Performance all-time : les Pistons maintiennent cinq adversaires de suite sous la barre des 70 points en 2004

Le 14 mars 2024 à 17:28 par Julien Vion

detroit Pistons preview
Source image : Twitter

L’équipe des Pistons version 2003-04 est largement reconnue comme l’une des plus grandes défenses de l’histoire du basket. Et la prouesse réalisée entre le 4 et le 14 mars 2004 reste inégalée dans la NBA moderne. Cinq matchs consécutifs, cinq fois où l’adversaire reste bloqué sous les 70 points ! C’est Verdun dans le Michigan. 

Lionel Messi de 2012, Roger Federer de 2006, Napoléon de 1805, Mohamed Ali de 1974 ou Max Verstappen de 2023 se seraient-ils cassés les dents sur la défense de Detroit en 2004 ? Difficile à dire, mais rien n’aurait été facile, peu importe les modalités de l’affrontement. On imagine bien Rasheed Wallace essayer de s’en prendre à une monoplace de F1 à mains nues, mais là n’est pas le sujet.

Les entreprises de barbelés du monde entier n’ont jamais été autant représentées en NBA qu’au tournant des années 2000, notamment dans le nord-est des États-Unis. Retour sur une époque de défenses mythiques, avec un focus particulier sur la plus impressionnante de toutes.

La “deadball era”, ou quand les points étaient des denrées rares

D’abord, insister sur le contexte est essentiel pour comprendre l’exploit dont il est question.

Le terme “deadball” – littéralement balle morte – provient du baseball et désigne un groupe d’années au début du 20ème siècle, pendant lesquelles le score des matchs était spécialement faible. Si l’on cherche à transposer le phénomène à la NBA, aucun doute sur le moment : à partir de la fin des années 1990 et jusqu’au milieu des années 2000.

Les chiffres sont clairs. Le tableau ci-dessous indique l’évolution des points marqués par soir par une équipe en moyenne. La période 1997-2006 dénote particulièrement, avec un total bien plus faible qu’à n’importe quel autre moment depuis le milieu des années 1970.

Source tableau : jxmyhighroller, “Are NBA Players Getting Too Good At Basketball?”

Depuis 1954-55, les 6 saisons les moins prolifiques en points interviennent toutes durant la période. En 2003-04, l’année qui nous intéresse, une équipe marquait en moyenne 93,4 points en quatre quart-temps. Un score de 91 à 96 était donc, par exemple, tout à fait dans les normes.

Sans entrer dans les détails, quelques éléments peuvent expliquer le phénomène. On peut notamment citer :

  • Une vitesse de jeu (pace) historiquement basse. Les équipes attaquent de manière très lente, créant un nombre de possession par match beaucoup plus réduit et forcément moins de tirs.
  • Une ligne à 3-points qui a été reculée au début de la saison 1997-98, ce qui plombe un temps la réussite des attaques.
  • L’utilisation répandue de deux intérieurs traditionnels qui encombrent la raquette et peuvent utiliser le hand-check, c’est-à-dire garder une main posée sur le joueur offensif afin de le freiner et mieux le contenir.

C’est seulement à partir de 2004-05, afin d’inverser la tendance, que la NBA interdit le hand-check, ce qui a rendu les drives beaucoup plus difficiles à arrêter sans commettre de faute. Ce changement est par ailleurs un tournant gigantesque pour les défenses dans l’histoire de la ligue.

Mais avant ça, tous les ingrédients sont réunis pour créer les années les moins fastes de l’histoire du scoring.

Les Pistons, défense modèle et collectif resplendissant

De cette période, les Detroit Pistons en sont le plus grand symbole. Pour les présenter, rien de mieux que les mots de Larry Brown, coach de la franchise entre 2003 et 2005 :

“Notre état d’esprit, c’est défendre” – 11 mars 2004

L’équipe est composée de défenseurs de grande qualité, à l’image de Ben Wallace, multiple défenseur de l’année, mais ces Pistons affichent surtout une mentalité infaillible.

” On est juste cinq gars sans égo, on veut simplement gagner et on se fiche de savoir qui est mis en avant” – Chauncey Billups

Chauncey Billups à la mène, Rip Hamilton à ses côtés et le précieux Tayshaun Prince dans l’aile. Avec Wallace pour soutenir la maison, le quatuor est déjà redoutable quand il s’agit de protéger le panier. Mais Detroit est à une acquisition près de passer dans une autre dimension.

La cinquième pièce du puzzle, c’est Rasheed Wallace, qui débarque à la trade deadline en provenance d’Atlanta. Une tête brulée qui n’a pas peur de la faute technique, et qui insuffle une graine de folie supplémentaire dans le groupe. Quand il pose ses valises dans le Michigan, à la mi-février, la fine équipe est au complet pour commencer un sacré exploit.

Et c’est ce qui se produit entre le 4 et le 14 mars 2004. Les Pistons limitent cinq adversaires consécutifs à moins de 70 points ! C’est évidemment un record dans la NBA moderne.

Le detail d’une série impensable :

  • Blazers – Pistons (4 mars) : 68 – 83
  • Nuggets – Pistons (6 mars) : 66 – 97
  • SuperSonics – Pistons (7 mars) : 65 – 86
  • Pistons – Bulls (10 mars) : 98 – 65
  • Pistons – Sixers (14 mars) : 85 – 69

66,6 points encaissés en moyenne, victoire de +15 minimum chaque soir, et les meilleurs shooters adverses dans les poches arrières. Le 6 mars, le meilleur marqueur des Nuggets n’inscrit que… 8 points! Un certain Carmelo Anthony à 3/17 au tir.

La série s’arrête le 18 mars avec un déplacement chez les New Jerseys Nets de Jason Kidd. Les Pistons gagnent sans souci mais ne parviennent à limiter les Nets qu’à… 71 points! Et sans une filouterie des New Yorkais, fort à parier que le record aurait été étendu un match de plus.

Ce soir-là, les Nets se font détruire 88 – 69 à 13 secondes de la fin, alors même qu’ils font partie des meilleures équipes de l’est. Les titulaires de Detroit sont logiquement sur le banc, et les NJN font faute volontairement malgré leurs 19 points de retard. Le seul objectif est de s’offrir une dernière possession afin de dépasser la barre des 70.

Deux lancers, balle récupérée avec moins de 10 secondes sur l’horloge, avant un mi-distance manqué… mais une claquette de raccroc d’Aaron Williams à 01,1 secondes de la fin qui fera exulter les Nets (menés de 20 points on le rappelle). Série brisée, la dignité des New-Yorkais peut-être un peu aussi.

Rasheed Wallace ne s’est pas retenu en conférence de presse pour moquer un tel comportement :

“Peut-être que c’était plus important pour eux que de gagner le match, c’est ce qui nous a semblé. Ils étaient là à s’applaudir, donc qu’on les laisse s’occuper de ça, nous on a eu ce qu’on est venu chercher.”

Ironie de l’histoire, les Nets s’inclineront au second tour des Playoffs contre les Pistons cette année-là, en inscrivant… 69 points en game 7. Le karma ne pardonne pas.

La série de matchs sans encaisser 70 points s’arrête à cinq ce soir-là, mais la prouesse a été répétée 11 fois sur l’ensemble de la saison par le groupe de Larry Brown. Bar-be-lés on vous dit.

L’équipe termine la régulière avec un bilan de 54–28 et s’adjuge ensuite l’un des plus beaux titres de l’histoire de la NBA. La combinaison de la surprise du résultat, de la défense sensationnelle et de la force du collectif sont inédits, les personnalités des joueurs font le reste du mythe. Évidemment, les matchs restent dans les mêmes sphères de score. Le game 6 décisif des finales de conférence s’achève sur le score de 69-65 pour Detroit.

Même les Lakers de Shaq et Kobe ne pourront rien en Finales NBA. En 2004, la parole est à la défense, et la victoire aussi. 

Source texte : ESPN, LA Times, Basketball Reference, Jxmyhighroller