Le discours de Yao Ming au Hall of Fame entièrement traduit : finesse et humour, dans d’immenses mains de velours

Le 11 sept. 2016 à 10:07 par Bastien Fontanieu

Troisième dose de lecture, si vous n’avez pas encore feuilleté le discours d’Allen Iverson et celui du Shaq ! Celui qui a ouvert la cérémonie était aussi celui qui a offert le discours le plus simple, efficace et maîtrisé : la grande classe, le Yao.

Déjà qu’il est assez difficile d’ouvrir une soirée aussi prestigieuse que celle du Hall of Fame, le faire dans une langue à laquelle on ne sera jamais parfaitement habitué peut vite s’avérer compliqué. Mais face à ce challenge, l’immense pivot a répondu avec le sourire, beaucoup d’humour, simplicité et sincérité. Des mots justes et fins, sans en faire une tonne, quelques belles références et une timidité touchante. Bref, un beau discours, qui a coupé quelques mauvaises langues. Enjoy !

Wow. J’ai imaginé ce moment pendant longtemps, mais maintenant que je suis ici, je reste nerveux. Je peux vous le dire car la question m’a été posée encore et encore, comment tu te sens, quelles sont tes émotions ce soir, et je peux vous dire que je suis nerveux, surtout en étant observé par trois légendes de l’histoire de la NBA.

Monsieur Doleva, le comité exécutif du Hall of Fame, mesdames et messieurs, bonsoir.

Quand j’ai appris que j’allais devoir parler en premier ce soir, j’ai d’abord cru que quelqu’un avait fait erreur. Ne rigolez pas, c’est parce que je pense que cette place revient au grand Allen Iverson. Et pourquoi ? Car j’avais besoin de plus d’entraînement que lui (en référence à sa fameuse interview sur le ‘practice’).

Tout d’abord, j’aimerais remercier le Hall of Fame, pour m’avoir offert ce grand honneur. Votre reconnaissance a fait de cette soirée un des souvenirs les plus mémorables pour moi. Et bien que ma carrière s’est probablement arrêtée trop tôt, je garde précieusement en moi ces nombreux moments. Je suis fier du temps passé sur les terrains, et de l’honneur que représente ce soir.

J’aimerais remercier ceux qui m’ont accompagné jusqu’ici.

Bill Russell. Je n’oublierai jamais cette fois où vous m’avez invité à dîner chez vous, à Seattle, lorsque j’étais un jeune rookie. Ce soir-là, grâce à tous vos conseils, j’ai pu gagner en confiance et me sentir de plus en plus à l’aise dans un nouveau pays.

Bill Walton. Vous m’avez toujours soutenu. Vos conseils et vos encouragements m’ont beaucoup aidé, depuis mes débuts jusqu’à… je n’aime pas dire la fin mais disons jusqu’ici. Vous étiez le premier à m’appeler quand je me suis réveillé de mon opération au pied. Vous m’avez dit de rester positif, et je ne l’oublierai jamais.

Dikembe Mutombo. Je t’ai mis en dernier car, d’apparence, tu as l’air d’être le plus vieux des trois. On a joué ensemble pendant cinq ans, et j’ai tant de bons souvenirs, tant de bons souvenirs… sur comme en dehors des terrains. Rien ne pourra briser le lien qui nous unit, même malgré tous ces coups de coudes que tu m’as donnés à l’entraînement.

Comme vous le savez, je viens de Chine, et mon aventure sportive a commencé là-bas. Mes parents étaient basketteurs, dans les années 70. J’ai entendu tant de belles histoires à propos d’eux, la façon dont ils jouaient et à quel point c’étaient de bonnes personnes. Je suis chanceux d’être votre fils. Mais le cadeau que vous m’avez offert n’était pas seulement la taille, c’était bien plus que cela. Vous m’avez appris à bien réfléchir, et prendre les meilleures décisions. Bien évidemment, il y a aussi ce toucher sur la ligne des lancers, ce qui explique les 10,000 lancers que j’ai de moins que Shaq.

Ma femme, Li, est ici ce soir. Nous nous sommes rencontrés à l’époque du lycée. Tu sais à quel point tu comptes pour moi, merci d’être ma partenaire de vie. Notre fille Amy est un trésor que nous chérissons. Nous aurions aimé qu’elle soit là, mais c’est la semaine de la rentrée. Et elle doit également vivre avec les conséquences de choisir le foot plutôt que le basket. Oui, il faudra que je règle ça.

Mon aventure dans le monde du basket commença à l’arrière du vélo de mon coach, Li Zhangmin, lorsqu’il m’emmena à mon tout premier entraînement. Je voudrais le féliciter pour sa grande carrière, car il prend sa retraite cette année. Merci pour votre travail, tant de jeunes ont profité de vos efforts.

Li Qiuping, vous étiez mon coach aux Shanghai Sharks. Vous nous avez mené à notre seul et unique titre de champion CBA, avant que je ne m’envole pour la NBA. Vous avez tant sacrifié, cette année et toutes ces années, même à une période difficile où vous aviez perdu votre femme d’un cancer. Merci pour votre détermination, et pour nous avoir jamais abandonné.

J’aimerais remercier la ville de Shanghai, les Shanghai Sharks et la CBA pour avoir tout fait afin de me préparer. Vous m’avez éduqué, entraîné et aidé pour que je sois prêt face aux futurs challenges de ma vie.

Il existe un dicton ancien en Chine, qui dit que si le miroir est fait de bronze, une personne s’habillera comme il se doit. Si le miroir est l’histoire, une personne pourra prédire le bien comme le mal. Et si le miroir est le peuple, une personne pourra déceler les forces ainsi que les faiblesses. J’aimerais donc mentionner plusieurs miroirs de ma vie à présent.

Je souhaite mentionner Mr. Mou Zouyun. C’était une légende du basketball chez moi. Il y a plus de 80 ans, Mr. Mou est venu ici à Springfield afin d’étudier le basketball. Après ça, il est rentré en Chine et a passé sa vie à vouloir développer le sport dans son pays. Aujourd’hui, le trophée de champion porte son nom, et le soulever est un rêve que tous les joueurs de CBA portent en eux.

Je ne suis pas le premier Chinois à avoir joué en NBA. Cet honneur revient à Wang Zhi Zhi. C’était un pionnier pour tous les joueurs chinois qui rêvaient de jouer en NBA. Il a dégagé la route pour nous tous et a réalisé tant de sacrifices. J’ai beaucoup appris de lui, et même s’il ne peut pas être là ce soir, je tiens à le remercier.

Beaucoup de personnes connaissent l’histoire entourant mon arrivée à Houston en 2002. Mais peu savent à quel point les Rockets se sont donnés avant mon arrivée et tout au long de ma carrière. Merci Les Alexander, Michael Goldberg, Carroll Dawson, Tad Brown, Daryl Morey et Keith Jones, pour avoir fait en sorte que je me sente comme à la maison à Houston.

Quand je suis arrivé à Houston, pour mon tout premier jour, Steve Francis m’a fait un énorme check et donné un grand calin. Steve a été le grand frère parfait pour moi depuis ce jour. Cuttin Mobley m’a invité chez lui pour essayer ce qu’il appelait la “soul food.” Je voudrais m’excuser pour mon faible anglais de l’époque, je croyais qu’il voulait dire “salty food” (nourriture salée), ce qui m’avait pas mal confus. Merci Steve, Cuttino, et tous les joueurs de mes premières équipes à Houston, pour m’avoir montré votre accueil.

Rudy Tomjanovich est connu pour avoir dit, “ne sous-estimez jamais le coeur d’un champion.” Rudy a non seulement montré sur les terrains, mais il l’a aussi fait en dehors, surtout dans sa bataille face au cancer. Rudy, tu m’as toujours poussé à devenir le meilleur homme possible.

Quand Jeff Van Gundy est arrivé avec Patrick Ewing et Tom Thibodeau, ce staff nous a transformé en une grande et dure équipe défensive, comme il l’a toujours fait. Avec T-Mac, Shane Battier et Rafer Alston, nous sommes devenus une jeune équipe talentueuse, surtout avec Dikembe. Non seulement elle était compétitive, mais elle était en plus fraternelle. Je me souviendrais toujours du jour où Coach Van Gundy m’avait dit, “la meilleure opportunité peut aussi être la dernière.” C’est une phrase si pertinente, au basket comme dans la vie.

Mon dernier coach en NBA était Rick Adelman. Il nous a aidé à développer de très bons joueurs comme Carl Landry, Luis Scola et Aaron Brooks. On a eu un bon run en 2008 et 2009, mais malheureusement mes blessures ont mis rapidement fin à tout cela et le chapitre avec les Rockets toucha à sa fin. Je me souviendrais toujours de ces moments vécus avec les Houston Rockets, comme étant parmi les meilleurs moments de ma vie.

En tant que basketteur, j’étais un des joueurs les plus bénis de la planète. J’ai joué contre certains des meilleurs athlètes au monde. Et un grand athlète n’a pas que de grands coéquipiers, il a aussi de grands adversaires. Des adversaires qui vous poussent à tout donner. Des adversaires comme Shaquille O’Neal. Shaq, chaque fois que j’ai joué un match contre toi, c’était l’occasion de me souvenir que “ce qui ne te tue pas te rend plus fort”. Et je te remercie pour cela.

Je considère Houston comme étant mon second toit, j’aimerais donc dire quelque chose aux habitants de cette ville. Vous êtes restés à mes côtés, dans les bons comme les mauvais moments, vous m’avez donné tant de force pour aller de l’avant. Je vous considérerai toujours comme ma famille, je suis un Texan et un membre des Rockets pour toujours.

Tout ceci ne serait pas possible sans la vision de David Stern et de la NBA. Merci David Stern, Adam Silver, Kim Bohuny et tous les gens de la NBA, pour leur gentillesse et leur soutien.

Enfin, à ma Team Yao… On a tous l’air bien plus vieux et plus gras que le jour où nous nous sommes rencontrés.

Mesdames et messieurs, j’aimerais rendre hommage au Dr. James Naismith, ainsi qu’aux 361 autres membres du Hall of Fame, et tous ceux qui ont contribué à développer le basket dans le monde entier lors de ces 125 années.

Toutes ces individualités sont des étoiles qui… veuillez m’excuser pour mon anglais. Toutes les étoiles forment une galaxie dans l’univers du basket. Ce jeu a inspiré des millions de gens autour du monde. En faisant partie de ces personnes, je ferai ma part du boulot en continuant à développer ce magnifique sport, et nous sommes tous impatients de voir les stars de demain qui émergeront pour briller.

Merci à tous, pour ce grand honneur.