Ann Meyers, la légende vivante : retour sur le jour où cette héroïne du parquet signa un contrat… en NBA

Le 05 sept. 2016 à 19:02 par Tarik

Durant les seventies, époque de libération des codes, une joueuse était si forte qu’elle signa un contrat avec les Indiana Pacers. Oui les Pacers, pas les Fever qui n’existaient pas encore (franchise WNBA crée en 2000). Focus sur Ann Meyers, une joueuse hors du commun…

“Annie a été l’un des meilleurs joueurs de basket-ball de tous les temps.
Je ne dis pas homme ou femme. Je dis de tous les temps.” – Bill Russell

Cette simple citation de l’homme le plus bagué de l’histoire suffirait à classer Ann Meyers. Ce qui ajoute du sel à son histoire, c’est que cette californienne d’1m75 pour 60 kg n’était pas un monstre physique comme pouvait l’être Cheryl Miller (autre légende féminine, soeur de Reggie Killer, et première joueuse à mettre 100 points dans un match) Non. Ann Meyers, elle, était une arrière plutôt frêle qui caressait la balle orange.

Après des débuts sublimes en high school où elle devient, en 1974, le premier lycéen (femmes et hommes confondus) à recevoir une sélection nationale, elle reçoit une bourse grâce au basket pour s’inscrire à la fac, devenant également la première à en bénéficier. À cette époque déjà, la jeune Ann ne manque d’invitations pour venir mêler son jeu à celui des garçons, elle joue l’été avec l’équipe masculine, décroche même une place dans l’équipe mais préfère poursuivre son chemin dans sa catégorie. En 1976, elle est médaillée d’argent aux Jeux de Montréal puis s’engage avec UCLA. Elle y reste trois ans, jusqu’en 1979, et donne l’impression de mettre tout le monde d’accord, concurrents et observateurs. En 1978, elle pose le premier quadruple double de l’histoire de la NCAA : 20 points, 14 rebonds, 10 passes, 10 interceptions, et emmène ses Bruins au titre national, après avoir été sacrée College Player of the Year. Niveau amateur, Ann a fait le tour de la question et veut passer aux choses sérieuses. Alors quand elle apprend qu’elle a de nouveau l’occasion de s’essayer au jeu masculin, elle n’hésite pas longtemps.

En septembre 1979, au sein du Hinkle Fieldhouse, la presse nationale se bouscule pour assister à la démonstration tant attendue. Au menu, une rencontre entre les nouvelles recrues de la franchise. Au milieu des rookies et autres 10 days contract potentiels (tous hommes) Ann Meyers est là. Quelques jours plus tôt, le 5 septembre de la même année, les Pacers lui ont fait signer un contrat de 50 000 dollars, l’heure n’était donc pas à la déconne. Dans la meilleur forme de sa vie, chaussettes blanches remontées jusqu’aux genoux, Meyers se sent prête à en découdre. Aucune femme n’était parvenue à arriver jusque là. Sa participation au training camp des Pacers avaient fait grincer des dents et plusieurs criaient au canular. Il n’en était pourtant rien. Les Pacers ont vraiment décidé de tester la jeune femme pour son basket, sans arrière pensée commerciale (quasi-inexistante à l’époque). Meyers en avait conscience :

Je n’y allais pas pour me mettre dans l’embarras ou mettre les Indiana Pacers dans l’embarras. Ce n’était pas mon but. J’ai joué au basket toute ma vie, j’ai été élevée de cette façon. Donc dès le premier jour, je savais ce que je faisais… J’étais nerveuse, mais je crois que ces gars l’étaient plus que moi ! Il y avait cette femme qui était là, en compétition avec eux pour jouer en NBA.

La situation devait être effectivement plus compliquée à gérer pour les hommes que pour cette femme qui a grandi dans une famille de onze marmots composée en majorité de garçons, qu’elle affrontait depuis son enfance. Les premiers matchs du camp sont logiquement tendus, les gestes un peu hésitants, puis devant le talent évident de la gamine qui jouait comme si sa vie en dépendait, les mecs se sont libérés. Au bout de trois jours de work out, les premiers départs sont annoncés, Ann n’en fait pas partie. Elle est maintenue pour la suite du camp, devant six joueurs coupés par la franchise. La différence physique se fait alors sentir sur certaines séquences, notamment défensives, mais en attaque elle se régale. Sa soeur ainée, qui était pivot titulaire de la “Cal State Fullerton Team” championne nationale en 1970, commentait ainsi sa tentative : “Elle avait le talent pour s’asseoir sur n’importe quel banc NBA (…) Elle n’avait juste pas la taille pour s’imposer” avant d’enchaîner, “malgré cela, elle peut jouer sur les cinq postes. Très peu de gens sont capables de faire ça”, puis d’expliquer que toute sa famille en pensait autant, à l’exception peut-être de Dave, le grand frère qui avait tantôt joué en NBA : “Était-elle assez bonne pour le faire? Il savait qu’elle l’était. Mais vous savez, les hommes sont plus forts que les femmes. Avec son petit gabarit, elle faisait un peu flipper au milieu de ces gars. C’est la vérité.” Si Ann Meyers n’a pas été retenue pour la suite, ce n’est en tout cas pas une question de talent. Le coach Bobby ‘Slick’ Leonard restait très élogieux à son sujet : “Les gars l’ont acceptée comme un autre joueur et je vous dis qu’elle était bien. Elle était très bien. Nous avons eu un groupe de gars qui sont venus s’essayer et elle était meilleure que tout un tas d’entre eux. Quand le coach la convoque pour lui signifier que l’aventure s’arrête là, ce fût non sans douleur. “Je l’ai coupée comme tout autre joueur, mais je me sentais mal à ce sujet parce qu’elle avait fait un excellent travail. Je suis fière d’elle”. À la fin de l’entretien, Meyers sourit, remercie le coach puis rentre à l’hôtel où elle s’écroule en pleurant. Joueuse de grand talent, professionnelle jusqu’au dernier instant.

Après avoir été commentatrice pour ESPN, NBC, ABC, FOX et CBS (en clair tout le monde), elle est aujourd’hui vice-présidente des Suns de Phoenix et des Phoenix Mercury. Lorsqu’elle revient sur cet épisode historique, Ann Meyers évoque ce choix d’intégrer une franchise NBA comme étant le “meilleur de sa vie”.

Source : Indystar.com

Source image : Youtube.com