Les Hawks ont décidé de faire un énorme pari sur Trae Young : sportif, mais aussi business et vital à Atlanta

Le 24 juin 2018 à 04:17 par Bastien Fontanieu

Trae Young
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Au centre des interrogations sur la planète basket en étant choisi en 3ème place suite au transfert de Luka Doncic, Trae Young représente la tête d’un projet qui dépasse largement le simple cadre du terrain : les Hawks veulent changer leur image, du sol au plafond en passant par le jeu. Et ils en ont gravement besoin.

The prelude

C’est la tentation qui touche évidemment la grande majorité des fans, et pour une raison assez simple. Lorsqu’on se penche sur chaque Draft, chaque année, on analyse avant tout le joueur en question, l’équipe dans laquelle il va évoluer, en très grande partie dans un cadre strictement réservé au basket. Ce mécanisme de réflexion est propre à chacun et nous pousse à rester dans le carré purement sportif, parce qu’on a avant tout hâte de voir celui-ci se dévoiler devant nos yeux. Machin qui fit dans telle franchise, l’autre qui va devoir se battre dans les rotations, il est très souvent question d’adaptation au jeu local et au coaching staff qui gère le jeu, en espérant retrouver les skills observés sur le parquet. Mais parfois, il existe des moments marquants dans l’histoire d’une franchise, des virages monumentaux, qui font d’une sélection un choix dépassant les limites tracées initialement. On reste certes attachés à la balle orange, mais on dé-zoome un court instant pour réaliser la logique qui se cache derrière un choix. Ce qui fût le cas, ce jeudi, pour Atlanta. Comment les Hawks peuvent-ils croire que Trae Young est ou sera un meilleur basketteur que Luka Doncic ? La question, si elle peut être en effet posée, est incomplète dans le cas ici présent. Car comme présenté à l’instant, ce n’est pas sur une stricte dimension sportive que ce choix a été réalisé. Ce n’est pas en voyant les plaintes de Dennis Schröder ou les demandes de Lloyd Pierce que Travis Schlenk et son management ont choisi de miser sur le meneur d’Oklahoma, plutôt que sur le génie du Real Madrid. C’est pour une succession d’éléments qui dépassent les quatre lignes blanches, et qu’on doit dérouler ci-dessous.

“On aime sa capacité à passer la balle, à rendre ses coéquipiers meilleurs grâce à sa vision du jeu. De manière assez évidente, il obtient une grande partie de sa notoriété grâce à ses tirs de loin, mais je pense que sa capacité à faire de bonnes passes est ce qui nous a le plus attiré chez lui.”

The nightmare

La victoire vend des tickets, c’est ce qu’on dit souvent en NBA comme dans le sport en général. Voir une équipe dominer et empiler les succès, cela attire les fans car on se sent prendre part à une aventure positive et écrasante. On se joint à la folie populaire et on vit le succès dans une communion qui élève tout un groupe. De ce point de vue, difficile de comprendre les Hawks quand on sait que Doncic, ces 3 dernières années et surtout ces 365 derniers jours, n’a fait que gagner, gagner et encore gagner. Si on veut remplir une salle, pourquoi ne pas prendre le meilleur joueur disponible ? Le problème pour Atlanta et à Atlanta, et cette réalité est venue frapper le nouveau management mis en place il y a un peu plus d’un an, c’est que les Hawks représentent une franchise délaissée par les habitants de Géorgie. Si son logo actuel ressemble à un faucon, on pourrait presque dessiner un vilain petit canard et le mettre à la place. Depuis Dominique Wilkins, aucune star américaine ne s’est présentée sur place et a accepté d’élever la cité vers les hauteurs de la Ligue. Certes, Mookie Blaylock et Dikembe Mutombo ont tenté leur chance, tout comme Al Horford et Joe Johnson par la suite, mais le sex appeal des Hawks n’a jamais évolué et ce depuis le transfert du Human Highlight Film. Un moment traumatisant pour les vrais fans de la franchise, qui ont ressenti ce choix du 24 février 1994 comme un clair abandon de la fanbase, alors que Dominique remplissait la salle tous les soirs. Depuis ? Pas le moindre agent-libre à l’horizon, pas d’opération séduction. Et ce alors qu’Atlanta, en tant que ville en elle-même, représente un énorme marché aux Etats-Unis, et une destination adorée par les joueurs d’une manière générale.

The divorce

Mais en même temps… comment oublier l’affaire Danny Ferry, qui disait que Luol Deng avait “encore trop d’Africain en lui” ? Et comment effacer l’ère Bruce Levenson, qui affirmait que le public des Hawks était “trop afro-américain” pour que ça avance ? Telle est la situation dans laquelle la franchise d’Atlanta se trouve aujourd’hui. Ce n’est pas qu’une question de résultats, ou de systèmes mis en place. C’est aussi une question d’identité et de lien perdu avec ses fans. Des supporters qui, plus que jamais, sont à des kilomètres de vouloir crier tous les soirs dans la Philips Arena. Pourtant, nombreux sont ceux qui ont adoré la saison 2014-15 à 60 victoires, avec un mouvement de balle brillant et une défense suffocante. Pendant quelques mois, un vent d’espoir a balayé les rues de la cité géorgienne. Mais qu’est-il devenu du 5 majeur ? Que reste-t-il de cette période ? Alors que les Hawks de Mike Budenholzer et Kyle Korver étaient devenu le talk le plus hype de toute la ville, c’est Danny Ferry qui est venu planter involontairement une bombe H dans les locaux de la franchise, avec ses propos racistes. Depuis ce jour, le malaise s’est réinstallé, et le divorce a été plus que consommé.

The bet

Ce jeudi soir à la Draft, il était donc question, en premier lieu, de prendre un pari qui tranche complètement avec les choix des années précédentes. Taper dans la hype, montrer un peu de culot, pour créer une nouvelle page en Géorgie. Une page excitante, inespérée, décidée par un General Manager qui a justement fait le même choix à Golden State par le passé et s’est procuré les Splash Brothers. Bis repetita à Atlanta ? Difficile d’y croire. Mais le coup de poker valait la peine d’être joué. En Trae Young, les Hawks ont trouvé le joueur et surtout le profil qu’il leur manquait depuis des années. Un gamin aux dimensions humaines, d’une mère blanche et d’un père noir, qui pratique un jeu ultra-flashy, pousse au scoring et se marre en le faisant. Cela rappelle quelqu’un ? Les comparaisons dans le jeu sont souvent faites avec Stephen Curry, mais il y a surtout une approche globale et un CV qui ont fasciné le management des Hawks. Le management, et le propriétaire d’ailleurs, Tony Ressler. Arrivé en 2015 à la tête de la franchise, le sexagénaire au sourire Colgate savait très bien qui il voulait dans son équipe et sur les pancartes de la ville. Luka Doncic ? Hell no. Aussi fabuleux soit-il sur les parquets, et Dieu sait s’il le sera en NBA, le Slovène représente avant tout un choix basket, un choix geek si on peut le dire ainsi. Aussi hypé que nous soyons ici en Europe autour du Wonderboy, aucun joueur de la Draft 2018 ne peut arriver aux fines chevilles de Trae Young en terme de hype et d’exposition médiatique. En couverture du magazine SLAM et en ayant roulé sur le circuit NCAA (donc ricain), le meneur est devenu le plus grand sujet de discussion au fil de la saison. Et avec une toute nouvelle Philips Arena reconstruite récemment (la seconde plus grosse reconstruction all-time derrière… le Madison Square Garden), il fallait bien mettre un phénomène bourré de hype et de talent pour la remplir. Un gars comme Doncic, ou Trae Young pour le tampon américain et les critères mentionnés plus haut.

The challenge

Ce choix, réalisé en 3ème position tout en récupérant un pick de Draft 2019 protégé 1-5 à Dallas, il ne pouvait être isolé dans un coin. Il fallait, coûte que coûte, que les Hawks fassent all-in sur leur vision de l’avenir, quitte à ce que cela prenne des années et des wagons de défaites pour y arriver. D’où la sélection de Kevin Huerter en 19ème place, ainsi que celle d’Omari Spellman en 30ème position. Du shooteur, du shooteur, du shooteur, pour entourer la nouvelle star locale. Oser prendre Trae Young à la place de Luka Doncic ne pouvait être suivi par un état d’esprit en alternance. Il fallait suivre l’instinct de Schlenk et son envie de créer une nouvelle superpuissance médiatique et sportive, en filant à son joyaux les premiers outils pouvant l’aider à briller de milles feux. Comparé à qui, l’ami Huerter ? Un certain Klay Thompson. Pendant que Spellman ? On vous laisse deviner quel aboyeur évoluant actuellement aux Warriors. Le challenge est donc là, pour les Hawks. Il est de voir jusqu’où ce nouveau projet peut aller, si les fans d’Atlanta se boufferont encore plus les doigts en voyant Luka Doncic rouler sur la concurrence, si le pari pris peut s’avérer salvateur pour une franchise transformée en punchline de grande taille. Et si on devait être totalement honnête ? On quitterait immédiatement le cadre du basket pour observer celui du business et du lien avec les fans de Géorgie. Ce ne sont pas les résultats de la saison prochaine qui vont définir ce plan, ce coup de poker sacrément burné. C’est dans la création d’une nouvelle image, respectable, appréciable, excitante, une dont Atlanta rêve secrètement depuis près de 30 ans. Depuis que la plus grande star de son histoire a été transférée aux Clippers un soir d’hiver.

Peut-être que les Hawks s’enfonceront encore plus dans leur merdier global en draftant un bust, incapable de mener son équipe vers la gagne, incapable de produire un jeu excitant, et donc incapable de remplir une bien triste Philips Arena. Ou bien peut-être que la sélection de Trae Young sera le début d’une grande aventure, une qui surpasse largement le cadre basket et représente un besoin vital pour une franchise en perdition. Il fallait que quelqu’un de culotté ose prendre le pari, il est désormais fait. Et vu la pauvreté du palmarès à Atlanta, on peut affirmer sans problème qu’il s’agit déjà d’une victoire.