Le fabuleux destin du millésime 96 – Jermaine O’Neal : bien plus qu’un coup de poing au Palace

Le 08 sept. 2016 à 16:30 par David Carroz

Jermaine O'Neal Draft 1996

On parle beaucoup de la Draft de 1984 ou de sa petite soeur de 2003 en termes élogieux, comme les meilleures que la NBA ait pu connaître. Pourtant, intercalée entre ces deux générations dorées, une autre cuvée a son mot à dire. Avec 18 titres de champion, 2 MVP des Finales, 4 MVP de saison régulière et 10 All-Stars, la classe 1996 mérite toute notre attention. Ce millésime – qui vient de voir son dernier représentant tirer sa révérence avec un feu d’artifice à 60 points – fête donc cette saison les 20 ans de son arrivée dans la Ligue. Et, force est de constater que ces gars ont non seulement brillé sur les parquets mais aussi grandement contribué à changer le visage de la NBA. Pour le meilleur ou le pire, n’est-ce pas monsieur Stern ?

On ouvre le bal avec Jermaine O’Neal, gamin de Caroline du Sud qui a débarqué dans la Grande Ligue sans passer par la case fac pour devenir finalement multiple All-Star et s’approcher même du titre de MVP en 2003-2004. Avant de réussir la transition du statut de star à celui de vétéran d’une équipe, même si les blessures ont freiné son impact en fin de carrière.

Rookie Origins – Domination à la fac et grand saut malgré les avis contraires

Comme Kobe Bryant cette année-là, Jermaine O’Neal brille sur les parquets de High School. Si celui qui deviendra le “Black Mamba” s’éclate en Pennsylvanie, c’est en Caroline du Sud sous le maillot des Shamrocks d’Eau Claire que l’intérieur fait sa réputation. Alors qu’il avait développé un solide jeu extérieur en jouant arrière, les 13 centimètres pris en 18 mois à la fin de sa première année de lycée, l’ont poussé à glisser dans la raquette et s’imposer près du cercle. Fan du jeu d’Hakeem Olajuwon et des duels que Bill Russell livraient en défense face aux meilleurs pivots adverses, il façonne son jeu. Tout n’a pas été facile et il a dû bosser dur pour coordonner ses mouvements, mais il tiendra le pari tenu à son coach, George Glymph : il sera bien le meilleur joueur qu’il aura eu sous ses ordres à Eau Claire. Si sa domination a de quoi impressionner plus d’un recruteur, elle n’empêche pas les critiques sur son choix de se présenter à la Draft 1996 sans aller faire ses gammes en NCAA. Si ses qualités athlétiques et son jeu dans la raquette attirent, son manque de poids et son inexpérience rebute. Avec des propos parfois durs qui lui sont  adressés quant à son choix. Mais le jeune homme n’en a cure : pour lui, ça sera la NBA et rien d’autre, malgré les conseils de son coach. Appât du gain ? Certainement que cela pèse dans la balance pour un gamin qui a grandi sans père et dont le grand frère taffait en plus du lycée pour payer des pompes à Jermaine. Sans compter que Jermaine O’Neal n’a pas un goût prononcé pour les études et qu’il a eu devant les yeux ou presque, l’exemple d’un Kevin Garnett, intérieur longiligne venu de Caroline du Nord, être choisi en cinquième position de la Draft par les Wolves quelques mois plus tôt et réussir ses débuts chez les pros. Pourquoi donc attendre ? Surtout après un McDonald’s All American conclu par 21 pions, 10 prises et 7 crêpes en seulement 27 minutes. Dans la lignée de son année bouclée avec 22,4 points, 12,4 rebonds et 5,2 contres par rencontre qui lui vaudront d’être élu dans la All-State First Team, nommé meilleur basketteur de l’année en Caroline du Sud et lui permettre de recevoir le titre de “Mr. Basketball”. Tiens, on allait oublier aussi sa place dans la All-USA Basketball Team de USA Today. Bref, une petite année 1996 pour Jermaine, annoncé en fin de premier tour dans les différentes Mock Draft.

Rookie Year – Apprentissage difficile mais précieux

Le jour J, pendant que David Stern égraine les noms les uns après les autres à East Rutherford dans le New Jersey, Jermaine O’Neal est resté à Columbia, avec ses proches. Et s’entend appelé par le commissionnaire en dix-septième position, lorsque les Portland Trail Blazers décident de miser sur lui. Il faut dire que douze mois plutôt, le Président et General Manager de la franchise de l’Oregon, Bob Whitsitt, avait tout fait pour mettre la main sur un autre jeunot issu de High School, Kevin Garnett, en vain. Un amour des lycéens qui date pour Bob puisqu’il avait aussi été à l’origine de la Draft de Shawn Kemp par les Sonics, au… dix-septième choix en 1989.

Lors de cet été 1996, Whitsitt doit tenter d’insuffler une nouvelle dynamique à des Blazers qui n’ont plus passé le premier tour des Playoffs depuis quatre ans et leur défaite lors des Finales NBA face aux Bulls. Clyde Drexler out, c’est autour du rookie trentenaire Arvydas Sabonis, de l’habitué de la maison Clifford Robinson et du meneur sous estimé Rod Strickland que Portland a construit ses 44 succès en 1996, insuffisants donc pour avoir de vraies ambitions. C’est ainsi que les mouvements estivaux visent à redonner de l’influx au roster en préparant l’avenir, et le potentiel de Jermaine O’Neal – qui sera encadré par le pivot lituanien mais aussi le nouvel arrivant Rasheed Wallace et Uncle Cliff’ – rentre parfaitement dans cette politique. Même Chris Dudley qui joue les doublures poste 5 et Gary Trent – autre intérieur drafté par Portland l’année précédente – doivent passer devant l’adolescent issu de Caroline du Sud. Pas de pression immédiate donc, surtout quand le rookie doit manquer une grosse quinzaine de matchs pour débuter la saison à cause d’une blessure au genou. A 18 ans et 22 jours, il fait ses débuts sur le terrain des Nuggets, devenant ce jour-là le plus jeune joueurs à fouler un parquet NBA. L’occasion pour lui de convertir son seul tir tenté et boucler ses trois minutes avec 2 points et une faute. Bien entendu, Jermaine O’Neal sortira de meilleures prestations au cours de la saison, mais il devra surtout se contenter de miettes et de garbage time au cours des 45 rencontres qu’il dispute. Il le sait, il est là pour apprendre et ne bronche pas, bouclant son premier exercice avec 4,1 points à 45,1%, 2,8 rebonds et 0,6 contre en 10,2 minutes, tandis que les Blazers remportent 5 matchs de plus que la saison précédente, tout en se faisant une fois de plus éliminer au premier tour des Playoffs. Pour Jermaine O’Neal, les All-Rookie Teams sont loin, tout comme l’impact d’un Kevin Garnett à ses débuts, mais c’est sur le long terme qu’il sera jugé. Une affirmation confirmée par les propos de Whitsitt à son sujet :

Quand on l’a drafté, personne n’avait entendu parler de lui à Portland. Il n’y avait aucune attente comme quoi il devait débarquer et devenir “le mec”, donc c’était plus facile pour le développer et le faire grandir. On lui a donné en quelques sortes son expérience universitaire.

Un apprentissage de la vie dans le monde des adultes, loin de sa mère, loin de sa Caroline du Sud natale. C’est d’ailleurs cette séparation qui est la plus difficile et qui s’ajoute à la tâche ardue de découvrir le monde des pros directement après le lycée, surtout pour un Jermaine O’Neal qui se montre timide devant ses coéquipiers. Compréhensible, mais également impactant au moment de faire son trou dans un effectif. Peu importe, à 18 ans, l’intérieur a des belles années devant lui, et sa saison rookie n’est qu’une première marche sur l’escalier de sa carrière qui montera bien plus haut.

Petit rookie deviendra grand – Multiple All-Star et un fight club

Lorsqu’on évoque Jermaine O’Neal, les moralisateurs nous parlent de “Malice at The Palace”, tournant qui marque finalement la fin de l’ascension de J.O. Mais se limiter à cette image peu glorieuse du joueur glissant en tentant de balancer un coup de poing à un fan qui s’était pointé sur le parquet lors de cette terrible soirée est tellement réducteur pour ce véritable talent du début des années 2000. Sans compter que cet accroc ne doit pas faire oublier que quelques mois plus tôt, l’intérieur des Pacers terminait troisième au vote pour le titre de MVP 2004 derrière Kevin Garnett et Tim Duncan, faisant ainsi plus que confirmer son titre de Most Improved Player de 2002, acquis lors de seconde saison dans l’Indiana dans une franchise qui lui a offert le temps de jeu que son potentiel réclamait après ses quatre ans d’apprentissage dans l’Oregon. Dans le même temps, il obtenait également le Magic Johnson Award qui récompense l’excellence sur le parquet mais aussi en dehors, avec les médias et le public. On est bien loin du cas social Ron Artest. C’est aussi un mec qui a accepté d’aller poser son cul sur le banc alors qu’il aurait pu battre le record du nombre de points marqués sur un match par un joueur des Hoosiers, laissant ainsi Reggie Miller – alors son coéquipier – préserver sa place dans l’histoire de la franchise.

Au final, ce sont 6 participations au All-Star Game – plus que n’importe quel joueur des Pacers de l’histoire en attendant Paul George et devant Reggie Miller – qui viennent ponctuer la carrière de Jermaine O’Neal, mais aussi la réputation d’un mec qui a su gérer avec brio le passage de star à celui de vétéran qui donne un coup de main sans broncher, encadrant en particulier Chris Bosh chez les Raptors ou tentant de soutenir Dwyane Wade au Heat, avant de s’offrir des piges aux Celtics et aux Warriors, sans le moindre titre au bout. Alors oui, les blessures ont accéléré ce processus de prise de recul au sein d’un effectif et probablement privé J.O. d’une carrière encore plus accomplie, mais son bilan reste celui d’un bon joueur qui aura contribué à sa façon à ce que la NBA assure l’après Michael Jordan, à l’image de cette promotion 1996, avant de passer le relais à la génération 2003. On retiendra ses contres mains gauches et cette capacité à se battre des deux côtés du parquet, ainsi que ses moves au poste. Finalement, elle est loin l’image de l’adolescent qui pouvait paraitre paumé en débarquant chez les pros.

Stats en carrière :

13,2 points à 46,7%, 7,2 rebonds, 1,8 contre et 1,4 passe en 27,1 minutes durant 1011 matchs dont 697 en tant que titulaire

Palmarès :

  • MIP en 2002
  • 3ème au vote de MVP en 2004
  • Meilleur au nombre total de contres sur une saison en 2001
  • All-Star à 6 reprises
  • 2 All-NBA Third Team
  • 1 All NBA Second Team

Source image : Youtube, montage @TheBigD05

Source vidéo : Youtube, chaine NBA