Toni Kukoc, The Croatian Marvel

Le 18 sept. 2013 à 10:38 par David Carroz

Séries cultes, joueurs de légende, rivalités exacerbées, parcours atypiques Régulièrement, une histoire sur la NBA pour briller en société. Alors profitons de cette période creuse et sans match pour nous cultiver un peu.

Cette fois-ci, un membre essentiel de l’armada des Bulls lors de leur second Three-Peat, pas toujours reconnu à sa juste valeur. Surtout à l’époque, car à l’instar de Detlef Schrempf dont nous avons parlé dernièrement, il était un de ces pionniers européens en NBA. Et il passait après Jordan et Pippen dans la hiérarchie offensive des Bulls, auxquels il faut ajouter Rodman pour l’impact médiatique. Forcément, dur d’exister au milieu de ces trois superstars, mais le Croate a su imposer son style peu courant à l’époque en apportant clairement sa touche personnelle qu’il serait injuste de négliger dans les succès des Bulls. Présentation de “the Pink Panther”.

Avant de débarquer en NBA, Kukoc brille en Europe. Trois Euroleagues consécutives et des titres nationaux avec Split, un championnat et une coupe d’Italie avec le Benetton Trévise. Sans compter les médailles chez les jeunes avec la Yougoslavie et surtout la finale de 92 avec la Croatie face à la Dream Team.

À cette époque, les Bulls possèdent les droits sur Kukoc puisqu’ils l’ont drafté à la 29ème position en 1990. Mais Toni reste en Europe pour être proche de sa famille lors de cette période agitée dans les Balkans qui verra la division de la Yougoslavie. Explication officielle. Officieusement, il n’est pas particulièrement désiré par Jordan et Pippen : le premier a refusé de l’appeler malgré la demande des Bulls et le second voit sa revalorisation salariale bloquée par les négociations avec le Croate. C’est dans ce contexte qu’il va rencontrer pour la première fois ses futurs coéquipiers.

Lors du tournoi olympique de 92, la Croatie est dans la poule de la Dream Team. Pippen en veut à Jerry Krause de préférer faire venir ce jeune Européen plutôt que l’augmenter. Jordan soutient son lieutenant. Ils souhaitent humilier Kukoc pour mettre leur GM dans l’embarras et décident donc de lui offrir un traitement de faveur lors de la confrontation entre les deux nations. Avec réussite, puisque Kukoc marque son premier panier dans les dernières secondes de la première mi temps, que les deux Bulls comptent 11 interceptions à ce moment là du match… Le Croate finira le match avec 4 points, à 2/11 aux tirs et 7 balles perdues…

“Dude, it was scary what they did to Kukoc” dira Barkley 20 ans plus tard lors d’un entretien pour l’anniversaire de la Dream Team.

La suite se fera à Chicago puisqu’il est libéré par le Benetton Trévise en juin 1993. Il débarque dans l’Illinois après avoir tout remporté en Europe, comme nous l’avons vu. En plus des récompenses collectives, il faut ajouter 3 titres de MVP du Final Four. Il n’a plus rien à prouver sur le Vieux Continent.

Première désillusion, il ne pourra pas jouer avec le meilleur joueur du monde. En effet, Jordan vient de prendre sa retraite en octobre, alors que les Bulls s’annonçaient comme les principaux favoris à leur propre succession.

Dès cette première saison, il se retrouve le 6ème homme de Phil Jackson et un membre important de l’équipe. Il participe au Rookie Game lors du All Star weekend et est récompensé en étant élu dans la All-NBA Rookie Second Team. Ses stats : 11 points, 4 rebonds et 3.4 assists en 24 minutes de jeu. Pas mal pour un Européen.

Malgré le départ de Jordan, les Bulls sont restés compétitifs sous l’impulsion d’un exceptionnel Scottie Pippen, terminent avec un bilan de 55-27, sweepent les Cavs au premier tour et rencontrent leurs rivaux des Knicks en demi finale de conférence. New York passe en 7 matchs (nous reviendront un autre jour sur cette série épique), mais Kukoc réussit une action d’éclat lors du Game 3, en donnant la victoire aux Bulls au buzzer sur un shoot à mi distance.

La saison suivante, avec le départ d’Horace Grant au Magic d’Orlando, Kukoc va s’affirmer dans l’équipe, devenant le premier lieutenant de Scottie Pippen en prenant place dans le 5 majeur. Jusqu’au retour de Jordan le 17 mars 1995, ils parviendront à laisser les Bulls au dessus des 50% de victoire. Une fois MJ dans le roster, Toni retrouve sa place de 6ème homme. Il réalise aussi son premier triple double en NBA face à Boston : 14 points, 10 rebonds et 11 passes. Chicago sera encore éliminé en demi finale de conférence par Orlando. Mais le Croate confirme ses bonnes dispositions entrevues lors de sa saison rookie en améliorant toutes ses stats : 15,7 points de moyenne, 5,4 rebonds et 4,6 passes.

Après le retour de Jordan, c’est l’arrivée de Rodman pour la saison 1995-96 qui va confirmer le rôle de super remplaçant de Kukoc. Prototype de l’ailier moderne, capable de monter la balle, ou de jouer poste bas, sa polyvalence, sa taille et son QI basket lui permettent de couvrir pratiquement tous les postes. Il est un membre essentiel de l’équipe qui va fixer des standards d’excellence de la ligue. 72-10 (record de victoire en saison régulière, faut-il encore le rappeler), meilleur scoreur et titre de MVP pour Jordan, meilleur rebondeur pour Rodman, les deux accompagnant Pippen dans la NBA Defensive Team, MJ et Scottie dans la All NBA first Team… Et le titre de meilleur 6ème homme pour Kukoc. Ses stats sont en baisse (26 minutes, 13 points, 4 rebonds et 3.5 assists) par rapport à la saison précédente, mais son apport est indéniable. Il devient le premier Européen à être champion NBA en jouant (Zan Tabak était dans l’effectif des Rockets champions en 95, mais sans jouer).

Les deux saisons suivantes vont ressembler énormément à cette année de rêve pour le Croate et les Bulls, même si Kukoc commence à rater des matchs pour cause de blessures (seulement 57 matchs joués en 1996-97), avec de nouveau le titre pour les Bulls à chaque fois. En 1997-98, il quitte son rôle de remplaçant en début de saison avec la blessure de Pippen lors des 35 premiers matchs puis les frasques de Rodman.

Mais cette période dorée touche à sa fin. Jerry Krause ne souhaite pas resigner Phil Jackson, condition sine qua non pour que Jordan continue sa carrière. The GOAT prend alors sa deuxième retraite, Pippen et Rodman quittent aussi les Bulls. Il devient alors le franchise player de Chicago lors de la saison du lock out en finissant meilleur marqueur (18,8), rebondeur (7) et passeur (5,3) de l’équipe qui présente un bilan plus qu’éloigné des standards des dernières années (13-37).

L’année suivante, les Bulls ont hérité du premier choix de la draft et choisissent Elton Brand qui devient le leader de l’équipe. Kukoc apporte toujours 10 points par match, mais il n’a plus l’importance de la saison précédente. Jerry Krause souhaitant repartir de zéro, Kukoc est envoyé au cours de la saison 1999-2000 aux Sixers. C’est la fin de la plus grande équipe de l’histoire de la NBA, tous les membres ayant grandement contribué au Three Peat étant partis.

Sa période à Philly n’a rien d’un rêve. Iverson n’a sûrement pas l’altruisme d’un Jordan ou d’un Pippen, et il retrouve en plus le banc de touche. Même si ses stats restent honorables (12-4-4), elles sont les moins bonnes de sa carrière. Moins d’un an plus tard, il est transféré aux Hawks, où sa fin de saison sera plus en adéquation avec son niveau. 19.5 points 5.7 rebonds et 6.2 passes, avec prime 2 triple doubles les 13 et 17 mars (respectivement 20 points, 10 rebonds et 11 assists face aux Grizzlies et 29 points, 10 rebonds, 10 assists face aux Pistons). Il ne peut pas finir la saison à cause de problèmes aux pieds, mais il semble faire sa place chez les Hawks. Le coach d’Atlanta (Lon Kruger) lui accorde toute sa confiance. Malheureusement, il ne reste pas longtemps à la tête de la franchise de Géorgie et est remplacé au cours de la saison 2001-02. Retour par la case banc pour Toni, le nouveau coach ne comptant pas sur lui, puisqu’il se retrouve doublure de joueurs plus ou moins obscurs (Ira Newble, DerMarr Johnson, Shareef Abdur-Rahim, Dion Glover voire Hanno Motola…). Ses stats sont en chute libre, il score même moins de 10 points par match pour la première fois de sa carrière. Il demande à partir et est transféré à Milwaukee.

Chez les Bucks, il apporte son expérience (34 ans) à des joueurs comme Ray Allen et Michael Redd, où il reste 4 ans. Avant de tirer sa révérence en 2006.

“Je crois que c’est fini pour moi. Il y a bien des équipes qui veulent de moi. Mais je ne veux pas partir loin de la maison (dans l’Illinois)”

Il ne souhaite jouer que pour les Bucks ou les Bulls, mais ces deux franchises n’ont pas besoin de lui. Une fin sans vague pour un joueur d’exception.

Aujourd’hui, il vit toujours dans l’Illinois avec sa femme et son fils, Kukoc joue au golf, avec comme rêve de participer aux Jeux Olympiques de 2016 au Brésil. Un sport de plus où il pourrait briller après le basket et… le tennis de table, qu’il pratiquait à haut niveau étant ado.

Quelle serait la place de Toni Kukoc si on effectuait un classement des meilleurs joueurs européens à être passés en NBA ? Difficile à dire, car cet ailier de grande classe, capable d’évoluer à tous les postes est arrivé dans la grande ligue avant que les basketteurs issus du Vieux Continents soient vraiment reconnus à leur juste valeur. Avec Detlef Schrempf, Dino Radja et Valde Divac, ils ont ouvert la voie aux stars européennes actuelles. En parvenant à s’imposer au sein de la meilleure équipe du Monde malgré l’inimité de Jordan et Pippen, il a prouvé en tout cas qu’il avait le niveau pour être un franchise player ou au minimum un lieutenant de premier ordre. Polyvalent, élégant, il a marqué l’histoire en participant au second et si impressionnant Three Peat des Bulls. Joyeux anniversaire Toni de la part de Trashtalk, avec en cadeau ce sublime mix de Clutch 23.