Star de demain – DeAndre Ayton : le nouveau porte-drapeau des Bahamas qui va séduire la NBA

Le 10 mai 2018 à 10:54 par Benoît Carlier

DeAndre Ayton
Source image : YouTube/Arizona Wildcats

Chaque année, ils sont plusieurs centaines à s’inscrire à la Draft pour tenter d’y décrocher un spot dans l’une des 30 franchises NBA. Mais au milieu de ce vivier de jeunes talents, quelques joueurs tirent déjà leur épingle du jeu et sont promis à un grand avenir chez les pros. Parmi eux, DeAndre Ayton, éliminé prématurément de la March Madness mais qui devrait prendre sa revanche à la Draft quand quelques semaines.

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Membre d’une fratrie de quatre enfants, DeAndre grandit à Nassau, aux Bahamas. Mais la famille Ayton se partage un T3 dans les quartiers pauvres de l’île, loin des plages paradisiaques et des hôtels de luxe réservés aux touristes fortunés venus se détendre dans les Caraïbes pendant les vacances de la Toussaint. Bien loin du paradis que l’on s’imagine, la réalité des habitants est parfois toute autre et le jeune prospect côtoie la pauvreté durant son enfance. Volontaires, ses parents enchaînent les petits boulots pour permettre à leurs progénitures de bénéficier de la meilleure éducation possible, dans les écoles privées de la ville. La plus belle preuve d’amour selon DeAndre qui aurait pu mal tourner sans ce dévouement de la part de ses parents comme il l’a notamment expliqué à Myron Medcalf d’ESPN et Seth Davis de Sports Illustrated.

“La plupart des gens disent qu’ils sont pauvres parce qu’ils n’ont qu’un petit Android. Mais aux Bahamas, ils n’ont pas de téléphone du tout. Les gens vivent dans des maisons en bois ou en paille. Ils n’ont pas l’électricité et presque pas d’eau même si nous en sommes entourés. Ma mère et mon père ont été très forts car ils ont fait de leur mieux pour ne pas nous montrer cette face de la réalité. […] Le quartier tombait en ruine et ils m’ont envoyé dans le privé pour me sortir d’affaire. J’ai beaucoup changé d’école parce que j’étais hyperactif. J’avais l’habitude d’avoir de mauvaises fréquentations.”

Pour canaliser le jeune bambin, Alvin et Andrea décident de le mettre à la musique. De la batterie au tuba, il essaye différents instruments à l’église ou à l’école. Des activités qui coûtent cher à la famille, notamment lorsqu’il faut réparer la caisse claire régulièrement déchirée par la force de DeAndre. C’est lors d’une répétition qu’il est repéré par la magazine The Bahamian Basketball Yearbook pour ses mensurations déjà hors du commun. Mesurer plus d’1m90 à 12 ans, ce n’est pas courant, alors les recruteurs arrivent à le convaincre de lâcher le ballon de foot pour se mettre à la grosse balle orange. Le début d’une belle histoire pour celui qui pourrait succéder à Markelle Fultz à la Draft 2018. Pourtant, les débuts sont compliqués. Peu ambitieux, ses premiers entraîneurs le cantonnent à un rôle de protecteur d’arceau qui ne lui convient pas du tout.

“Quand j’ai commencé le basket, ils voulaient toujours que je reste au contre et j’étais genre ‘Je ne veux pas jouer en bas, je veux faire autre chose.’ Ça ne m’amusait pas et je voulais faire comme les arrières. A l’entraînement, je ne bossais pas mon jeu au poste. Je voulais dribbler et tirer.”

Au fur et à mesure, il a développé une belle polyvalence qui, combinée à sa taille, lui a permis de franchir les étapes assez rapidement en commençant par rejoindre le Jeff Rodgers basketball camp qui regroupe les jeunes joueurs les plus talentueux du pays. Invité un peu partout, il finit par se faire repérer par la Balboa City School de San Diego où il obtient une bourse pour suivre des cours et continuer de développer ses qualités de basketteur. Malheureusement, il passe sa première année à regarder ses coéquipiers en survêt après avoir été jugé inéligible. Une période difficile de sa vie alors qu’il se retrouve loin de son île et de ses proches sans pouvoir réellement s’exprimer sur les parquets. Il va réussir à évacuer toute cette frustration lors de sa saison sophomore où il tourne à 21 points, 16 rebonds et 3,8 blocks de moyenne tout en enchaînant les double-doubles (21 sur 22 possibles). Cela va de mieux en mieux pour Dédé qui réclame son transfert à la Hillcrest Prep Academy de Phoenix où sa mère le rejoint en compagnie de deux de ses frères et sœurs. C’est la fin d’une longue période de solitude pour lui.

“Il n’y a pas beaucoup de joueurs qui viennent des Bahamas. Je représente mon pays et les Caraïbes. C’est là où je puise ma motivation. […] Mon père ne voulait pas que j’y aille [à San Diego] et ma mère a dit ‘Nous n’avons pas l’argent mais c’est une belle opportunité.’ Elle m’a envoyé là-bas et elle se foutait de ce qu’il avait à dire. […] Je considère que je n’ai pas eu d’enfance. Entre ma naissance et mes 12 ans, oui. Mais dès que j’ai quitté les Bahamas, c’était terminé. C’était juste du boulot. Je suis en mission, je l’ai toujours été.”

Dans l’Arizona, il rejoint un autre prospect annoncé dans le Top 10 de la prochaine Draft, Marvin Bagley III. Mais leur cohabitation est de courte durée puisque le produit de Duke quitte l’établissement au bout d’un mois par manque de garanties quant au niveau scolaire de la Hillcrest Prep Academy. DeAndre Ayton se retrouve donc à dominer seul le championnat avec des moyennes impressionnantes de 29,2 points, 16,7 rebonds et 3,8 contres pour sa saison junior. L’année suivante, il est sélectionné pour disputer le Nike Hoop Summit qui rassemble les meilleurs espoirs du monde entier pour un match disputé au Moda Center de Portland. Dragué par de nombreuses universités, il fait le choix de rester dans le Sud du pays et s’engage avec les Wildcats d’Arizona pour respecter la règle du one-and-done encore obligatoire au moins jusqu’en 2020.

“Mon rêve a toujours été d’aller en NBA. Ma mère et moi en parlions tout le temps. Donc je dirais que j’ai pris ma décision [de faire le one-and-done, ndlr] l’été de ma senior year, après le tournoi AAU.”

Mais plutôt que de compter les jours qui le séparent encore de son objectif et du versement de son premier salaire digne de ce nom, il profite de cette année supplémentaire pour préparer son corps à la transition dans la Grande Ligue. Pendant que ses coéquipiers profitent de leur renommée pour gonfler le torse sur les pelouses du campus, il s’enferme à la salle où il gagne 10 kilos de muscle lors de ses deux premiers mois à l’université, réduisant son pourcentage de graisse de 13 à 7%. Quand on reproche à certains rookies de ne pas avoir encore développé suffisamment leur corps durant leur adolescence, lui semble déjà être un adulte au milieu des enfants. C’est une force de la nature qui impressionne les scouts NBA.

“Vous savez qui il est ? Physiquement, il ressemble à Dwight Howard mais en plus développé pour son âge. Mais il peut aussi tirer à trois points. C’est Dwight avec la capacité de s’écarter derrière l’arc. C’est pas dingue, ça ? Nous n’avons vu personne d’autre offrant une telle combinaison. Il court comme un joueur de moins de deux mètres. Il aura un impact dès le premier jour, c’est un franchise-changer.”

Dès son premier match avec les Cats, il montre qu’il n’est pas là pour rigoler. Auteur de 19 points, 12 rebonds et 3 contres, il réalise la septième meilleure performance all-time pour un freshman d’Arizona. Les records vont ensuite se succéder comme le nombre de contres sur un match pour un first year avec 6 crêpes ou encore 20 rebonds contre Berkeley et 32 points face aux Bruins. Mais la saison de DeAndre Ayton est tout de même entachée d’un scandale selon lequel il aurait négocié une enveloppe de 100 000 dollars pour s’engager avec Arizona. Ça ne l’empêche pas de faire du sale avec 23 double-doubles en 34 matchs et de nombreuses récompenses de la part des médias spécialisés dans le College Basketball. Toutefois, il ne laissera pas un grand souvenir dans l’histoire de la March Madness puisque les Wildcats subiront un upset dès le premier tour contre Buffalo University. Une fin de saison prématurée qui fait un peu tâche mais qui ne réduit pas ses chances d’être appelé en premier par Adam Silver le 21 juin prochain. Pas mal pour un jeune Bahaméen qui n’était pas prédestiné à cela selon sa mère.

“En grandissant, DeAndre répétait toujours qu’il allait devenir une star. Je n’aurais jamais pensé que ça serait au basketball. Je pensais qu’il allait devenir comédien.”

2 mètres 16 et 113 kilos de muscles s’apprêtent à faire le bonheur d’une franchise NBA. Si Phoenix semble la plus intéressée pour des raisons évidentes (besoins de l’équipe et star locale), il faudra bien sûr attendre les résultats de la Lottery, le 15 mai prochain. En effet, DeAndre Ayton a de grandes chances de devenir le prochain first pick, Suns ou pas.

Les highlights de la saison

Source texte : ESPN, Sports Illustrated


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