Willie Naulls, trois fois champion NBA, est décédé : oublions les chiffres, et rappelons l’histoire d’un pionnier

Le 26 nov. 2018 à 16:54 par Victor Pourcher

Willie Naulls
Source Image : Youtube

Changer le cours de l’histoire NBA. Il est très sûrement là, l’objectif principal de tous les joueurs qui posent un pied dans cette Ligue. Certains le feront par les titres, d’autres par les stats. Mais sont-ils si nombreux, ceux qui ont vraiment bousculé les choses, ceux qui ont ouvert de nouvelles portes ? Pas tant que ça, en effet. Alors quand l’un d’eux s’éteint, l’hommage et les souvenirs sont de rigueur. Hier soir, un pionnier du sport américain s’en est allé : Willie Naulls, le premier capitaine noir d’une équipe professionnelle dans un sport majeur aux États-Unis, en 1960, aux New York Knicks. Rien que ça… 

C’est ce dimanche que la nouvelle a été annoncée : Willie Naulls, âgé de 84 ans, est mort d’un arrêt respiratoire liée à une longue maladie. Pas le genre de news qui donne le sourire c’est vrai, mais de celles qui forcent à l’hommage et donc à la rétrospective sur une carrière qui porte en elle tout un pan de l’histoire de la Ligue elle-même. Un décès qui émeut fans, joueurs et légendes, en témoigne notamment le tweet de l’homme aux onze titres de champions, dont trois aux côtés de Naulls, l’icône des Boston Celtics Bill Russell :

“Toutes mes condoléances à la famille de mon ami et coéquipier Willie Naulls. Il était là lors du dernier match que j’ai perdu à l’University of San Francisco contre UCLA, puis nous sommes devenus coéquipiers aux Celtics. Il fera toujours une partie de l’histoire, comme l’un des membres de la première équipes de titulaires noirs, tous sports pro confondus.”

Oui, être autant respecté par une légende tel que Bill, ça vous classe un bonhomme quand même. Petit retour dans le passé pour comprendre ce que représentait Willie Naulls, ce qu’il a traversé. Né à Dallas, c’est pourtant en Californie que débute sa carrière, d’abord au lycée, puis dans l’une des plus fameuses universités du pays : UCLA. Bel athlète de 1m98 pour 102kg, oscillant entre les postes 3 et 4 et shooteur honnête, Willie est drafté en neuvième position par les Saint-Louis Hawks en 1956, la même année que ce bon Bill donc, après des performances universitaires remarquées. Saint-Louis ? Comme pas mal de coins aux États-Unis en 1956 ? Pour un afro-américain ? Si vous n’êtes pas trop mauvais en histoire, vous aurez bien compris que ce n’est pas vraiment ce que l’on pourrait appeler une association parfaite. Arrivé à Saint-Louis, Willie Naulls fait face à la ségrégation avant d’être tradé au bout d’une petite vingtaine de matchs, un souvenir qu’il avait abordé lors d’une interview accordée au site de la NBA :

“Être tradé loin des St. Louis Hawks, dans le Sud, en pleine ségrégation, et s’asseoir dans le vestiaire, habillé et prêt pour mon premier match avec les Knicks, cela a été l’un des grands moments de ma carrière NBA. Mes parents nous avaient amené loin du Sud pour jouir de la liberté de compétition et d’une Côte Ouest plus intégrante. Aller à St. Louis et ses hôtels séparés, ses restaurants, ses taxis, ses quartiers séparés et ses attitudes a été un choc culturel. J’étais un homme de 21 ans, et je n’avais pas vu cela depuis mes 8 ans.”

Un retour à une société plus tolérante qui lui réussit plutôt bien et qui va dévoiler son talent. Durant ses six saisons sous le maillot des Knicks, il posera son double-double de moyenne avec 19,3 points et 11,7 rebonds dont une dernière année à 25 points et 11,6 rebonds. Il en profite pour coller une performance all-time à un futur Hall-of-Famer, Bailey Howell, et aux Detroit Pistons avec 49 points et 24 rebonds. Le démembrement de raquette est validé. Pas dégueu pour un début de carrière, de quoi lui ouvrir les portes du All-Star Game à quatre reprises dès ses 24 ans, entre 1958 et 1962. Un joueur majeur sur le terrain mais aussi un homme essentiel en dehors, un leader d’équipe. Bref, un capitaine. Logique pour nous aujourd’hui. Mais en 1960, dans cette Amérique encore extrêmement divisée, nommér un afro-américain capitaine d’une équipe sportive professionnelle réveille de sombres réflexes de recul. Seulement, pas de place pour la politique ou l’idéologie dans un vestiaire. T’es un leader ? Prends tes responsabilités. Et en 1960, Willie Naulls, nommé par ses coéquipiers, devient le premier capitaine noir d’une équipe de haut niveau d’un sport majeur aux États-Unis. Il n’y a pas de trophée pour ça, pas de récompense, mais le symbole est immense et a probablement fait avancer le combat pour la diversité en NBA.

Malheureusement, mis à part en 1958, il ne parvient pas à se hisser en Playoffs avec les Knicks. Et petite question de culture générale : comment faisait-on dans les années 60 en NBA pour remporter un titre ? Personne ? Oui, au fond, à côté du radiateur… Exactement, on se débrouillait pour rejoindre les Boston Celtics du champion ultime Bill Russell. En l’occurrence, après un rapide passage à San Francisco, les Verts se débrouillent pour rassembler les deux potes de la Draft 1956 et poursuivent leur marche intraitable sur les crânes des autres équipes de la Ligue. Résultats : de 1964 à 1966, année de sa dernière saison, trois titres consécutifs pour Willie Naulls, qui inscrit son nom parmi les champions après l’avoir gravé parmi les pionniers. D’ailleurs, comme le mentionne Bill Russell dans son tweet, Naulls fera partie du premier cinq majeur entièrement composé de joueurs noirs et aligné par les Boston Celtics contre… les Hawks à Saint-Louis ! Match remporté 107 – 100 par Boston, avec 14 points de Naulls. Finalement, il aura tourné en 15,8 points, 9,1 points et 1,6 assist sur toute sa carrière. Les stats d’un joueur très sérieux qui ne lui permettront malgré tout pas d’être élu au Hall Of Fame. Mais il y a des victoires beaucoup plus symboliques, qui dépassent le cadre du basket.

Beaucoup de progrès ont été faits au niveau de la diversité en NBA depuis les années 60, et l’on ne peut s’empêcher de penser que Willie Naulls a apporté une contribution symbolique et non-négligeable à cette évolution positive. La NBA a perdu l’un de ses pionniers, mais continue ses conquêtes.

Source : The New York Times, Site NBA