Steve Francis : une belle symphonie gâchée par des acouphènes, retour sur un mal qui le ronge de l’intérieur

Le 21 févr. 2018 à 20:13 par Aymeric Saint-Leger

Steve Francis
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Ahhh… Steve Francis. Bienvenue au rayon des “carrières trop courtes”, à la croisée avec celui des “talents gâchés”. L’ancien meneur de jeu des Rockets et du Magic a joué seulement huit saisons dans la Grande Ligue. Très prolifique dès ses débuts en NBA, le passage de Stevie Franchise en NBA s’est avéré bien trop court. Au-delà des problèmes d’ego, Francis s’est retrouvé confronté à une terrible maladie, dite “de Ménière”. Focus sur ce syndrome, qui a mis des bâtons dans les roues d’un des phénomènes du début du millénaire.

Steve Francis, c’était un extra-terrestre avant l’heure. Westbrook, Rose ? Dix ans plus tôt, sévissait déjà Steve-O. Dynamite dans les jambes, tempérament de feu, du haut de son mètre 91, le meneur drafté en deuxième position par les Vancouver Grizzlies en 1999 impressionne dès ses premiers matchs avec les Houston Rockets, la première équipe avec qui il a joué (et oui, Francis n’avait pas trop envie d’aller jouer au Canada). Co-rookie de l’année avec Elton Brand cette même année, le meneur monté sur ressort promet. Très vite, il s’affirme sur le backcourt des Fusées avec son compère Cuttino Mobley. Son ascension est fulgurante, et ses performances individuelles sur la saison 2001-02 (21,6 points, 7 rebonds et 6,4 assists) lui permettent d’être titulaire au All-Star Game à Philadelphie, aux côtés de Kobe Bryant et consorts. Ce que l’on ne savait pas encore à cette époque, c’est que Steve souffrait déjà. C’est malheureusement lors de cette saison qu’il commence à rater des matchs. Vingt-cinq sur la saison, à cause d’une blessure au pied, mais aussi de maux de tête à répétition, de migraines… A l’intersaison 2002, le diagnostic tombe. Stevie Franchise est atteint d’un trouble de l’oreille interne, dénommé “Maladie de Ménière. Chez TrashTalk, on n’est pas spécialistes de médecine (quoique le Psy donne bien quelques consultations de temps en temps). Mais les symptômes de cette maladie parlent d’eux-mêmes : vertiges rotatifs (comme lorsque tu bois une bière de trop quand tu es fan des Kings), acouphènes, surdité, lésion dans l’oreille interne, on en passe et des meilleures… Quel manque de chance : 50 personnes sur 100 000 peuvent être touchés par ce syndrome, qui est fréquent en Europe, chez les personnes entre 40 et 60 ans. Elle est même rare pour une personne de 20 ans. Francis ne remplit aucune des conditions précédentes, mais est malheureusement atteint par cette maladie. Imaginez : vous avez la tête qui tourne pendant des dizaines et des dizaines de minutes, vous entendez soit un bourdonnement discontinu, soit des clics répétitifs dans votre oreille à longueur de temps. Votre vision se trouble complètement. On dirait que quelqu’un tape avec un marteau à l’intérieur de votre crâne. Vous avez des nausées, des vomissements, vous pouvez faire de la tachycardie… Si cela vous arrive, la raison vous dirait de rester chez vous, avec une tisane et de ne pas faire trop d’efforts. On n’est pas tous faits du même métal que Steve Francis. Il a raté moins d’une dizaine de matchs à cause de ces migraines lors de la saison, continuant à s’entraîner, et prenant le risque de jouer malgré tout de nombreux matchs. Voici quelques brefs témoignages, récoltés dans le documentaire Beyond the Glory, Steve Francis de Fox Sports, qui montrent l’état dans lequel il était, à cette période :

“Chaque jour, j’ai la tête qui tourne, j’ai des vertiges, donc je vais voir l’entraîneur, et je lui dis ‘J’ai besoin de voir un docteur’, quelque chose ne va pas…” – Steve Francis

“Ses yeux étaient injectés de sang, il était étourdi, il n’arrivait pas à rassembler ses forces pour voir correctement.” – Moochie Norris, un ex-coéquipier

“J’avais peur, j’étais effrayé, je ne savais pas quoi faire !” – Steve Francis

Même des membres de l’encadrement des Rockets étaient impuissants :

“En revenant à Houston on a essayé de trouver ce qui n’allait pas. Il a fait des tests avec différents docteurs, et on ne trouvait pas de réponse” – Nate Peake, le manager de Francis

“Il a joué tellement de fois où on ne pensait pas qu’il devait le faire. Et une nuit, il a mis 38 points, et il souffrait tellement…” – Carroll Dawson, GM des Rockets de l’époque

L’ancien de Maryland avait peut-être des défauts, mais on ne pourra pas lui enlever qu’il avait une volonté de fer. Il a joué une saison quasiment entière sans savoir quel était le mal qui le rongeait de l’intérieur, et est allé au combat. Cela n’a malheureusement pas suffi pour les Rockets, qui finissent onzièmes à l’Ouest lors de l’exercice 2001-02. À la fin de la saison, il est temps de prendre les choses en main. Passant de spécialiste en spécialiste, un ORL finit par détecter de quoi est atteint Steve Francis, cette fameuse “Maladie de Ménière”. Il était temps, le fantastique dunkeur avait perdu 60% de ses facultés d’audition à l’oreille droite ! Autant dire que sur un terrain de basket, avec des foules plus que bruyantes, comment voulez-vous comprendre un traître mot de ce que vos coéquipiers ou votre coach vous disent, avec une oreille quasiment sourde ? Cela faisait beaucoup pour le malheureux Francis. Mais dans sa malchance, cette fois, il allait trouver un peu de réconfort.  Cette maladie est curable, par voie médicamenteuse, mais aussi grâce à la diète, ou par bien d’autres processus médicinaux et chirurgicaux. Fort heureusement pour le numéro 1 des Rockets qui va quasiment parvenir à retrouver la pleine possession de ses moyens auditifs et visuels. En un été, son oreille a retrouvé ses capacités, c’en est terminé des migraines et vertiges. Steve-O pouvait à nouveau s’éclater, aller mettre de gros lay-ups inversés en passant sous le cercle, et aller sauter sur les plus grand Big Men de la Ligue comme sur ses premières années (coucou Jahidi White, RIP 26 décembre 1999). Stevie Franchise signe d’ailleurs deux bonnes saisons entre 2002 et 2004, ce qui fait de lui un titulaire au All-Star Game trois saisons d’affilée. On n’oubliera pas non plus son grand concours de dunks au All-Star Game 2000, même si sa performance restera dans l’ombre d’un monstre athlétique dénommé Vincent Carter. On ne reparlera pas ici de la descente aux enfers de Francis, entre déboires à Orlando, New York, en CBA, ni de ses problèmes une fois sa carrière terminée. Non, accordons du respect à un joueur qu’on aimait détester, et qu’on détestait aimer.

Fan ou hater du monsieur, on peut juste apprécier à quel point la volonté, le hustle et la détermination de Steve Francis lui ont permis de se dépasser, peut-être au-delà même des limites du raisonnable quelques fois. Paradoxalement, cette saison 2001-02 restera la meilleure au niveau statistique de Steve-O, malgré cette foutue maladie de Ménière. Qui sait ce qu’il aurait pu faire sans tout cela… S’élever au-dessus de la NBA, être parmi les meilleurs joueurs du début du millénaire. En tout cas, il aurait pu être un grand performeur, un habitué du All-Star Game et non pas seulement une étoile filante… Malgré tout, chapeau bas Stevie Franchise, et joyeux 41ème anniversaire.

Sources texte : ESPN, Basketball-Reference, CBC