Derrick Rose, le plus gros “what if” de la décennie : une ascension fulgurante brisée par une blessure, on pleure encore à Chicago

Le 19 déc. 2019 à 18:26 par Nicolas Meichel

Derrick Rose
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L’expression est connue. Avec des si, on refait le monde. Avec des si, on mettrait Paris en bouteille. Avec des si, les Knicks terminent champions NBA. Revenir sur le passé pour imaginer un autre scénario, ça n’apporte pas grand-chose. Mais dans le cas de Derrick Rose, difficile quand même de ne pas se demander ce que lui et les Bulls seraient devenus si son genou n’avait pas lâché ce maudit 28 avril 2012. 

C’est l’un des épisodes les plus marquants de la décennie, toutes franchises confondues. Une scène qui reste dans les mémoires, et pas seulement à Chicago. Rien que d’y penser, ça fout encore le cafard, plus de sept ans après. Parce que même si Derrick Rose a réussi à rebondir récemment pour nous offrir une leçon de persévérance et de courage, on a tous des regrets par rapport à cette terrible blessure au genou lors du Game 1 du premier tour des Playoffs 2012, entre Chicago et Philadelphia au United Center. C’était un samedi soir en France, samedi après-midi aux States, et c’était le tout premier match de la postseason. Vous connaissez le refrain par cœur, mais on va quand même vous le rappeler. Il reste environ une minute et 30 secondes à jouer dans le dernier quart-temps, les Bulls ont un avantage plutôt confortable 99-87 et se dirigent vers une première victoire solide dans la série. Cependant, Tom Thibodeau a toujours ses titulaires sur le terrain, dont un certain Derrick Rose, souvent perturbé par des petits pépins physiques durant la saison avec pas moins de 27 matchs manqués. En possession du ballon, le héros de Chicago profite d’un écran de son pote Joakim Noah pour pénétrer dans la raquette, comme il aime le faire. Sauf que cette fois-ci, ça finit mal. Sur une réception en appui simultané, D-Rose se pète un ligament du genou gauche. Il reste au sol pendant un bon moment, la douleur est forte, et le public du United Center se rend bien compte que ce n’est pas qu’un petit bobo, bien au contraire. Sous les applaudissements de fans inquiets ainsi que les chants de MVP, Derrick est obligé de rejoindre les vestiaires avec l’aide de deux membres du staff, emmenant avec lui les espoirs de titre de Chicago, qui se fera ensuite sortir par les Sixers en six matchs.

Cette blessure a été un coup d’arrêt violent dans l’ascension de Derrick Rose, mais aussi celle des Bulls. Car à l’époque, la franchise de la Windy City faisait partie des poids lourds de l’Est sous l’impulsion de son génial meneur ainsi que coach Thibs. Elle était considérée comme le principal concurrent de Miami version Heatles dans la conférence, pour le présent ainsi que le futur. Meilleur bilan de la Ligue en 2010-11 avec 62 wins, meilleur bilan lors de la saison suivante – raccourcie pour cause de lock-out – avec 50 victoires en 66 matchs (à égalité avec les Spurs), les Bulls étaient au top en régulière et ne sont pas passés loin des Finales NBA en 2011, année où ils ont été éliminés en finales de conf’ face à Miami. Et pendant ce temps-là, la popularité de Derrick était à son apogée, dans sa ville natale de Chicago comme ailleurs. Une popularité liée à sa magnifique progression, son style de jeu aussi explosif que spectaculaire, et une humilité qui séduisait le grand public. Numéro 1 de la Draft 2008, Rookie de l’Année en 2009, All-Star en 2010, MVP et membre de la All-NBA First Team en 2011, Derrick a pratiquement tout raflé durant ses premières années au plus haut niveau. Difficile de faire mieux comme début de carrière. On parle quand même du plus jeune joueur de l’histoire à avoir remporté le Maurice Podoloff Trophy, à 22 ans et demi. Bref, tout semblait aligné pour que la décennie 2010 soit mémorable à Chicago, avec Rose comme personnage principal bien évidemment, lui qui avait signé une extension de contrat de cinq ans et quasiment 95 millions de dollars en décembre 2011. Au lieu de ça, la belle histoire s’est transformée en cauchemar.

D’abord, il a fallu attendre le début de la saison 2013-14 pour revoir Derrick sur un parquet de basket. Suite à sa grosse blessure au genou, Rose a effectivement raté toute la campagne qui a suivi, et ce malgré le feu vert des médecins au début du mois de mars 2013. Cela a provoqué de la frustration chez les fans des Bulls et les médias de la Windy City, qui attendaient évidemment avec impatience le retour de celui qui a grandi dans le quartier chaud d’Englewood. Et cette frustration a provoqué pas mal de critiques à l’encontre de Derrick, lui qui était pourtant si populaire à Chi-Town. Mais malheureusement, ce n’était qu’un début. Une fois revenu sur les parquets, Rose a été victime d’une autre grosse blessure, à savoir une déchirure du ménisque du genou droit. Saison terminée, encore. Sans Derrick, le solide collectif et la combativité des Bulls ont tout de même permis à Chicago d’atteindre les Playoffs à deux reprises, mais sans aller plus loin que les demi-finales de conf’. Forcément, sans leur MVP, les Taureaux étaient limités en post-season. En avril 2015, D-Rose a fait son grand retour en Playoffs après une régulière durant laquelle il a manqué 31 matchs à cause d’une nouvelle opération au genou. Un retour marqué par quelques perfs vintage et ce fameux game winner avec la planche contre les Cavaliers de LeBron James, mais un retour insuffisant pour permettre aux Bulls de retrouver les Finales de Conférence Est quatre ans après celles de 2011. Une nouvelle fois, le King avait barré la route de Chicago. Cette série face à Cleveland, c’est la toute dernière de Derrick sous le maillot des Bulls, et la dernière également de Tom Thibodeau, viré deux semaines après l’élimination face aux Cavs suite à des conflits répétés avec le management de la franchise. Bienvenue dans l’ère Fred Hoiberg. C’était le début d’un changement radical dans la direction de la franchise, un changement définitivement marqué par le transfert de Rose aux Knicks en 2016, le départ de Joakim Noah le même été, également vers New York, et le trade de Jimmy Butler l’année d’après, lui qui était devenu un véritable pilier de l’équipe à partir de la saison 2014-15.

Voilà pour les grandes lignes de ce scénario pas très joli. Maintenant, la question à 1 000 dollars est la suivante. Jusqu’où aurait pu monter Derrick Rose s’il ne s’était pas blessé en ce jour d’avril 2012 ? Autre question qui découle de celle-là. Jusqu’où aurait pu aller les Chicago Bulls avec leur MVP en pleine possession de ses moyens ? S’il est évidemment impossible de répondre à ces interrogations, quelque chose nous dit que Rose serait aujourd’hui toujours dans sa ville natale, peut-être avec une bague au doigt et un Maurice Podoloff Trophy en plus sur l’armoire. On ne veut pas faire pleurer les fans des Bulls, probablement déjà en larmes au moment de lire ces lignes, mais le Derrick semblait prêt à tout casser. Sous son impulsion, les Taureaux auraient pu dominer la Conférence Est durant la décennie 2010, ou au moins poser une sérieuse concurrence à LeBron James, huit fois vainqueur entre 2011 et 2018 sous le maillot de Miami et Cleveland. Après, avec son style de jeu très violent pour son corps et la tendance que possédait Tom Thibodeau à trop faire jouer ses titulaires, on peut se dire aussi que son physique était destiné à lâcher à un moment ou à un autre, et celui-ci avait d’ailleurs déjà montré des signes de faiblesse avant ce terrible 28 avril 2012. En tout cas, ce qui est certain, c’est que Derrick fait partie de cette catégorie de grands joueurs qui n’ont jamais pu exprimer tout leur potentiel à cause de grosses blessures. Les Grant Hill, Penny Hardaway, Brandon Roy, Tracy McGrady et d’autres encore. Et quand on voit le début de carrière de D-Rose, on peut dire sans trembler qu’on a là le plus gros “what if” de la décennie, et l’un des plus gros all-time.

Les Bulls vivent actuellement une période bien crade, eux qui sont repartis pour une saison médiocre au sein de la Conférence Est. Si Derrick Rose ne s’était pas pété le genou il y a sept ans, les choses seraient sans doute très différentes aujourd’hui dans la Windy City. L’histoire du gamin d’Englewood qui porte Chicago vers les sommets était belle, presque trop. Éternels regrets.