Les Philadelphia 76ers de 1972-1973 : l’équipe qui a perdu le plus de matchs en une saison (73)

Le 29 mars 2024 à 16:14 par Céleste Macquet

sixers 76ers 1973
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Vous pensez que les Wizards et les Pistons sont mauvais cette saison ? Ce ne sont que des petits joueurs à côté de l’équipe qui a perdu le plus de matchs dans l’histoire de la NBA : les Philadelphia 76ers, 73 matchs perdus lors de la saison 1972-1973. Amusante coïncidence, n’est-ce pas ? L’histoire derrière ce fiasco n’est en tout cas pas vraiment amusante. Enfin, par moments, mais ça s’arrête là. Voici le récit de l’exploit authentique d’une équipe qui manquait de talent mais qui méritait mieux.

Une petite recontextualisation s’impose. En 1972, les Philadelphia 76ers viennent de rater les Playoffs pour la première fois de leur jeune histoire. En 22 saisons, ça n’était jamais arrivé. Il faut dire que depuis le départ de leur franchise player, un certain Wilt Chamberlain, qui les avait amenés jusqu’au titre en 1967, on ne gagne plus autant qu’avant à Philly. Les fans sont presque résignés, les beaux jours sont derrière eux. Ils avaient gagné 68 matchs sur une seule saison il y a quelques années, ils n’en gagneront que 30 en 1972.

Les 76ers peuvent tout de même compter sur des sacrés éléments. L’arrière Hal Greer, qui encore aujourd’hui est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire des Sixers, et puis surtout le Kangaroo Kid, Billy Cunningham, un talent hors norme lui aussi. Nous parlons de deux joueurs qui à l’époque faisaient partie de l’élite de leur sport. Billy Cunningham, flairant la catastrophe arriver, préférera changer de ligue avant que la saison commence. Il quitte l’équipe et rejoint la ABA. Le coach Hall of Famer Jack Ramsay est alors remercié, ce qui sera le point de départ de cette saison cataclysmique.

Billy Cunningham in action on April 18. 1973…working hard for a rebound and thanking God he jumped from the Sixers that year pic.twitter.com/FXLkiVCMQ2

— Only The Ball Was Brown (@inthelowpost) February 29, 2024

Une annonce dans un journal pour trouver l’entraîneur

Pour commencer cette saison 1972-1973, il fallait bien engager un coach pour remplacer l’ancien. C’est un certain Roy Rubin qui fut engagé. Si son nom ne vous dit rien, c’est normal. On parle d’un entraîneur universitaire qui ne possédait alors aucune expérience NBA. Un entraîneur que les Sixers ont dégoté après avoir… fait une annonce dans le principal journal de la ville. C’est même pas une blague.

Mais alors que valait ce Roy Rubin en tant qu’entraîneur ?

“Il nous faisait des séances de un-contre-un sur tout terrain pendant 48 minutes consécutives” se souvient Dennis Awtrey, ancien joueur des Sixers. “Coach Rubin ? C’était un mec sympa. Mais il avait vraiment, vraiment du mal à coacher” ajoute John Block, ailier-fort de l’équipe.

John Block peut être considéré comme le joueur le plus important de cette triste équipe des Sixers. En effet, la décision avait été prise de ne presque pas faire jouer la légende des Sixers Hal Greer, plus à son meilleur niveau. Block fut All-Star pour la seule fois de sa carrière cette saison, avant d’être tradé aux Kings de Kansas City pour finir l’année.

Alors, pour le reste des forces en présence côté 76ers, nous avons Dale Schlueter et ses 5 points de moyenne en carrière, le grand Leroy Ellis, Fred Carter dit « Chien Fou », bien sûr le célèbre Dave Sorenson, Tom Van Arsdale qui joua 929 matchs en carrière mais 0 en Playoffs, Kevin Loughery sélectionné au onzième tour de la Draft de 1961, et Jeff Halliburton qui était probablement dans le roster car c’était le cousin de Julius Erving. Pour compléter cette fine équipe, John Trapp, mais on en reparlera plus tard.

“Cette équipe, c’était comme une voiture cramée, délavée, en panne”

Il a fallu attendre le 16e match de la saison, le 11 novembre 1972, pour voir les Sixers gagner une rencontre de basketball. L’histoire retiendra que c’était face aux Rockets (114-112), mais surtout que Roy Rubin s’est claqué en bondissant de son banc pour célébrer. Même quand tu gagnes, tu te prends une tuile, c’est un peu l’histoire de la saison pour cette pauvre équipe de Philly.

Rubin ne gagnera plus que trois matchs avant d’être mis à la porte, juste avant le All-Star Game. Son bilan sera de 4 victoires et 47 défaites. Il ne coachera plus jamais en NBA. Il devint professeur dans un collège, et ouvrira avec sa femme un restaurant de pancakes. Le coach fut alors remplacé par Kevin Loughery, et si vous avez bien suivi, vous réaliserez que c’est un joueur de l’équipe. N’ayant pas trouvé d’autre solution, les 76ers devront faire avec un joueur-coach pour finir l’année.

“Je ne sais vraiment pas pourquoi ils m’ont pris” – Kevin Loughery

Face au bilan phénoménalement mauvais des Sixers, la direction était prête à tout mettre en œuvre pour que la salle ne soit pas complètement vide à chaque match. Et quand on dit “tout”, c’est tout ! Entre compétitions de karaté et distributions de salami aux fans, la franchise de Philadelphie faisait au moins office de créativité à défaut de gagner des matchs. Elle tentait aussi de (re)fidéliser les fans en distribuant des tenues des Sixers. Problème : un soir, tous les t-shirts arrivèrent en taille enfant.

La LOSE !

À un certain point de la saison, il n’y avait plus aucun espoir de victoire. Fred Carter, le seul bon attaquant restant, reçut la consigne de tirer à volonté car personne d’autre ne parvenait à scorer. Cela atteignait un tel niveau de honte que ce même Fred Carter cachait le logo des Sixers sur son sac en allant à l’aéroport. Un jour, quatre membres de l’équipe étaient dans une voiture qui avait eu un petit accident en dérapant sur une route verglacée. Un policier s’approcha alors de la voiture et, en apercevant les Sixers à l’intérieur déclara, “Bon Dieu, vous n’arrivez pas à driver sur le terrain et vous n’y arrivez pas non plus sur cette foutue route”.

Alors qu’il ne restait que 30 matchs dans la saison, les Sixers n’avaient toujours que quatre victoires au compteur et venaient de perdre 10 matchs d’affilée. C’est le moment où le front-office fit venir Tom Van Arsdale dans le roster. Joueur plus que confirmé dans la Ligue, il avait déjà connu la All-Rookie First Team, trois sélections au All-Star Game et était un habitué du top 15 des meilleurs scoreurs.

Et puis il a connu les Sixers de 1973.

“Cette équipe, c’était comme une voiture cramée, délavée, en panne, dont le prix était si bas qu’il en était presque choquant.” – Tom Van Arsdale, dans son livre “Journey Man”

Malgré les défaites incessantes et la honte qui va avec, l’ambiance n’était pas aussi mauvaise que l’on aurait pu le penser. En fait, vivre cette saison de défaites historique avait rapproché les joueurs des Sixers. Tom Van Arsdale s’en souvient encore.

“La plupart d’entre nous étaient embarrassés. On était tous dans le même bateau donc qu’est-ce qu’on faisait ? On se serrait les coudes.” – Tom Van Arsdale

John Trapp, fouteur de troubles

Un élément nuisait cependant à la cohésion du groupe : John Trapp, nom qu’on a mentionné un peu plus haut.

Il faut dire que Trapp avait subi un sacré choc thermique. Après une saison où il remporta le titre avec les Lakers de Wilt Chamberlain, en gagnant notamment 33 matchs d’affilée, il rejoint les Sixers au bout de cinq matchs lors de la saison 1972-1973. Pendant ses cinq premiers matchs avec les Lakers, il gagna plus de fois que pendant les 39 rencontres qui suivirent avec les Sixers.

Aux Sixers, Trapp n’allait pas bien. Et les incidents le concernant ont fini par se succéder, lui qui possédait déjà une réputation de joueur à problèmes. Pendant un match, alors que Roy Rubin s’apprêtait à le remplacer, John Trapp indiqua à son coach de regarder derrière lui. Il vit alors l’un des amis de John en tribune en train de sortir un pistolet de sa veste. Trapp resta alors sur le terrain.

In 1972 76ers coach Roy Rubin attempted to substitute John Q Trapp (#31), but John indicated he didn’t want to come out, then he motioned to Roy to look behind the bench at a bunch of John pals and one of them opened his coat to flash a gun

John Q stayed in the rest of the game pic.twitter.com/bdwkQQIx89

— Retro Awesomeville (@retro_70s) February 6, 2021

L’incident le plus notable pris place alors qu’il essuyait une suspension donnée par son équipe pour avoir manqué plusieurs entraînements. Assis sur le banc lors d’un match des Sixers, avec un verre de whisky coca à la main, John Trapp lança à John Block :

“T’en veux un peu ?”

“C’était complètement fou” déclara Block. “J’ai joué dans sept équipes, je n’ai jamais vécu quelque chose qui se rapproche de cette situation”.

En février 1973, avant un match, les Sixers montèrent dans leur bus et constatèrent que John Trapp n’était pas là. Loughery annonça alors à ses joueurs, “Les gars, j’ai une nouvelle à vous annoncer. J’ai coupé John Trapp. Je l’ai laissé partir”. Cris de joie à l’intérieur du bus, dans ce qui représente l’un des meilleurs moments de la saison pour les joueurs des Sixers. 

Tombé dans l’inconnu, John Trapp était devenu – d’après les rumeurs – videur à Las Vegas après sa carrière. Skip Robinson, son ancien coéquipier à l’université, ne l’a pas vu depuis 1968 mais a déclaré que son frère, George Trapp (ancien joueur NBA lui aussi), lui avait assuré que John était mort il y a des années. Ce n’est malheureusement pas vérifiable car George est décédé, poignardé à mort par son colocataire en 2002. Il n’y a pas de tombe trouvée au nom de John Trapp, il n’est donc toujours pas confirmé qu’il soit mort.

9-73… et pas de Bill Walton

Au premier match de Tom Van Arsdale (arrivé en janvier 1973), les Sixers ont remporté la victoire, face aux Bucks d’Oscar Robertson et Lew Alcindor. De nulle part, ils ont gagné un deuxième match d’affilée, avant d’enclencher un semblant de dynamique en allant deux matchs plus tard gagner contre les fameux Knicks de Walt Frazier. Les 76ers remporteront alors cinq victoires en sept matchs. S’ensuivra une série de treize défaites pour clôturer la saison.

Ils finirent l’année sans aucun joueur dans le top 20 en points, passes décisives ou rebonds par match, avec la 14e pire défense et la 17e pire attaque de la Ligue. Pas si mal ? Détail important, on est en 1973, la NBA ne compte alors que 17 équipes. Avec la deuxième pace, les Sixers étaient donc à 42% au tir sur la saison. Ho-rrible.

Les Sixers ne faisaient pas exprès au départ, mais finirent par accumuler les défaites sans espoir de jours meilleurs, espérant obtenir le premier pick de la Draft. À l’époque, Bill Walton terrorisait la NCAA à UCLA et attirait les convoitises de bien des équipes. Walton tournait à 20,4 points et 16,9 rebonds de moyenne en NCAA. Les Sixers ont obtenu le premier pick de la Draft suite à un pile ou face entre les deux équipes les plus mal classées de chaque conférence, comme le voulait la tradition de la Draft à l’époque.

Bill Walton and his UCLA teammates. pic.twitter.com/VLAb3w6csr

— Paul Knepper (@paulieknep) September 30, 2023

Cependant, Bill Walton refusa ce destin et décida de rester une année supplémentaire à UCLA. Les 76ers avaient tout misé sur Bill Walton, ils étaient même prêts à lui verser une somme monstrueuse pour l’époque – 2 millions de dollars – s’il changeait d’avis et se présentait à la Draft. Rien à faire, Bill Walton déclina la proposition. Il déclara au Philadelphia Inquirer que même s’il avait dû quitter la NCAA, il aurait préféré la ligue ABA plutôt que l’équipe des 76ers. Les Sixers sélectionneront finalement Doug Collins, ainsi que seize autres joueurs dans cette draft 1973 à 17 tours.

History of @sixers No. 1 overall #NBADraft picks: 1973 Doug Collins (Illinois St.) terrific shooter; 3-time All-Star w/ @sixers (1973–1981) pic.twitter.com/QeFR8PVHnE

— NBA History (@NBAHistory) June 19, 2017

“Je n’étais pas intéressé à l’idée d’aller à Philadelphie. J’avais zéro intérêt à partir d’UCLA. Zéro.” – Bill Walton

Voilà pour la triste histoire des Sixers de 1973. L’équipe était si mauvaise qu’elle a inspiré l’écriture d’un livre sur leur histoire : “Perfectly Awful”, Parfaitement Affreux. Ils perdirent donc 73 matchs cette saison et établirent un nouveau record en NBA, inégalé depuis. C’est une jeune équipe menée par Nerlens Noel en 2016 qui s’approcha le plus de ce record, en perdant 72 matchs, dans un plan dicté par le General Manager Sam Hinkie dans le cadre du Process. Cette franchise, c’était encore celle des Philadelphia 76ers.

Source texte : ESPN