Vin Baker : un talent pur et inné, mais 100 millions cramés dans une dépression alcoolisée

Le 23 nov. 2018 à 15:18 par Alexandre Martin

Vin Baker
Source : YouTube

Le 19 juin 2007, Vin Baker fut arrêté pour ébriété au volant alors qu’il sortait d’un casino dans le Connecticut. En juin 2008, sa maison de plus de 900m² à Durham (toujours dans le Connecticut) fut saisie et vendue aux enchères car l’ex pivot des Bucks, des Sonics et de quelques autres franchises ne pouvait plus rembourser le prêt hypothécaire qu’il avait souscrit. Au mois de février précédent, son restaurant – le Vinnie’s Saybrook Fish House – avait subi le même sort. Baker a ainsi rejoint la longue liste des sportifs qui se retrouvent ruinés après avoir pourtant eu une carrière très largement arrosée de billets de banque…

Presque 100 millions de dollars (97,390,894 si l’on en croit les informations données par l’incontournable basketball-reference.com), c’est la somme de tous les contrats de joueurs signés (et touchés) par Vin Baker tout au long de sa carrière comme le montre dans le détail le tableau ci-dessous.

Vin Baker / Salaires

Salaires de Vin Baker / basketball-reference.com

On s’aperçoit d’ailleurs que les Celtics ont payé au joueur des sommes bien rondelettes jusqu’en 2007 alors qu’ils l’ont coupé en février 2004 et que Baker n’a pas joué le moindre match lors de la saison 2006-07. Car en juillet 2002, la maison verte a certainement cru faire une bonne affaire en envoyant Kenny Anderson, Vitaly Potapenko et Joseph Forte chez les SuperSonics pour récupérer l’illustre Shammond Williams ainsi que Vin Baker et son énorme contrat. Pas vraiment une bonne affaire au final… Tout ça parce que quelques années auparavant, après le lock-out de 1998, Vin Baker s’est pointé à Seattle pour retrouver son équipe mais avec un bon gros surpoids. Au moins 25 kilos en trop. C’est beaucoup et ça s’est vu tout au long de la (demi) saison qui a suivi. L’impact et les statistiques de Baker ont drastiquement baissé : un peu moins de 14 points et 7 rebonds par soir. Parce que, pour ceux qui ne connaissent pas Vin Baker, celui de ses cinq premières saisons en NBA, 14 malheureux points et 7 minuscules rebonds c’est une production décevante. Malgré ces signaux, les Sonics ont voulu croire en leur joueur et lui ont offert un deal de plus de 80 millions de dollars sur 7 ans. Est-ce que nous sommes en train de parler d’un des pires contrats de tous les temps en NBA ? Peut-être…

Quand il débarque dans la Grande Ligue après avoir été sélectionné en huitième position par les Bucks à la Draft de 1993, Vin Baker commence par envoyer un exercice de rookie très honorable (13,5 points et 7,6 rebonds de moyenne) au sein d’une équipe de Milwaukee qui traîne dans les bas-fonds de la Conférence Est. Cela leur permet d’obtenir le first pick de la Draft suivante où les dirigeants des Daims choisiront Glenn “Big Dog” Robinson, devant Jason Kidd et Grant Hill mais c’est une autre histoire. Les Bucks se retrouvent avec un duo assez énorme dans le frontcourt. Car si Robinson va tout de suite proposer un niveau de jeu très élevé, Baker ne va pas se faire prier non plus. Sophomore, l’ami Vin envoie 17,7 points par soir qu’il accompagne de 10,3 rebonds, 3,6 passes décisives, 1 interception et 1,4 contre. Il est grand, il est costaud, il peut jouer ailier-fort ou pivot. Vin Baker est une bête au poste bas. Du haut de ses 2m11 (pour environ 105 ou 110 kilos max à cette époque), il est très difficile à défendre entre ses moves tout en toucher, son footwork, ses fadeaways ou la violence de certains de ses dunks. Et comme en plus, il a un jumper tout à fait honnête dans le périmètre… On vous laisse quelques secondes pour vous mettre à la place des défenseurs.

Pour sa deuxième saison, Vin sera All-Star. Pour sa troisième et sa quatrième aussi. Il faut dire que dans cette NBA des 90’s, peuplée par des doublettes de baobabs peu amicaux sous les cercles, Baker semble pouvoir marquer 20 points et prendre 10 rebonds chaque soir, sans forcer, sans rencontrer la moindre difficulté. Les matchs s’enchaînent et il est au top, c’est une star de la Grande Ligue. On le craint, on le respecte, on le subit au poste bas mais les Bucks ne voient toujours pas les Playoffs. Et à l’été 1997, alors que leur intérieur n’a encore que 25 ans et vient donc de participer trois fois de suite au match des étoiles, les dirigeants de Milwaukee décide de rentrer dans un échange qui va l’envoyer à Seattle. Un échange à trois franchises qui verra Shawn Kemp quitter la ville du Grunge pour rejoindre Cleveland pendant que les Bucks récupèrent plusieurs joueurs (Terrell Brandon, Tyrone Hill) et un premier tour de Draft dont il se serviront habilement pour choper l’inoubliable Pat Garrity. Chez les SuperSonics, Baker arrive en pleine forme et au sein d’une escouade qui compte sur lui. Et puis, ce bon Vin découvre une nouvelle vie d’intérieur : celle qui se joue aux côtés d’un meneur Hall of Famer comme Gary Payton. 82 matchs, 82 titularisations pour Baker qui va poser pas loin de 20 points par soir avec plus de 8 rebonds. Mais la grosse différence n’est pas là : l’équipe gagne, elle enfile les victoires même car non seulement Gary Payton gère l’affaire de main de maître pendant que Baker martyrise les défenses mais autour il y a du monde avec les Detlef Schrempf, Hersey Hawkins, Dale Ellis ou Nate McMillan pour ne citer qu’eux. Les SuperSonics remportent 61 matchs sur cet exercice 1997-98, Vin Baker est All-Star pour la quatrième fois et s’apprête à jouer ses premiers Playoffs ! Un premier tour passé face aux Wolves puis une élimination contre les Lakers du très gros Shaq à l’époque mais on y croit dans la ville de Kurt Cobain. Personne n’imagine que la carrière de mister Baker vient d’atteindre son point culminant et va connaître une chute pour le moins vertigineuse.

Car il y aura ce lock-out de 1998 durant lequel Baker ne va pas réussir à se maintenir en forme, loin de là. Il y aura ces statistiques et cet impact qui ne vont cesser de baisser même si le joueur fera tout son possible pour retrouver son poids de forme. Ce sera presque le cas lors de la saison 1999-2000 mais ce ne sera qu’un sursaut dans cette inéluctable descente aux enfers. Inéluctable comme ce contrat qui était bel et bien signé, bel et bien garanti. D’abord relégué sur le banc à Seattle, il sera ensuite tradé à Boston donc. Là-bas, Baker finira par révéler qu’il a eu (et a encore) de vrais soucis avec l’alcool, qu’il ne pouvait s’empêcher de s’enquiller une ou deux (ou trois) bouteilles après la plupart des matchs, et ce afin d’oublier la pauvre prestation qu’il venait de livrer. Un cercle très vicieux qui va pousser les Celtics à le suspendre puis carrément à le couper alors qu’il fait partie des très gros salaires de la ligue. Une décision qui va enfoncer encore plus Vin Baker dans son état dépressif. Les Knicks, les Rockets, puis les Clippers et les Wolves vont tenter le coup en lui faisant signer de petits contrats mais l’intérieur dominant de la fin des années 90 n’est plus.

L’histoire de Vin Baker est celle d’un joueur magnifique, un talent brut qui avait tout mais c’est aussi celle d’un homme fragile, capable d’engloutir les dizaines de millions qu’il a gagnés dans une dépression carabinée (et en se faisant bien “aidé” par des personnes plus ou moins bien intentionnées). C’est l’histoire d’un monstre des parquets qui s’est retrouvé à bosser dans un Starbucks à 40 ans et qui aujourd’hui, passe du temps à expliquer le désastre  qu’il a vécu pour éviter à d’autres de faire les mêmes erreurs. Un gâchis…


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