À méditer : Kareem Abdul-Jabbar prend la défense de Bruce Levenson “l’homme d’affaires”

Le 09 sept. 2014 à 18:48 par Benoît Carlier

Les plaies qui se sont ouvertes lors de l’affaire Sterling n’ont pas eu le temps de se refermer que déjà la NBA fait face à un nouveau scandale avec les propos tenus par Bruce Levenson, propriétaire des Hawks d’Atlanta. Muni de sa plume, Kareem Abdul-Jabbar a souhaité livrer sa propre interprétation de cette histoire aux lecteurs du Time dans une tribune intitulée « Bruce Levenson n’est pas un raciste, c’est un homme d’affaires ».

On vous la refait rapidement. Dans un mail à l’attention des copropriétaires de la franchise et de son GM envoyé en août 2012, Bruce Levenson accumule les hypothèses fondées sur des stéréotypes racistes pour expliquer la faible fréquentation de la Phillips Arena d’Atlanta. Rongé par les remords, le propriétaire des Faucons présentera lui-même ce mail à la Ligue pendant l’été avant de décider de se retirer entièrement de toutes les activités de la franchise.

Dans son papier, KAJ défend les propos de Levenson dans la mesure où ils sont ceux d’un businessman cherchant des solutions pour faire prospérer son entreprise. Un avis qui tranche avec l’indignation collective et invite à la réflexion. Lisez plutôt :

« Levenson est un homme d’affaires qui s’interroge sur la manière de ramener plus de consommateurs au stade. Dans son courriel qui s’adressait à Danny Ferry le Président des Hawks, Levenson soulève la question de savoir si (selon ses observations) l’importance du hip-hop et de la musique gospel, le fait que les pom-pom girls soient noires, que les bars soient remplis à 90% de personnes noires, que les kiss-cams soient concentrées sur des fans noirs et que les participants aux jeux lors des temps morts soient toujours noirs, ont un effet répulsif sur les fans blancs.

Cela semble raisonnable de se poser ce genre de questions. Si sa salle avait été majoritairement remplie de blancs et qu’il voulait attirer des fans noirs, ne se serait-il pas demandé comment les Hawks pouvaient diminuer les influences de la culture blanche ? Ne pensez-vous pas que chaque entreprise en Amérique qui essaye d’attirer des consommateurs d’horizons différents ne se pose la question de comment mettre en scène plus de noirs, Asiatiques ou Latinos dans leurs publicités par exemple ?

Bien sûr, il y a quelques hypothèses qu’il émet et qui me font légèrement grincer des dents : « Ma théorie, c’est que les foules noires effrayent les blancs et il n’y a simplement pas assez de fans noirs riches pour mettre en place une réelle politique d’abonnements à l’année. » D’un autre côté, je n’ai aucune preuve qu’il ait tort sur ces deux points. Et même si c’était le cas, la question reste à soulever car le racisme est une possibilité réaliste pour expliquer pourquoi les blancs pourraient ne pas venir à Atlanta.

Les hommes d’affaires devraient avoir le droit de réfléchir sur la manière d’attirer des populations diverses dans le but d’améliorer leurs affaires. Ils devraient même pouvoir faire quelques légères gaffes s’ils n’ont pas d’animosité évidente ou d’intentions racistes. C’est un courriel professionnel assez inoffensif qui n’a insulté personne, et plutôt fascinant dans la manière de voir comment on gère vraiment une équipe NBA. »

Déjà à l’époque des révélations fracassantes de Donald Sterling, Kareem Abdul-Jabbar s’était indigné devant tant de mise en scène de la part des médias, alors même que l’on connaissait la position très borderline du propriétaire des Clippers sur la question depuis des années. Le Hall of Famer regrettait qu’il faille attendre qu’une conversation du cadre privé soit volée et retirée de son contexte pour que l’on en arrive à prendre de telles sanctions et que l’on retourne tous sagement se coucher ensuite. Une vision partagée par Mark Cuban, qui n’avait pas apprécié la méthode utilisée par la NBA pour mettre le milliardaire à la porte. Le racisme doit être combattu, mais toujours avec droiture et justice. Voilà en tout cas un message original qui mérite d’être pris en compte à l’heure où la NBA vit un tournant dans son histoire, toujours tiraillée entre business et valeurs humaines.

De son côté, Kareem Abdul-Jabbar s’en est probablement retourné du côté d’Indiana pour continuer ses leçons privées avec Roy Hibbert. Il faut dire que le Pacer en a besoin au vu de la récente campagne qu’il nous a livré au printemps dernier. KAJ, ou la preuve même que la retraite n’est pas une fin en soi.

Source : NBC Sports | Image de couverture : WorldFamousMedia