Sur la route avec Russell Westbrook : deux matchs vécus avec la bête, titre de MVP en target

Le 05 nov. 2016 à 09:03 par Bastien Fontanieu

Russell Westbrook
Source image : Youtube

TrashTalk était sur la route cette semaine, du Staples Center à l’Oracle Arena. Pour voir Drake et un mec porter une brouette sur son menton à la mi-temps à Oakland (si si), pour suivre le dernier match des World Series de baseball dans les bars des travées du Staples, et surtout, surtout, pour suivre Russell Westbrook face aux Clippers et aux Warriors et tenter de voir l’avenir: Russell Westbrook mérite-t-il déjà d’envisager le titre de MVP dès cette saison, ou pose-t-il les bases d’un tel titre dans les trois ans ?

« MVP ! MVP ! » Sous les combles du Staples Center mercredi, un mix de fans du Thunder et des Clippers se sont mis d’accord, pourtant à une minute de la fin du match et avec 4 points d’avance, après le dunk explosif du meneur du Thunder avant d’offrir la victoire à son équipe sur un jumper fluide : Russell Westbrook est en mission et mérite déjà qu’on chante ses louanges. « Ce joueur mérite le respect, dès qu’il a la balle, on ne sait pas ce qui va se passer, juste que ça va être spectaculaire et généreux », résume Maria, un maillot de Blake Griffin manifestement trop petit pour elle sur le dos. Westbrook, MVP ? Un peu tôt, un peu compliqué à imaginer, mais une option sérieuse à trois ans pour plusieurs raisons.

Russell a, déjà, des qualités exceptionnelles, nécessaires pour ne serait-ce qu’envisager ce titre. C’est ce qui se rapproche de plus du mix idéal entre Allen Iverson et Dwayne Wade. Des qualités physiques, déjà, avec un corps gainé, léger et dessiné au scalpel. Un muscle fin et élastique, le mettant à l’abri à la fois des gros contacts et des blessures musculaires graves, plus souvent réservées à ceux ayant trop levé de fonte sans travailler avec des élastiques, en longueur et en souplesse. Des qualités humaines, aussi. Comme Wade, qui a construit l’esprit d’équipe du Heat qui pouvait pourtant encaisser les arrivées de gros noms en allant régulièrement pendant les matchs de pré-saison – et mercredi face aux Clippers – aller parler aux remplaçants voir joueurs non retenus, en civil, pour partager leur analyse du match. Un altruisme XXL. Qui paye sur le moyen et long terme. Cf Lebron.

Russell a une routine, qui permet visuellement de rentrer dans sa tête : avant chaque début de match il va, seul, se planter dans la raquette adverse et fait des pushs, les poings en en l’air, pour convoquer l’énergie de la salle et marquer son envie d’en découdre. Idem lorsqu’il se pose seul devant le rond central en début de deuxième mi-temps. Toujours seul ? Pas sûr du tout. S’il aime physiquement mettre son corps devant ses coéquipiers, l’écoute dont il bénéficie en interne est réelle, pas juste tolérée, un peu comme le Real Madrid avec Cristiano Ronaldo, ses courses trop rapides sans aucun arrêt avant de monter au cercle, terminant trop souvent dans les chaises du premier rang.

Russell ne parle pas aux autres. « Je ne parle à personne d’autre que mes coéquipiers sur un terrain », s’est t-il fendu, un bandana noir sur la tête, après la défaite contre les Warriors. Peu adepte du trash-talk qui semble désormais grandir à chaque match couperet chez les Warriors, tout le vestiaire d’OKC semble suivre Westbrook dans son mutisme, pour l’instant, sur ce point : l’important, c’est de jouer, pas de parler. Et la saison de folie qui s’annonce côté trashtalking en NBA devrait servir son cas.

Russell sait défendre intelligemment. D’abord, en s’engageant: son contre sur Curry dans le premier quart-temps avant de distribuer la ganache pour le three a symbolisé le très bon premier quart-temps à Oakland. Ensuite, en faisant les bonnes fautes. Pour étouffer Chris Paul mercredi, un peu perdu en ce début de saison, il a fait la bonne faute, intentionnelle, au milieu du quart-temps, sur une action anodine mais qui aurait pu lancer la soirée du micro-meneur. Résultat, CP3 n’est jamais vraiment rentré dans le match ensuite.

Russell sait, malgré les apparences, gérer son effort. Il n’hésite pas à être intégré à toutes les rotations, ayant plus appris à gérer son exceptionnelle dépense d’énergie, et passe du temps pour gérer ses fautes – 3 contre les Clippers, maintenues 2/3 du match avec intelligence – et pour récupérer. Même Oladipo a joué plus que lui – 30 min contre 29 – face aux Warriors.

Russell sait provoquer la chance. Il faut revoir ce lay-up raté, où le cuir lui échappe complètement de la main, monte au plafond de l’Oracle Arena avant de terminer dans le panier. Russell fait parler les chiffres individuels – 35-5-6 contre les Clippers, 20-10-6 contre les Warriors, pourtant le plus petit chiffre du début de saison. Il aura cette année de très grosses sheets façon AI, sûrement un titre de meilleur marqueur tant il n’aura pas à partager la balle comme KD, mais il s’appliquera surtout en tant voulu, beaucoup mieux qu’un Iverson, à faire vivre les chiffres collectifs. Les nombreux systèmes posés pour d’autres joueurs que lui à Los Angeles et Oakland montrent une grande maturité collective.

Russell a une équipe. Une vraie, qui apprend à se révéler à elle-même depuis le départ de Durant. Westbrook a son espèce de Pippen en devenir – Oladipo, une énorme disponibilité et une polyvalence folle – et son Horace-Dennis Grant-Rodman: Steven Adams. Le néo-zélandais prend les coups, les donne quand il faut, s’embrouille tout en malice quand il le faut et en retenue, donne un peu de voix et surtout beaucoup de coups paluches, protégeant son leader quand il le faut. Avec une science du placement qui commence à prendre une dimension très intéressante. Même Jojo Lauvergne fait le boulot, et entraîne Sabonis dans sa dynamique. Souvent gauche, assez frustre, plutôt pataud mais toujours très impliqué, Lauvergne sort du banc avec un rendement qui monte en puissance. Un esprit qui permet aussi à d’autres joueurs du banc d’y croire, tels Grant, Singler et Robertson trop irréguliers pour l’instant, mais qui vont gagner en confiance dans un tel contexte.

Tout cela est rendu possible car Russell est fidèle. Fidèle à son club – Harden et Durant son partis, lui est en mission. Fidèle aux siens. Juste avant l’entre-deux contre les Clippers, RussWest est monté dans les tribunes saluer – bises et shake – deux amis assis… tout proche du banc des Clippers. Fidèle a son âge, aussi : à 27 ans, il dirige l’équipe avec beaucoup de tact et un sens de l’égocentrisme vis-à-vis de l’extérieur qui va le conduire à être hué tout le reste de la saison. Comme un Mourinho de la NBA, finalement. « Il est beau gosse, stylé, joue bien, ne montre jamais rien, on a envie de le siffler, c’est normal… » explique Adam, cadre dans la Silicon Valley, un maillot Mitchell and Ness des Warriors de Tim Hardaway sur le dos. Une chance pour le Thunder, qui pourra dès le coup d’envoi, se serrer les coudes. Ensemble.

Au final, Russell a la confiance des siens, et aussi de voix qui portent et peuvent compter pour écrire une légende populaire. « Je veux donner du crédit à ce mec, il dit souvent les choses de manière juste », a lâché Charles Barkley jeudi après le match contre les Warriors. « Si je vais texter KD ? rebondissait Westbrook après une question mineure. Je comprends que ça vous excite mais je vais d’abord appeler ma femme. » Russell a un sens du style en passe de devenir aussi légendaire que celui de Walt Frazier en son temps, et aussi celui de la formule : celle de la gagne autant que celle de la justesse. Qui lui permettra d’être MVP dans les trois ans. Reste que pour la bague, la concurrence sera sûrement encore trop forte : les -24 pris dans le deuxième quart-temps à Oakland et maintenu quasiment ensuite tout le reste du match laissent à penser qu’il s’agira plus que d’un problème d’attention pour contenir les deux armadas de l’année.

Rédaction et propos recueillis par Brieux Férot.