Les Spurs font de la peine : 6 défaites de suite, une défense poreuse, aucun sang froid dans le clutch, c’est la crise ?

Le 19 nov. 2019 à 11:54 par Bastien Fontanieu

Gregg Popovich
Source image : NBA League Pass

Actuellement sur une impressionnante série de 6 défaites consécutives, les Spurs font de la peine. Ils font de la peine à leurs fans, ils font de la peine dans leur jeu, et ils font de la peine lorsqu’on regarde les raisons d’une telle mauvaise passe. Cela tombe bien, pour une fois, on va demander à Pop de s’asseoir et de lire ce qui cloche en ce moment à San Antonio.

Nombreuses sont les franchises qui, sur ces 20 dernières années, ont connu un mauvais mois de compétition. Cela arrive à tout le monde, sur un espace-temps aussi large. Les Lakers et Celtics, bienheureux aujourd’hui, sont eux aussi passés par des moments graves, des séries de défaites frustrantes. Les Warriors, le Heat, les Mavs, les Knicks, bref toutes les équipes NBA de ces deux dernières décennies ont connu des périodes compliquées en saison régulière. Mais les Spurs, eux ? Pas vraiment. Jugez plutôt, numériquement, cette merveille envoyée ce weekend par l’excellent David Steele, commentateur du Orlando Magic. Lors de la récente visite de San Antonio, soldée par une nouvelle défaite, Steele a partagé cette statistique qui laisserait un paquet de fans rêveurs.

Les séries de 4 défaites consécutives minimum des Spurs, depuis 1997… donc en 22 saisons régulières… pic.twitter.com/uYCmUrbBpG

— TrashTalk (@TrashTalk_fr) November 19, 2019

Depuis 1997 ? Il n’y a eu que 9 séries avec plus de 4 défaites consécutives pour les Spurs. Donc 9 micro-séismes au sein de la franchise, seulement, en 22 saisons régulières. Et quand on va pousser encore plus loin, on tombe difficilement sur une crise identitaire majeure. En effet, les deux plus grosses séries de défaites à San Antonio, sur ces 22 dernières années, sont celles-ci : 6 défaites de suite en mars 2011, et 7 défaites de suite… en février 1997. Soit quatre petits mois avant la Draft d’un certain Tim Duncan. Pourquoi vous propose-t-on ces données ? Pour installer le contexte dans lequel les Spurs et leurs supporters sont aujourd’hui. Ce n’est pas rare de voir San Antonio avec 6 défaites consécutives, c’est tout simplement rarissime, impensable, et donc troublant puisque c’est la série sur laquelle Dejounte Murray et ses potes sont en cours. Après un début de saison intéressant, marqué par 4 victoires en 5 matchs, les noirs et blancs ont enchaîné les revers, les désillusions, les mauvaises prestations, et tout ça sans montrer de fighting spirit, cette envie de redresser la barre qui était si chère aux Ginobili, Duncan et Parker de leur époque.

Plus longues séries de défaites des Spurs sur ces 22 derrières années :

– 6 défaites de suite (mars 2011)
– 7 défaites de suite (février 1997)

Actuellement, 6 défaites de suite.
Prochain match à Washington. pic.twitter.com/X5NY9ofRid

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Le prochain match, à Washington, sera l’occasion de redresser cette fameuse barre, d’éviter un gros titre de journal bien gras qui pointera, pertinemment, la plus longue série de défaites de l’histoire des Spurs depuis l’âge de pierre. Mais là n’est pas le plus important. Il n’est pas dans un effort soudain, cachant la misère récente, pour calmer les émotions de chacun et retomber dans les mêmes erreurs par la suite. La franchise de San Antonio doit se reprendre, et pour cela, il faut savoir par où commencer. Premier axe, la défense. On ne va pas tourner autour du pot pendant 500 ans, l’armée de Gregg Popovich est actuellement classée en 28ème position des défenses les plus efficaces en NBA. Sur 30 franchises, ça la fout mal. Quand t’es derrière les Hawks, les Knicks ou les Blazers, ça donne la gerbe. Et alors quand tu sais que tout cela se passe avec une infirmerie actuellement vide, ça file le vertige. Oui, le vertige. L’effectif a, dans ses rangs, de nombreux joueurs capables de bien défendre. White, Murray, Aldridge, DeRozan, Carroll, Lyles, Gay, en plus d’être quasi-tous expérimentés, ces garçons ne sont pas des manches dans leur propre moitié de terrain. Ce n’est pas comme si, soudainement, on allait se réveiller et se demander si ces Spurs peuvent défendre. Oui, ils peuvent. Mais c’est bien là le problème : ils peuvent, alors qu’en fait ils doivent.

Et la discipline défensive réputée à San Antonio depuis des années n’est pas là. Les efforts sont aléatoires, les shoots moins contestés, les rotations oubliées, bref Gregg Popovich et ses joueurs attendent que l’adversaire réalise une erreur, au lieu de le forcer à en commettre une. Et quand ça joue bien en face, un minimum collectivement et avec de la réussite au tir, ça paye cash. Les gueulantes de Pop sont moins intenses, les têtes sont baissées en rejoignant un temps-mort, l’enthousiasme global du coaching staff n’a pas l’air d’y être en ce début de saison. Ce qui est d’autant plus dommage que, offensivement, San Antonio n’a pas à rougir de sa production générale. Si elle n’est pas sexy pour un sou et se base sur des tirs à l’efficacité douteuse, l’attaque des Spurs est actuellement classée en 6ème position de toute la NBA. Il y a donc de la marge, des espoirs sur lesquels se reposer, ce dont on parlera par la suite. Mais les faits sont là : tant que la moitié de terrain de LMA et compagnie ne sera pas verrouillée de manière régulière et intense, il n’y aura pas de changement dans les résultats collectifs.

Spurs – Lakers : 90 – 90 (4 minutes à jouer)
Spurs – Grizzlies : 106 – 101 (5 minutes à jouer)
Spurs – Magic : 99 – 92 (4 minutes à jouer)
Spurs – Blazers : 109 – 111 (3 minutes à jouer)
Spurs – Mavs : 104 – 106 (4 minutes à jouer)

5 défaites.

Il s’agirait d’être clutch, aussi.

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Vient alors ce second sujet, le money-time. Comme indiqué ci-dessus, les défaites des Spurs ont été, dans leur majorité, des démonstrations d’improvisation et de manque de savoir-faire, sur ce premier mois de compétition. Oui oui, vous avez bien lu. Les Spurs, ces Spurs, avec des joueurs qui ont connu de nombreuses batailles en Playoffs, et un coach all-time, semblent désemparés lorsque la pression monte. Soudain, avec un public qui se lève et un match qu’il faut saisir à deux mains, les gars de San Antonio oublient tous leurs principes et se dégonflent totalement. Mauvais choix en attaque, oublis en défense, doigts pointés vers les uns et les autres, et pas de véritable hiérarchie définie. On a parfois du Patty Mills, du DeRozan, du LaMarcus, du Dejounte, bref : lointaines, très lointaines semblent ces années durant lesquelles un money-time face à Gregg Popovich était une véritable séance de torture pour toute la Ligue. Lointaine, ô combien lointaine, semble cette ère au cours de laquelle une sortie de temps-mort résultait en un système léché, un high-low de Duncan à Ginobili puis de Ginobili à Parker, forçant le coach adverse à secouer sa tête par dépit, pensant qu’il pouvait couvrir les options A, B, C, D, E et F. Aujourd’hui ? C’est simple, on ne sait pas ce qui va être exécuté en fin de match. Et cela vient donc de deux camps, le coaching staff d’abord, puis la discipline des joueurs responsabilisés. Alors, forcément, on a envie d’affirmer la chose suivante : ce dossier n’aurait pas lieu si les Spurs avaient rentré quelques tirs de plus, défendu un peu mieux le plomb, et donc remporté ces matchs serrés. Oui, peut-être que les Spurs pourraient être à 9 victoires pour 5 défaites plutôt que l’inverse. Mais ce n’est pas le cas. Parce qu’avant de remporter des matchs serrés, il faudrait bien les démarrer, ce qui n’est souvent pas possible avec cette équipe.

Il y a donc plusieurs éléments à mettre en avant, en conclusion. D’abord, le fait que Gregg Popovich nous a l’air sacrément fatigué, un pied à moitié dehors, donc particulièrement démotivé par le challenge quotidien sportif. Malmené au Mondial, troublé dans un cadre plus privé depuis bientôt deux ans, l’homme et le coach sont à un tournant de leur histoire. Et à 70 ans, bientôt 71, non seulement cela se voit mais cela peut se comprendre. Tant que le leader, le vrai leader de la maison Spurs ne se réveillera pas, le reste des troupes ne suivra pas, c’est le B-A-BA. Ensuite, il y a un leadership en dehors des terrains, mais il en faut aussi un sur le terter. Pendant des années, c’est Manu Ginobili qui, sacrifiant son corps, donnant un coup de poing dans l’air et refusant de perdre, jouait ce rôle à merveille. Même un pauvre match de régulière contre Charlotte ne pouvait pas se terminer en défaite pour l’Argentin. C’était inenvisageable. Aujourd’hui ? Le nasty des Spurs résonne dans le vent, de nombreux joueurs acceptant leur sort sans taper du poing sur la table. Tant qu’il n’y aura pas de changement de ce point de vue là, les déconvenues reviendront de manière régulière par manque de coeur dans le moteur local. Enfin, un peu d’espoir. Car oui, il y en a. La saison est longue, et combien de fois a-t-on vu des dossiers “les Spurs sont-ils finis” en novembre avant de jeter ces merveilles en mars. Le calendrier n’est pas une excuse, clairement pas dans ce cas précis. Mais il réservera ces moments de haut comme de bas, ces hontes au Madison Square Garden l’an dernier, avant de se reprendre collectivement. L’attaque va, mais pas la défense. L’infirmerie va, mais pas le coaching staff. Sans équilibre de ce point de vue, pas d’amélioration majeure prévue.

Une série de 6 défaites consécutive est, tristement, historique pour les Spurs. Dans le jeu, en défense comme dans le money-time, San Antonio joue mal et ne rassure en rien ses fans. Est-ce l’heure de jeter l’éponge ? Non, même si Gregg Popovich en donne tous les signes. Mais la saison est longue et l’entraîneur mythique des Spurs a toujours su nous surprendre quand on s’y attendait le moins. On te regarde Pop, c’est à toi de jouer, et à tes joueurs aussi, évidemment.