La Dream Team 1992 – 30 ans après : retour sur les coulisses de Barcelone, entre poker, golf, et sorties nocturnes

Le 20 août 2022 à 20:32 par Nicolas Meichel

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C’était il y a trente ans. Déjà. Trente ans que les États-Unis obtenaient l’autorisation d’envoyer des joueurs NBA participer aux Jeux Olympiques. Trente ans que, de ce fait, la « Dream Team » était créée. Trente ans qu’une simple équipe de basketball prenait une dimension jusqu’alors jamais vue. Records, légendes, influence… cet été TrashTalk a décidé de revenir avec vous sur toutes les histoires qui ont fait de cet effectif l’un des plus mythiques de l’histoire du sport. Sortez vos Hoverboard, montez dans la Delorean et lancez Johnny B. Goode sur l’autoradio car il est temps de revenir en 360 degrés sur ce qu’il s’est passé il y a… 360 mois. Dans le neuvième épisode ? Retour sur les coulisses de Barcelone, au moins aussi intéressantes que ce qui se passait sur les parquets.

Épisode précédent : La Dream Team 1992 – 30 ans après : une équipe de rock stars, des fans par milliers, retour sur un engouement inégalé

Jeux de cartes et matchs de ping-pong à l’Hôtel Ambassador

Se retranchant souvent à l’intérieur de l’Hôtel Ambassador pour se protéger de la folie ambiante qui se trouve à l’extérieur, les membres de la Dream Team ne sont pas du genre à rester cloîtrer dans leur chambre chacun dans son coin. L’une des forces du groupe de Chuck Daly, c’est la cohésion et la camaraderie qui y règnent, l’ambiance familiale qui ressort, l’esprit d’équipe qu’on peut ressentir. Comment ça se traduit concrètement ? Bougez pas, on vous emmène dans une salle du deuxième étage de l’hôtel catalan, sur le point de devenir LE repère de la bande à Michael Jordan pendant toute la quinzaine barcelonaise.

C’est spécifiquement dans cette pièce que les membres de la Dream Team se retrouvent pour se prêter à leurs activités, en mode shorts-claquettes-chaussettes (tu connais). Ils enchaînent par exemple les matchs de ping-pong endiablés, le meilleur joueur étant… Christian Laettner. C’est également là que les familles des joueurs – femmes et enfants – se retrouvent parfois pour passer du bon temps et créer des liens. Le lieu se transforme même en garderie en journée, des membres d’USA Basketball veillant sur les gamins pendant que les joueurs profitent de l’expérience olympique, avec ou sans leur compagne. Une fois la nuit tombée par contre, on vous cache pas que l’ambiance est quelque peu différente…

“Après minuit, ça devenait légendaire à l’intérieur de la ‘family room’. La plupart des membres de la Dream Team étaient là, les heures passaient jusqu’à atteindre l’aube, ça jouait aux cartes à fond pendant que les canettes de bière et les verres de vodka commençaient à s’accumuler, en plus des boîtes à pizza vides et des restes des cigares fumés par Jordan.”

– Jack McCallum, journaliste pour Sports Illustrated à l’époque et auteur du livre “Dream Team”

On vous laisse imaginer la scène.

Au milieu des parties de poker ou de Tonk qui se prolongent jusqu’au petit matin, il faut aussi y ajouter une bonne dose de chambrage et de trashtalking. Car même si la camaraderie est au cœur du groupe, on parle de compétiteurs féroces qui détestent perdre, que ce soit au basket, aux cartes, ou au ping-pong. Et quand ça commence à débattre sur qui est le meilleur joueur à quel poste ou qui finira sa carrière NBA avec le plus de bagues au doigt, le ton peut vite devenir plus sérieux. Charles Barkley se fait notamment fustiger (“Sorry Charles, this is a ring table”) tout comme Pat Ewing (“tant que tu n’arriveras pas à gérer les prises à deux, tu n’as pas besoin de penser à une bague” balance notamment Jordan), tandis que les deux MJ – Magic Johnson et Michael Jordan – se rendent coup pour coup dans la discussion “qui est le visage de la NBA ?”. Pas de doute, cette salle située au deuxième étage de l’Hôtel Ambassador est the place to be.

Les parties de golf de Jordan

Pendant que certains de ses coéquipiers assistent à plusieurs compétitions olympiques pendant la quinzaine barcelonaise, Michael Jordan enchaîne lui les parties de golf. Durant toute sa carrière, la toute petite balle blanche accompagne MJ quand ce dernier a besoin de se libérer de la pression accompagnant la grosse balle orange. Et c’est particulièrement le cas durant ces JO 1992. Juste avant la demi-finale contre la Lituanie, Jojo se fait tranquillement 36 trous avant de rejoindre le bus de l’équipe à la dernière minute. Idem le jour de la grande finale contre la Croatie, où il se permet un 18 trous (raisonnable le MJ), tout ça après avoir passé la nuit à jouer aux cartes et la matinée à tourner une vidéo pour la NBA (pas tant que ça en fait). Peu importe ses obligations, peu importe les échéances, peu importe où il se trouve, Mike trouve toujours une place pour jouer au golf. Toujours. À ses côtés sur le green pendant l’expérience olympique ? Ahmad Rashad, journaliste sur NBC et grand pote de Jojo, l’ancien golfeur américain Payne Stewart (RIP), ou encore quelques membres de la Dream Team dont… le coach Chuck Daly à plusieurs reprises.

“Un jour Chuck m’a battu au golf à Barcelone, c’était comme si les Pistons venaient de battre les Bulls. Cela m’a rendu fou. Je ne le pensais pas capable de me battre. Dès sa prochaine disponibilité, je voulais l’affronter à nouveau.”

– Michael Jordan, via 60 Minutes

Charles Barkley, roi de Las Ramblas

Las Ramblas, avenue emblématique et hyper touristique de Barcelone où se trouvent bars, restaurants et autres commerces. C’est également l’endroit préféré de Charles Barkley durant les Jeux Olympiques. Alors que chaque sortie d’un membre de la Dream Team est habituellement hyper encadrée pour des raisons évidentes de sécurité, Sir Charles n’est pas du genre à se prendre la tête avec ça. Lui, il veut surtout profiter à fond de l’expérience barcelonaise et enchaîne ainsi les sorties nocturnes sur cette avenue souvent noire de monde, et pas uniquement composée de gens fréquentables.

“Cela rendait les mecs de la sécurité liés à la NBA complètement fous. Mais au bout d’un moment, ils s’y sont habitués et ont laissé tomber. Ils priaient plutôt pour ne pas recevoir un appel de la police.”

– Jack McCallum

Pendant que Magic Johnson joue le rôle du parfait ambassadeur pour Team USA, Barkley représente l’exact opposé : l’image du joueur NBA qui se transforme en star de la night et que tout le monde suit à la trace, c’est lui. Pour le plus grand bonheur des barmen de Las Ramblas qui voient alors leur chiffre d’affaires grimper en flèche. Prenant l’habitude de rentrer à l’Hôtel Ambassador vers 3h du mat pendant que ses copains jouent encore aux cartes au deuxième étage, Charles vit l’expérience des JO à sa manière. Et dire que c’est Barkley qui va terminer meilleur marqueur de la Dream Team durant la compétition… Respect.

Le H.O.R.S.E. entre Larry Bird et Chris Mullin

Dans le roster de la Dream Team, Larry Bird et Chris Mullin représentent les deux meilleurs shooteurs. Le premier a remporté trois concours de tirs à 3-points durant la deuxième partie des années 1980 et le second affiche un pourcentage aux lancers-francs – qui est souvent révélateur du niveau réel d’un joueur au tir – de plus de 87% sur l’ensemble de ses sept premières saisons NBA. Bref deux snipers qui peuvent vous offrir un sacré duel au shoot s’ils décident de s’y mettre. Ça tombe bien, c’est ce qu’ils font à Barcelone lors d’un petit workout, où Larry et Chris décident de se taper un bon H.O.R.S.E. des familles. C’est Mullin qui raconte, dans le livre de McCallum sur la Dream Team.

“Chaque shoot valait 100 dollars. On prenait des tirs normaux, pas ces shoots à la con où on fait rebondir la balle contre le mur comme on peut le voir dans les pubs.

On arrive jusqu’à 1 000 dollars. Je suis largement en tête, je ne ratais rien. Et puis je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Peut-être que je me suis relâché. Peut-être que j’ai commencé à me dire, ‘Oh putain, je suis en train de botter le cul à Larry Bird’. Mais progressivement, Larry revient au score en me disant, ‘Tu sais, je n’ai jamais perdu ce genre de duel’. Finalement il revient à égalité et me dit, ‘Okay c’est bon, on arrête là’. Il m’a donné la balle et est parti.”

Qu’est-ce qu’on aurait aimé voir ça…

L’histoire du logo Reebok recouvert

Les coulisses de la Dream Team 1992, ce ne sont pas uniquement les jeux de cartes, les parties de ping-pong, Jordan qui joue au golf ou Charles Barkley qui enchaîne les sorties en boîte.

Lors de la finale des Jeux de Barcelone entre Team USA et la Croatie, une polémique vient s’ajouter au contexte de la rencontre. Le Comité olympique des États-Unis demande effectivement à la Dream Team de porter une certaine tenue pour la cérémonie de remise des médailles. Une tenue aux couleurs des States bien évidemment avec du bleu, du blanc, des bandes rouges et beaucoup d’étoiles, mais surtout une tenue sponsorisée par la marque américaine Reebok. Problème, Michael Jordan est sous contrat avec le rival Nike et il est plutôt du genre à être très fidèle à son équipementier fétiche, qui l’a aidé à devenir une superstar planétaire. Et comme on parle de Michael Jordan, le meilleur joueur de l’équipe, l’affaire prend de grandes proportions et les autres membres de la Dream Team – certains étant aussi sponsorisés par Nike et aucun par Reebok – se rangent derrière MJ. La polémique atteint des sommets quand Harvey Schiller, le directeur exécutif du comité olympique américain, indique que ceux qui ne porteront pas l’uniforme pendant la cérémonie n’auront pas droit à leur médaille d’or. Il menace même de garder les passeports des joueurs pour empêcher les membres de la Dream Team de retrouver les États-Unis.

“Harvey Schiller, quel crétin. Il va avoir une putain de grosse surprise.”

– Michael Jordan, dans “The Last Dance”

La “putain de grosse surprise” en question ? MJ est bien sur la plus haute marche du podium avec l’uniforme Reebok demandé par le comité olympique US, et tous les yeux rivés sur lui. Sauf que quelques minutes avant de venir récupérer sa médaille d’or lors de la cérémonie, il demande à Tom McGrath d’USA Basketball s’il peut lui trouver un drapeau des States en vitesse. Bingo. La surprise de Jordan, c’est qu’il place habilement le drapeau étoilé sur son épaule droite, “pas uniquement pour des raisons patriotiques” pour reprendre les mots du commentateur de l’époque Marv Albert, mais histoire de bien cacher le logo Reebok. Magic Johnson fait de même, idem pour Charles Barkley (sous contrat avec Nike), tandis que d’autres membres de la Dream Team décident de ne pas fermer complètement la tirette de leur tenue afin que le logo Reebok soit recouvert. Prends ça Harvey !

En dehors de l’énorme spectacle proposé sur le parquet à Barcelone, la légende de la Dream Team 1992 réside aussi en ces petites histoires qui montrent à la fois à quel point le groupe américain était soudé, mais qui reflètent aussi la richesse des personnalités qui formaient cette équipe de rêve. Même 30 ans plus tard, on n’arrive pas à s’en lasser. 

Sources texte : livre “Dream Team” de Jack McCallum, documentaire “The Dream Team” (NBA TV), 60 Minutes, The Last Dance