Zion Williamson – Déchirure du ménisque : l’analyse du docteur Q

Le 22 oct. 2019 à 21:57 par Quentin Quairière

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Stars, highlights et stats nous font rêver au quotidien en NBA. Mais si tous ces athlètes performent chaque soir sur les parquets, c’est aussi parce que leurs corps si exceptionnels sont surveillés, massés et examinés en permanence. Ainsi, le Dr. Q, étudiant en médecine le jour et supporter NBA la nuit, a installé son cabinet chez TrashTalk pour décrypter et analyser tous les bobos de nos stars de la balle orange. Entorse, déchirure, fracture, luxation… la visite médicale nous permettra de comprendre toutes les blessures de la Grande Ligue. Aujourd’hui, c’est Zion Williamson qui passe sur la table du doc, suite à une déchirure du ménisque latéral au genou droit.

  • Professeur-étudiant en deuxième année de médecine, le Dr. Q est un grand passionné du corps humain, qui a lui-même pu tester de nombreuses blessures en étant victime de ce qu’on appelle la malchance sportive. Fasciné par l’anatomie et déterminé à exceller en tant que futur médecin du sport, il a déjà participé à des démonstrations en milieu hospitalier à l’âge de 10 ans et a observé en bloc opératoire à partir de ses 13 ans. Le Dr. Q partagera ainsi son savoir et ses recherches sur TrashTalk, pour en connaître toujours plus sur les blessures du monde du basket.

Tout le monde attendait de le voir jouer ce soir pour son premier match officiel, mais il faudra se montrer patient pour voir le phénomène Zion Williamson sur les parquets. Alors qu’il nous délivrait perf sur perf dans une pré-saison de grande qualité (23,3 points à 71,4% de réussite et 6,5 rebonds), Zion s’est blessé le 13 octobre contre les Spurs : c’est encore au niveau du genou que se situe le problème pour le rookie des Pels avec cette fois-ci un ménisque abîmé. C’est en effet la quatrième fois que Williamson se blesse depuis le lycée : quatre blessures aux genoux… Doit-on déjà s’inquiéter pour le retour du rookie ? Pour la suite de sa carrière ?

Qu’est-ce que le ménisque, quel est son rôle dans l’articulation du genou ? Le ménisque est un petit cartilage au niveau du genou, interposé entre le tibia et le fémur. Ils sont au nombre de deux : un latéral en forme de O pas fermé et un médial (ou interne) en forme de C. Il a un rôle accessoire dans la stabilisation du genou, comme une cale, mais un rôle majeur d’amortisseur. Il sert ainsi de “coussin” pour éviter les frottements et chocs entre les cartilages du tibia et du fémur, absorbant ainsi grandement la charge lors de sauts par exemple.

Comment peut-on s’abîmer un ménisque ? Il existe deux mécanismes principaux : le passage d’une position accroupie à une position debout (pas ce qui nous intéresse aujourd’hui) et la torsion. Selon toute évidence, et bien que l’on n’ait pas avec certitude l’image du moment exact de la blessure de Zion, il s’agit sans doute d’une torsion, que ce soit sur un appui ou une retombée. Le fémur va ainsi venir appuyer et tourner sur le ménisque puis le déchirer à cause d’une charge importante (surtout vu le gabarit du rookie).

Quel protocole pour traiter ce genre de blessure ? Quand blessure du ménisque il y a, trois options se présentent au chirurgien en fonction de la blessure : suturer et réparer, enlever la partie abîmée, ou enlever tout le ménisque. Depuis quelques années maintenant, les spécialistes essaient de préserver le maximum de tissus, pour limiter les risques à long terme. Sur le rapport officiel des Pels, on peut voir la mention de “debridement”, ce qui signifie que la deuxième option a ici été préférée : le chirurgien a opéré sous arthroscopie (avec une caméra) pour ne retirer que les parties abîmées du ménisque. Quelles implications pour Zion ? À court terme, cette opération est celle qui permet un retour plus rapide et dans les meilleures conditions, à l’inverse de sutures où il faut être plus précautionneux et prudent. À long terme, ces parties retirées augmentent le risque d’arthrose (d’autant plus important avec des joueurs lourds comme Zion).

D’autres joueurs ont été confrontés à ce type de blessures, assez communes dans un sport “de pivot” comme le basket. On pense tout d’abord à Eric Bledsoe, qui aura été opéré deux fois pour des blessures au ménisque : une fois en 2014 où il ratera deux mois de compétition, et une fois en 2015 où il ne reverra plus les parquets de la saison après s’être blessé en décembre. Quatre ans après, Eric Bledsoe reste un meneur solide à l’Est, alignant 16 points, 4,6 rebonds et 5,5 passes l’année dernière en étant le meneur titulaire de l’équipe première à l’Est. Chris Paul aura lui raté 25 matchs lors de sa cinquième saison chez les Hornets pour une opération du ménisque également, et reste aujourd’hui un meneur sérieux rentrant dans sa quinzième saison et avec un 19-10 de moyenne (points – assists) en carrière. Malheureusement, il y a aussi des cas comme ce bon vieux Gilbert Arenas. Alors qu’il était dans son prime (28,4 points, 6,0 assists, 4,6 rebonds en 2006-07), l’Agent 0 va se blesser et se faire opérer début avril 2007. Cette opération sera le début de la descente aux enfers pour Gilbert, qui ne parviendra plus jamais à retrouver ses standards sur une saison complète.

Doit-on s’inquiéter pour Zion après autant de blessures aux genoux ? Y a-t-il une explication à cela, une solution ? Cette blessure est la quatrième au genou pour le rookie des Pels : il s’était aussi blessé au lycée, à l’université de Duke et en Summer League. Sur toutes ces blessures, il faut faire un tri : deux d’entre elles ne sont que des contusions osseuses dues à des chocs (parquet qui glisse…) et la troisième reste la plus connue, avec cette chaussure explosée qui aura entraîné une légère entorse pour le Dukie. “Rassurant” me direz-vous ? Pas tant que ça : Zion reste l’exemple parfait de ce qu’est un joueur à haut risque au niveau des genoux. Tout d’abord, Williamson a vu son corps se développer fortement mais a surtout vu un gros déséquilibre se créer : il a pris dix centimètres, mais surtout près de 50 kilos entre sa première année de lycée et la fac. Le problème avec cette grosse prise de poids se situe au niveau des “tissus mous” : tendons, ligaments mais aussi au niveau des articulations qui n’ont pas eu le temps de s’adapter à de si gros changements. D’autre part, Zion a ce que l’on appelle un “valgus” : ses genoux sont comme “rentrés vers l’intérieur”, ce qui augmente la charge sur le ménisque latéral. Et maintenant que son opération a été faite, cette charge sera encore plus importante (retirer 15 à 30% du ménisque revient à multiplier la charge par trois ou quatre).

Quelles solutions pour permettre à Zion de passer le plus de temps sur les parquets ? Tout d’abord, et cela sera le plus important, il faut que Zion perde du poids, pour réduire la charge imposée à ses genoux. Il est compliqué de demander à un joueur si bon dans son domaine de modifier complètement son style de jeu pour se préserver, mais il faut dès à présent que Williamson soit bien plus précautionneux quant à ses réceptions et ses appuis in game. Il serait aussi intéressant pour le rookie de consulter un spécialiste orthopédique pour voir s’il est possible de réduire ce valgus afin d’améliorer la distribution de la charge sur ses ménisques. Enfin, et ça reste l’un des seuls éléments un peu rassurants au tableau : le ménisque opéré est le latéral, or beaucoup d’études montrent que l’impact sur le risque d’arthrose est bien supérieur quand c’est le ménisque médial qui est touché.

Il faudra donc un peu de patience avant de voir Zion Williamson enfiler le maillot des Pelicans pour son premier match officiel. Avec un retour espéré en décembre, il faudra laisser le temps à Zion de se remettre de l’opération et de faire de la physiothérapie pour revenir à 100%. Cela permettra aussi de voir si Williamson et le staff médical des Pels profiteront de l’occasion pour le préparer à la fois au niveau du corps et du jeu en réalisant les adaptations nécessaires. Rendez-vous dans six à huit semaines pour voir un Zion sûrement (on l’espère ici) allégé de quelques kilos et en pleine forme…