Tony Parker et Pau Gasol : une dernière danse à l’Euro pour les deux copains de la Draft 2001

Le 17 sept. 2015 à 18:27 par David Carroz

27 juin 2001. A quelques dizaines de minutes d’intervalles, Pau Gasol puis Tony Parker rejoignaient la NBA, un soir de Draft au Madison Square Garden. Plus de 14 ans plus tard, le lien entre deux des plus grands basketteurs européens de l’histoire est toujours présent, puisqu’ils se retrouvent aujourd’hui une nouvelle fois pour porter fièrement les couleurs de leur pays respectif, dans ce qui pourrait être leur dernier affrontement sur la scène internationale, mais surtout les ultimes moments de leur carrière dans un Euro. Car s’il reste au minimum le tournoi de qualification pré-olympique pour les deux légendes l’an prochain, l’EuroBasket 2017 se fera sans aucun des deux. Dur d’imaginer la fin d’une telle époque.

Bien sûr, ils ne sont pas les premiers à tirer leur révérence cet été puisque Dirk Nowitzki a peut-être même déjà dit au revoir à la sélection, à moins d’un repêchage pour l’an prochain. Mais l’Allemand, s’il demeure un joueur d’exception, n’a jamais eu l’attachement viscéral à son équipe nationale que peuvent avoir Tony Parker et Pau Gasol (absent depuis 2011, pause entre 2008 et 2011). C’est pour cela que le choc de ce soir revêt une importance toute particulière pour les deux leaders dont les points communs sont nombreux, en dehors même de leur dévouement pour leur pays. Il y a d’abord cette entrée commune en NBA, évoquée plus haut. Si Pau est arrivé avec une cote élevée aux Grizzlies (échangé par les Hawks), Tony Parker débarquait quant à lui plus discrètement chez des Spurs finalistes de Conférence la saison précédente. Une différence gommée rapidement finalement, puisque le Français s’imposait comme un titulaire dans le Texas pour rejoindre le futur Rookie of the Year dans la All Rookie 1st Team de 2002, avant de remporter le titre la saison suivante. Une nouvelle similitude entre Pau et Tony, car l’Espagnol atteindra lui aussi le Graal NBA, même s’il devra patienter bien plus que le Français. C’est d’ailleurs la seule fois où l’heure de gloire de Pau est arrivée après celle de Tony, l’intérieur devant se muer en le lieutenant de Kobe Bryant aux Lakers pour décrocher sa première bague en 2009.

En effet, Tony Parker a souvent semblé passer après Pau Gasol. Il faut dire qu’avec los ninõs de oro, le pivot de la Roja était le chef de fil d’une génération exceptionnelle, championne d’Europe junior en 1998 et du Monde dans la même catégorie en 1999. Un an avant que les Bleuets brillent à Zadar sous l’impulsion du numéro 9 français. A partir de là, la péninsule ibérique va régulièrement vibrer au rythme des exploits de Gasol et compagnie : bronze au championnat d’Europe 2001, argent lors des championnats d’Europe 2003 et 2007 ainsi qu’aux Jeux Olympiques 2008 et 2012 et enfin l’or à 3 reprises, pour les Mondiaux 2006 et 2009 et l’Euro 2011. Durant cette période, le pivot ne séchera que 3 compétitions, en 2005 (pour blessure) ainsi qu’en 2010 et 2013. Trois campagnes où l’Espagne finira 4ème, 6ème et 3ème. Un bilan – toujours bon – mais qui indique tout de même l’importance de Pau Gasol au sein de la Roja. Pendant ce temps, les Bleus ont du mal à capitaliser sur leur médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Sidney en 2000 et la présence croissante de Frenchies en NBA. Tony Parker est de quasiment toutes les campagnes malgré des saisons harassantes aux Spurs, sauf en 2006 lorsqu’il est blessé au doigt et 2010 ou l’an dernier quand les batteries avaient besoin d’être rechargées. Le reste du temps il se bat, parfois esseulé, pour que l’équipe de France brille. Les non qualifications pour les Jeux en 2004 et 2008 l’atteignent profondément et il rêve d’une médaille olympique à Paris. Il devra se contenter d’un quart de finale frustrant à Londres, lors d’une des nombreuses déceptions face à l’Espagne. Alors que Pau collectionne les breloques, Tony doit se contenter d’une de chaque métal, toutes trois acquises à l’Euro, les Bleus ajoutant le bronze au Mondial 2014 sans leur leader.

Aujourd’hui, 3 ans après leur dernière confrontation en match officiel hors des parquets NBA, ils seront une fois de plus les fers de lance de leur sélection, ceux attendus comme les guides pour la nation. Les années passent, mais leur leadership reste, leur respect aussi. Car au-delà des frictions qui ont pu alimenter l’hystérie collective lors des oppositions entre Français et Espagnols, les deux joueurs partagent cette valeur qui fait d’eux des compétiteurs sans pour autant tomber dans la haine. Un exemple de rivalité saine, comme l’explique le meneur des Spurs :

Je m’entends super bien avec Pau. Je n’ai pas de rage contre l’Espagne. En NBA, on va manger avec nos femmes, on se voit en dehors, il vient à la maison. Pau est exemplaire et a la culture de la gagne. Un joueur comme ça, tu le respectes, ça galvanise une équipe. Je n’ai jamais eu de haine contre eux. Simplement je voulais être à leur place. Ils m’ont poussé à revenir chaque été avec l’Equipe de France. – Tony Parker.

Et c’est le même chemin qu’a pris aujourd’hui Pau Gasol. La volonté de reprendre son bien, de faire mieux que les Français pour être de nouveau champion. Briser le rêve des Bleus comme ils l’ont fait l’an dernier aux Espagnols lors de “leur” Mondial. Vincent Collet en est convaincu, et les micros des télés ont capté ce message clair de la part de l’intérieur des Bulls, aux cotés de Reyes après la victoire face à la Grèce : “Nous sommes venus ici pour battre la France.”  N’y voyons aucune provocation personnelle, juste une marque de fierté d’être ceux qui ont instauré un moment désagréable dans ces souvenirs, comme dans ceux de tous les fans de basket de la péninsule ibérique.

Réjouissons-nous aussi de voir ces instants rares, ceux de deux basketteurs qui donnent tout depuis des années pour leur pays et qui s’affrontent  une nouvelle fois. Avec la même envie de gagner, comme au premier jour. Avec le même respect l’un envers l’autre, comme nous devrions l’avoir pour nos adversaires de ce soir, comme nous nous devons d’avoir pour Pau Gasol comme Tony Parker, joueurs d’exception dont nous avons la chance de voir la légende s’écrire devant nos yeux. Pour l’un des derniers chapitres ce soir, pourvu qu’ils nous en offre un nouveau à Rio en 2016…

Source image : lakersnation.com et eurosport.fr, montage TrashTalk