Robert Parish : le pilier fondamental du Big Three originel des Celtics

Le 30 août 2018 à 15:00 par Aymeric Saint-Leger

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Robert Parish est connu pour bien des raisons dans le monde de la NBA. Celui qui est encore aujourd’hui un consultant pour les Celtics fait partie des cinquante meilleurs joueurs all-time désignés par la NBA en 1997. Pour cause, avec quatre titres NBA et neuf sélections au All-Star Game, The Chief pesait comme il faut dans le game. Et s’il n’a pas évolué toute sa carrière sous le même maillot, son nom est indubitablement lié à la franchise de Boston. Son double zéro trône au plafond du TD Garden, aux côtés de ceux avec qui il a marqué l’histoire, Kevin McHale et Larry Bird. Vous connaissez le terme Big Three ? C’était le surnom de ce trio, le premier, l’originel. En voici l’histoire.

Robert Parish sur les terrains, c’était un athlète hors normes, 2m10, 113 kilos, aussi mobile et rapide qu’un arrière. Un fort défenseur, qui n’en restait pas moins un très bon pivot offensif. C’était aussi un surnom, The Chief, prodigué par son coéquipier de l’époque Cedric Maxwell, pour le stoïcisme de l’intérieur. Si son nom a traversé les époques, c’est parce qu’aujourd’hui encore, il détient le record du nombre de rencontres disputées en carrière, avec 1 611 unités. Ou encore parce qu’il partage celui du nombre de saisons disputées avec Kevin Willis et Kevin Garnett, et bientôt avec Dirk Nowitzki, pour ce qui ressemble à un dernier tour de piste, ainsi qu’avec Vince Carter, qui a encore rempilé. Si Vinsanity pourrait devenir le seul recordman de cette catégorie, Slim s’en accommodera facilement. Sa carrière derrière lui, il a laissé une trace de par sa longévité impressionnante, de par sa régularité physique. Mais si on rembobine, qu’on se retourne vers le passé, on se rend compte que le bon Robert n’est pas riche que de chiffres. Non, s’il est encore aussi connu aujourd’hui, et qu’il reste à tel point dans l’histoire, c’est qu’il est à part entière un des membres intemporels du Big Three originel.

Robert Parish a débuté sa carrière sous la bannière des Warriors, qui l’ont drafté en huitième position à l’été 1976. Il a alors 23 ans, et va passer ses quatre premières saisons avec Golden State. Les Dubs, après le titre de 1975, sont sur le déclin. RP ne verra ainsi les Playoffs qu’à une seule reprise en Californie, lors de son année rookie. La chute est telle qu’ils terminent dans les profondeurs de l’Ouest et obtiennent le troisième pick pour la Draft de 1980. C’est à partir de ce simple choix numéro 3 que la création du Big Three va être rendue possible. Enfin, c’est plutôt un an avant, du côté de Boston. Les Celtics, à l’intersaison 1979, signent M.L. Carr en tant qu’agent-libre en provenance des Pistons. À l’époque, les deux équipes concernés devaient trouver un arrangement entre elles pour qu’il y ait une compensation équitable à ce type de signatures. S’il n’y avait pas d’accord, le commissionnaire de la Ligue tranchait. Ainsi, après d’âpres négociations, Bob McAdoo rejoignait Detroit, et un package de tours de Draft arrivait à Beantown, dont celui du premier tour de l’année suivante. Bonne nouvelle pour les C’s, la franchise du Michigan se vautre, et finit la saison suivante avec le pire bilan à l’Est (16-66). Ils ont donc 50% de chances d’obtenir le premier choix de la Draft 1980. Le Jazz est dans le même cas, et au coin-flip traditionnel, alors que le représentant choisit pile sous les conseils de sa fille, c’est face qui tombe. Hop, premier choix pour les Pistons Celtics. De quoi ravir un GM, le regretté Red Auerbach, qui avait drafté en 1979 un certain Larry Bird, qui a emmené les siens jusqu’en Finale de Conférence Est dès sa saison rookie. L’avenir s’annonce radieux avec le jeune redneck et le premier pick de 1980. Mais au lieu de se jeter sur le plus gros prospect de la nouvelle cuvée, l’homme au cigare avait d’autres plans. Il voulait Ralph Sampson, un jeune joueur de fac inconnu des scouts NBA. Ce dernier refusa, de quoi faire enrager le general manager des Verts. Il s’est alors décidé à voir ce qu’on lui proposait pour son premier choix de Draft. C’est là que les mauvais résultats des Warriors interfèrent. Il faut changer quelque chose à Golden State, qui propose son pick 3, et Robert Parish à Auerbach. Ni une, ni deux, l’échange est finalisé, The Chief débarque dans le Massachusetts. Et lors du soir de la Draft, les Dubs choisissent Joe Barry Carroll en un, le Jazz choisit Darrell Griffith en deux. Et Boston choisit un petit ailier-fort sympathique, Kevin McVigoureux, ou si vous préférez, Kevin McHale.

Le Big Three était né, de par la Draft, et par un simple trade. Joe Barry Carroll aura une carrière correcte, tout comme Darrell Griffith. Mais aucun d’entre eux n’approchera la réussite de Kevin McHale, Larry Bird et Robert Parish. Le potentiel de ce trio infernal ne tardera pas à se déclarer, puisqu’avec un rookie, un sophomore, et RP dans sa cinquième année, les Celtics vont chercher le titre en 1981, le premier des trois sous l’ère de Larry Legend. Le frontcourt formé par les trois hommes est aujourd’hui encore considéré comme un des plus forts de l’histoire. Le leader, c’est le fermier de l’Indiana. Un talent fou, un QI basket hors du commun… Pas besoin de vous présenter l’iconique numéro 33 de Beantown. Le lieutenant, c’est l’ancien coach des Rockets. Ailier-fort, Keke McHale est ce qu’on appelle une sangsue. Pétri de talent, il enquiquine ses adversaires, défend fort, à la limite de la légalité parfois. Vous connaissez l’adage, pour qu’un Big Three fonctionne, il faut qu’il y en ait un des trois qui accepte de se sacrifier un minimum (Bosh avec Miami, Allen avec Boston, El Manu avec les Spurs). Vous l’aurez deviné, c’est donc Robert Parish qui a du laisser plus de place à ses coéquipiers. Somme toute, c’est logique, puisque lorsque l’on connaît l’ego des deux ailiers, c’est bien le calme pivot qui devait tenir ce rôle, comme il s’amuse à le rappeler à Jackie MacMullan d’ESPN.

“Lorsqu’on lui demande s’il pense que Bird aurait pu laisser de la place à Parish et McHale s’ils l’avaient rejoint plus tard dans sa carrière [comme Garnett et Allen ont rejoint Pierce, ndlr], Parish a émis un de ses éclats de rire à gorge déployée et a dit : ‘Oh que non ! Larry s’en est bien sorti avec moi. Il n’a jamais eu à s’inquiéter de l’interférence de mon ego. Il a de la chance. Il le sait.'”

Le sacrifice de Robert Parish, cantonné au rôle de troisième option, n’aura pas été vain. Il a grandement contribué, par ses contres, son aide défensive, sa vitesse qui lui permettait d’être un gros finisseur en contre-attaque ainsi qu’avec son rainbow shot à mi-distance, fait rare pour un pivot, ce qui lui vaudra une éloge incroyable de son remplaçant de l’époque, Bill Walton, qui le considère comme le meilleur shooteur à mi-distance parmi les intérieurs all-time. C’était en 1985-86, ça a pu changer depuis. Tout cela pour dire que l’homme de l’ombre, la troisième facette du Big Three, c’était aussi un grand talent, qui a su s’adapter, et peut-être ne pas montrer tout ce dont il était capable pour le bien de l’équipe. Il y est quand même pour quelque chose, dans le cumul des 62 460 points et surtout, dans le compte des 30 811 rebonds que le monstre à trois têtes des Celtics a amassé. Le cerbère est resté dans cet état pendant douze ans. C’est immense, et ça leur vaudra l’honneur de remporter trois trophées Larry O’Brien, en 1981, 1984 et 1986. Le tout dans des époques marquées par le Showtime des Lakers, le talent irrésistible de Jordan et des Bulls, et la dureté des Bad Boys. Les duels de barbaque entre Robert Parish et Bill Laimbeer, ça valait son pesant de cacahuètes. Malgré tout, ça n’a jamais été toujours rose pendant cette ère du Big Three originel à Boston. Plus le temps avançait, plus c’était compliqué. Parce que si The Chief a toujours su se mettre un peu de côté, et être toujours en forme à chaque saison (plus de 72 rencontres disputées lors de 20 de ses 21 saisons dans la Ligue), ce n’est pas le cas de ses fragiles partenaires. Les grosses blessures ont changé Larry Bird à partir de 1986 et Kevin McHale à compter des Finales de 1987, et de fait, elles ont dégradé les rapports sentimentaux entre les trois hommes. Quelque chose s’était cassé.

“Robert Parish : ‘Ça m’a beaucoup touché [leurs blessures, ndlr]. Ils avaient deux des meilleures éthiques de travail que je n’avais jamais vu, et leurs corps les lâchaient. Je détestais ça.’

Dans leurs deux dernières saisons ensemble, Bird et McHale sont devenus de plus en plus distants, presque antagoniques. Ils portaient tous les deux la douleur et la déception de leurs compétences soudainement limitées.

Robert Parish : ‘À ce moment Kevin était le plus en forme des deux, et il ressentait que Larry aurait dû lui laisser plus de responsabilités. C’est à ce moment-là que la relation a vraiment commencé à se détériorer.’

Kevin McHale : ‘Ces blessures nous ont rendu méchants. Nous faisions tous face à la même chose et nous étions juste misérables.’

Larry Bird : ‘Quand tu es blessé, tu ne peux pas bouger, tu ne peux pas faire ce que tu veux, donc tu ne veux parler à personne. Tu veux juste être seul.'”

Malgré les difficultés, les embrouilles et les blessures à répétition, Red Auerbach ne les a pas échangés, et a gardé cette ossature tout du long. Cela s’est malheureusement terminé en eau-de-boudin pour Larry Bird, qui finit sa carrière en 1992 après le titre olympique avec Team USA. Pas bien mieux pour Kevin McHale, qui termine sa carrière l’année suivante, penaud. Toujours en forme, Robert Parish continue lui sa route. Du haut de son grand âge, il reste avec les Celtes jusqu’en 1994, avant d’aller jouer deux ans à Charlotte, et de terminer sa carrière sur un titre, avec les Bulls en 1997, à l’âge de 43 ans. En voilà un qui ne s’est pas fait marcher sur les pieds par Michael Jordan. The Chief est sans doute celui qui a terminé sa carrière de la manière la plus heureuse. Cependant, malgré les démons du passé, les engueulades, les insultes, ça va mieux entre les trois compères du trio infernal de Boston. Aujourd’hui ils parlent et rigolent du passé, sans aucune rengaine, aucune rancune. Ils ont réalisé, à l’aide de leur GM de l’époque, une performance qui restera gravé dans les mémoires, et qui va inspirer les générations suivantes. Le Big Three originel, c’est eux. Et tous les autres dans l’histoire n’auraient peut-être pas existé sans leur présence, sans ce coup du sort à la Draft de 1980. C’est aussi eux qui ont inculqué cette tradition à Boston, qui a donné naissance (en quelque sorte), des décennies plus tard, au trio Pierce-Garnett-Allen, et qui ont inspiré la réussite de ces trois gros egos. C’est peut-être un peu grâce à Robert Parish que Ray-Ray a accepté de ne pas avoir le beau rôle, de quoi les mener au titre en 2008. Puis, coïncidence ou non, ce qu’il s’est passé à l’été 1980 ressemble étrangement à ce qu’il s’est passé lors de l’intersaison 2017 pour les Celtics. Un premier choix de Draft qui provient d’une autre équipe (coucou Brooklyn), un échange du pick 1 contre le pick 3 et, dans ce cas, d’autres choix pour les étés suivants. Le choix numéro trois a donné Jayson Tatum. Il y a déjà Kyrie Irving dans l’effectif… Un dernier à rajouter, et on pourrait repartir sur un modèle Big Three à Boston dans quelques années, sous la houlette de Danny Ainge, le digne héritier de Red Auerbach.

Tout était fou dans le Big Three originel. Sa création venant d’un coup du sort (ou d’un jeté de pièce). Ses performances sur le terrain. Leur entente si bonne au début, si compliquée en bout de course. Les blessures à répétition. Un general manager qui aime ses joueurs, qui fait tout pour les garder, une époque exceptionnelle. Bird, McHale et Parish, c’était fou, nouveau, improbable. Leur héritage, on l’a vu, on le voit, et on le verra encore. Il était important de rappeler que dans un Big Three, il faut toujours un sacrifié sur l’autel de la victoire. Le premier à avoir su le faire, c’était Robert Parish. The Chief avait tout compris, avait accepté l’ombre, c’est ainsi qu’on se devait de lui rendre hommage, pour l’exemple qu’il a montré, pour sa longévité, son sacrifice, sa mentalité, et ce qu’il a apporté à Bird, McHale, aux Celtics, et tout simplement, au basket.

Sources texte : ESPN, NY Times