Je ne suis pas un leader : et si, après tout, Kevin Durant réussissait en sachant enfin qui est-il vraiment ?

Le 18 nov. 2017 à 20:58 par Bastien Fontanieu

Kevin Durant
Source image : LocalTVKfor

Les récents propos tenus par Kevin Durant, dans une longue interview avec GQ, ont encore fait discuter la planète basket. Un KD capable de passer du chaud au froid en passant par le tiède et le glacial, mais si pour une fois l’ailier des Warriors avait dit quelque chose… d’extrêmement pertinent ?

“Stephen Curry est le visage de cette franchise, et cela m’aide beaucoup, car je n’ai pas à le faire. Je n’ai pas à être le leader. Je ne suis pas un leader. Je suis mauvais lorsqu’il faut dire “suivez-moi, mettez-vous derrière moi”. Non, je suis plutôt un de ces gars qui dira plutôt, “faisons ça ensemble, battons les autres ensemble, je n’ai pas de soucis à être en première ligne avec vous, mais faisons ça ensemble. C’est ma façon de voir le leadership, je donne le ton en montrant l’exemple sur le terrain.”

Voici les quelques lignes, entre autres, qui ont créé une bonne animation dans les bars d’Oakland comme dans ceux du monde entier affectés par la balle orange. Des propos forcément déroutants, car créant une scission avec le modèle établi des meilleurs joueurs au monde, qu’on attend tels de vrais leaders au quotidien. Depuis quelques temps, difficile de ne pas soupirer en voyant Durant s’exprimer, et la façon avec laquelle il véhicule son image. Le lundi, ce seront les fans qui n’auront “aucune importance” dans les décisions des joueurs. Le mardi, ce sera un tweet absurde contre le Thunder, sur un faux compte mal dirigé en scred. Le mercredi, quelques injures supplémentaires sur le boulot des médias, ou bien le traitement apparemment léger auquel Michael Jordan a eu droit dans les années 90 (on y reviendra en détail). Pour toutes ces sorties publiques, et bien d’autres encore à venir, KD reste cet espèce d’extra-terrestre du basket, tantôt merveilleux sur le terrain, tantôt désespérant en dehors. La star la plus anxieuse du jeu moderne, comme certains aiment l’appeler du côté des States. Un sobriquet qu’on empruntera volontiers, le phénomène montrant une capacité quasi-schizophrénique à prendre des décisions douteuses avant d’agir inversement loin des caméras. Cette disposition pousse aussi le monde extérieur, aka nous, à envoyer des tomates à la gueule de l’ailier dès que l’occasion se présente : parce qu’il distribue lui-même les munitions, tout simplement.

Cependant, devant ces derniers propos liés au concept de leadership, une nouvelle porte s’est présentée. Une, à laquelle on a rarement eu accès depuis le 4 juillet 2016, mais qui est bien entrouverte grâce aux mots tenus par Kevin Durant. Cette porte, c’est celle de la compréhension et de l’acceptation. Une poignée qui glisse depuis des mois, tant l’intéressé a graissé celle-ci à coups de déclarations maladroites, mais pas pour cette fois. Peut-être qu’après tout, la vraie réussite qui attend KD, c’est celle de savoir qui est-il vraiment. Qu’après avoir emprunté tous les profils possibles et imaginables depuis une décennie, s’accepter tel qu’il est et l’assumer en public sera la clé de son véritable épanouissement. Car des titres et des statistiques affolantes, il les aura sans aucun doute. Et des proches l’entourant, afin de ne pas brusquer son sensible nid, il les aura également. Mais ne plus surjouer et s’accepter enfin tel qu’il est, c’est probablement la voie la plus terrifiante pour l’homme (pas le joueur). Probablement la voie la plus salvatrice aussi. Leader ? Certainement pas. Mais au lieu de laisser autrui le dire, il préférera l’assumer devant tout le monde. Dans cette immense usine qu’est la NBA, on impose souvent aux plus grands joueurs de se contorsionner pour entrer dans un moule déjà construit. T’es fort ? Bon, donc tu devras agir ainsi, te tenir ainsi, avoir tels propos, respecter tels principes, et interagir de telle façon. Non pas que cette métamorphose soit invivable, on parle quand même de joueurs qui vivent de leur passion et empochent des sommes folles en forçant deux sourires entre trois interviews. Mais dans le cas de Durant, peut-être avons-nous droit à une véritable exception. Et qu’au lieu de garder cela secret, Kevin a décidé de l’assumer pleinement, publiquement.

Peut-on apprécier sa posture ? Oui, certainement, chacun sa pensée à ce sujet. Mais peut-on l’accepter avec les joyeusetés quotidiennes réservées aux stars ? C’est là que ça grince. Car aussi anxieux soit-il, l’homme ne pourra être pleinement célébré ni serein en continuant à verser de la nitroglycérine en place publique. Dans cette quête perpétuelle de sécurité, KD se cherche encore, teste les limites de sa place dans la hiérarchie mondiale, renifle là où certains n’osent pas mettre le nez, pour voir comment les réactions s’enchaînent. Et face à celles-ci, les réponses de Durant sont souvent contradictoires. C’est cette zone d’ombre, à travers laquelle il passe actuellement, qui nous empêche tout simplement de savoir qui est Kevin Durant. Ce que l’on peut faire, de notre côté, c’est garder l’oeil ouvert pour observer les moments de clarté, ces petites pépites de véritable honnêteté, qui nous montreront le vrai visage de l’ailier. Des moments comme celui-ci, en s’assumant en tant que non leader. Et peut-être que, dans six mois ou moins, KD débarquera avec des propos totalement contraires, en s’estimant véritable leader des Warriors. Qui sait ? C’est là que le processus sera long, et à la fois intéressant à observer. Il a fallu du temps, par exemple, pour que LeBron trouve sa voie et accepte ce qu’il est, ce qui le rend véritablement heureux car en parfaite adéquation avec lui-même. Kevin ne le sait pas encore, mais il trouve des bases qui solidifient son cocon. Un joueur déjà complet, un homme qui l’est un peu moins : babysteps, en attendant la prochaine fournée choquante signée Durant.

Taper sur Kevin Durant n’est plus à la mode, c’est tout simplement devenu un exercice quotidien. Et si nous pratiquons ce sport comme nous l’avons et allons le pratiquer, il convient de parfois se poser sur des moments d’éclaircie. Non, KD n’est pas un leader, comme beaucoup de monde en NBA. Il y a juste une différence entre ceux qui l’assument clairement, et ceux qui se foutent un doigt dans l’oeil en voulant faire ce qu’autrui leur a demandé. Nouveau pas vers la paix intérieure, maintenant faut réduire sur les conneries tout autour.

Source : GQ