Avant de déménager à San Francisco, Stephen Curry sait à qui rendre hommage : Oakland, The Town, sa vraie ville à lui

Le 15 déc. 2018 à 10:14 par Bastien Fontanieu

Warriors Oracle Arena
Source image : TrashTalk

S’il y a bien une chose dont les (vrais) fans de Golden State sont conscients depuis quelques mois, ce n’est pas la free agency de tel joueur ou la gueule du prochain adversaire en finale. Non, le vrai sujet qui fait discuter en ce moment en Californie, c’est la transition à venir la saison prochaine, d’Oakland à San Francisco.

C’est à l’occasion de la sortie de la Curry 6, cette semaine, que nous avons pu discuter avec un joueur dont le nom vous dira peut-être quelque chose. Trentenaire avec un visage d’enfant, le sourire Colgate, taille normale et humble démarche. Stephen Curry, au sommet de son art, débarque au centre d’entraînement des Warriors en ce day off pour nous dévoiler sa toute nouvelle pompe signée Under Armour. L’ambiance est coolos, après tout on est venu ici pour parler sneakers en toute décontraction. Mais après les explications protocolaires vient le vrai moment. Celui qui, comme on peut le voir dès qu’il prend la parole, tournait probablement en boucle dans sa tête. Steph dévoile plusieurs coloris qui vont sortir pour son nouveau bébé, puis vient l’hommage à Oakland. La ville, The City, ce coin ensoleillé qui est devenu son terrain de torture préféré et son nid familial depuis quelques années. Pull noir sur les épaules, “10 in the Town” sur le torse, l’arbre est représenté fièrement et pas pour n’importe quelle raison. La pompe à la main et le regard vers le sol, Curry cherche ses mots après quelques instants d’hésitation puis finit par ouvrir ses portes. La voix ne tremble pas, le texte non plus.

“Oakland, c’est un endroit que j’ai pu appeler “ma maison” depuis dix ans maintenant. C’est un endroit qui me tient à coeur. Chaque soir, avant le match, les gens savent que je vais tweeter Dub Nation. C’était important de rendre hommage à cette ville, à Oakland, The Town. Il y a beaucoup de fierté, quand tu es d’Oakland tu l’affirmes sans hésiter. […] La célébration de notre premier titre était représentatif de tout ce qu’est Oakland. Beaucoup de monde se demandait où on devait faire la parade. San Francisco ? Oakland ? Ou un peu des deux ? C’était incroyable, de voir tous ces gens apporter cet amour, cette passion et cette excitation autour d’un titre, après avoir passé tant d’années à galérer.”

Représentant royal de sa marque, Steph possède peut-être la combinaison idéale pour tenir le discours le plus propre et politisé possible. Pourtant, les mots semblent ici personnels et sincères. Après tout, on ne parle pas d’un simple déménagement, d’une rue à l’autre, et d’un joueur lambda. Les Warriors sont à Oakland depuis quasiment 50 ans, et Curry n’a connu que cette ville avec amour durant sa carrière en NBA, y réalisant une mini-révolution dans son sport. Pour se donner une idée de l’émotion sur place et le lien étroit qui lie les Warriors à Oakland, il suffisait de voir les anciens, ceux de 1975 bagués avec Rick Barry et compagnie, verser quelques larmes lors du titre remporté en 2015. Le strass et les paillettes ? Va pour San Fransisco. Les défaites, les galères, la pauvreté, le hustle permanent ? Oui, ça c’est Oakland. Là sont les vrais Warriors, ceux qui ont défié les pronostics avant de devenir les Rolling Stones de la NBA. Ceux qui ont secoué la Californie avec “We Believe” et compagnie. Ce changement de standing n’empêche pas les habitants d’Oakland de supporter leur équipe pour autant, corps et âme. Dans ce coin de l’Ouest, on ne porte pas des fringues de Golden State par hasard ou manque d’options : tout le monde semble avoir un objet, un bout de tissu, quelque chose qui célèbre les Dubs. Traversez Broadway en pleine après-midi, et vous croiserez certainement tout ce qui se vend dans un store dédié aux Warriors, de même à l’aéroport ou dans le café du coin. C’est de cette fierté dont Steph parle. Celle du voisin, plus petit et plus ghetto, parfois méprisé, qui tente de s’élever dans ce moment de gloire… avant de voir son enfant malheureusement disparaître.

Car oui, les Warriors jouent bien leur dernière saison à Oakland, en ce moment. Et si les yeux sont davantage tournés vers les performances historiques de certains ou les clash entre fortes personnalités pour le grand public, l’émotion liée au futur départ est palpable pour les habitants de la ville. Penchez la tête et vous vous en rendrez compte. Avant de se rendre à l’événement dévoilant la Curry 6, on prend un verre dans un bar du coin qui diffuse les highlights de la veille. Le son est fort, le cuisiner braille et les verres s’entrechoquent. Deux types sirotent leur bière, dans leur hoodie bien trop large aux couleurs de Golden State. Et dès que la conversation est lancée sur ce sujet sensible, l’amertume s’installe. Comme si, après avoir passé tant d’années à éduquer leur enfant, ils le voyaient disparaître, pendant que d’autres plus fortunés qu’eux allaient en profiter. On a beau comprendre la logique, il est impossible de cacher cette peine. Une peine qui, pour le moment, reste balayée par l’appréciation du moment présent. Après tout, c’est bien Oakland qui possède probablement la plus belle collection de talents dans une seule équipe, dans toute l’histoire de la NBA. Et ces titres, ces saisons folles, elles ont bien eu lieu ici, in The Town.

C’est pour cette raison, et tant d’autres, que Stephen Curry a souhaité, souhaite et souhaitera rendre hommage à Oakland tout au long de la saison. Avec un premier coloris Fox Theatre, en lien avec le fameux building historique illuminé de la cité californienne… et qui a réouvert ses portes la même année que sa Draft. Porte-drapeau de la transition vers San Francisco, le chef sait et a su bien faire les choses. Et ça, Oakland ne l’oubliera jamais.

Remerciements : Under Armour France  / The North