débarquer en NBA via les Pépites du Colorado cette année car c’était un sacré souk dans cette franchise tout au long de la saison. Aucune hiérarchie chez les joueurs, pas de leader, un coach incompétent qui a fini par se faire virer et un nouvel entraîneur qui n’a pas forcément accordé beaucoup de confiance à notre Français. Au final, Lauvergne a participé à 24 matches pour un temps de jeu moyen dépassant tout juste les 11 minutes et presque 3 points et un peu plus de 3 rebonds de moyenne dans sa besace statistique. Mais connaissant le mental de guerrier de l’ami Joffrey, il va revenir très déterminé déjà en Summer League puis avec les Bleus normalement au mois d’août voire au mois de septembre pour ensuite montrer à la NBA de quel bois il se chauffe ! 

On ne les oublie pas !

Impossible de conclure ce bilan de nos frenchies de NBA sans avoir un mot pour Ronny Turiaf qui n’a pu jouer que deux matches avec les Wolves cette saison pour cause de blessure notamment à la hanche. D’autant plus dommage que l’apport de l’ami Ronny fut très apprécié l’année dernière dans le Minnesota. Le pivot est aujourd’hui sans contrat et certainement en pleine réflexion pour la suite alors qu’on imagine tout à fait certaines franchises NBA vouloir le signer pour bénéficier de son expérience, de sa défense et de son énergie en sortie de banc. Enfin, Damien Inglis n’a lui pas encore eu l’occasion de fouler un parquet NBA puisqu’il a été tenu à l’écart pendant l’entièreté de la saison pour cause de blessure persistante à la cheville (opération). Inglis n’a que 20 ans et encore deux ans de contrat avec les Bucks (1 seul garanti). Espérons que Jason Kidd lui donnera sa chance dans l’aile autour des Parker, Antetokounmpo ou autre Ilyasova.

Même si les leaders du basket tricolore n’ont pas forcément été à la fête cette saison, nous avons beaucoup de raison d’être optimistes et très confiant pour la suite car jamais nos Bleus n’ont eu un niveau aussi élevé et autant de respect outre-Atlantique qu’aujourd’hui. Les deux dernières campagnes de l’équipe de France à l’EuroBasket 2013 en Slovénie et au Mondial 2014 en Espagne ont encore plus mis en exergue les joueurs de grande qualité dont regorge le basket hexagonal. D’ailleurs, ce qui est formidablement excitant c’est qu’on a la douce impression que c’est encore loin d’être fini, que ce que Tony et Boris ont initié – grâce à leur dévotion sans limite – n’a peut-être pas encore atteint son point culminant en bleu. L’Euro de septembre prochain déjà, puis les Jeux Olympiques en 2016 nous donneront sûrement de nouvelles grandes émotions… 

Source image : Anto Hollywotion pour TrashTalk


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