Le départ de Dwyane Wade à Chicago : zoom complet, sur un carrefour qui était une impasse

Le 07 juil. 2016 à 05:19 par Bastien Fontanieu

Les plus fidèles fans sèchent encore leurs larmes, les plus choqués des passionnés se frottent encore les yeux en tentant de comprendre ce qui vient de se passer. Comment le Heat et Dwyane Wade ont pu en arriver là ? Zoom, un peu à chaud, sur les coulisses d’une affaire qui sentait clairement pas bon.

Puisque le format opéré sur l’affaire Durant a eu l’air de plaire à certains, on va repartir sur le même schéma mais en adaptant un peu à la situation actuelle. Moins d’éléments de réflexion, moins de choc rationnel compte-tenu de la préparation de ces derniers jours, voyons les quelques affirmations qu’on peut avancer et qui nous permettraient de mieux digérer cette bombe H déposée en plein Sud-Plage.

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# Je ne comprends pas ce qui vient de se passer, ma vie est un champ de ruines.

  • C’est normal. On vient d’assister au départ, peu attendu, d’un des meilleurs arrières de l’histoire, qui a passé l’intégralité de sa carrière sous un seul maillot. Il va falloir s’y faire, accepter ce deuil, et aller de l’avant, en prenant son temps. Pas d’émissions de télé ni de poème pour annoncer ce départ, simplement une situation contractuelle et un désaccord qui ont mené à cette explosion médiatique. Oui, le départ de Wade est choquant. Non, ce n’est pas sans y voir de nombreux éléments rationnels, et qui pourront expliquer cette réalité troublante aujourd’hui.

# Sérieusement, Pat Riley est vraiment un crevard, il aurait pu filer le max à Wade.

  • Well, dans un monde où il n’existe aucun salary cap et les Bisounours représentent les forces de l’ordre, oui en effet on peut dire que le boss de Miami est un crevard. Sauf que la situation dans laquelle nous sommes n’est pas tout à fait celle-là, et l’ancien était vraisemblablement coincé dans sa tanière. Pour faire simple, disons qu’avec un salary cap fixé à 94 millions, Patoche devait jongler avec une réalité peu aisée : celle d’avoir uniquement 5 joueurs sous contrats dont 1 dans une situation compliquée en Chris Bosh. Et ce quintet représentait combien ? Plus de 68 millions de dollars pour l’année à venir. Vous voyez où on veut en venir, Riley avait 26 millions pour (1) satisfaire Wade, (2) signer 6 autres joueurs minimum et (3) rester une équipe compétitive pour pouvoir attirer du gros poisson en 2017. Hormis payer tout le monde en ticket CROUS, il n’y avait pas 36.000 solutions. Et face à ce dilemme, le gominé et Micky Harrison ont d’abord souhaité offrir un salaire raisonnable à Flash, mais le mal était déjà fait. Dwyane voulait obtenir son chèque, se faire respecter, les Bulls ont mis les pieds là où il fallait.

# Donc vous dites que c’est Dwyane Wade en fait, le gros crevard dans cette affaire.

  • Non, il n’y a pas un camp qui a tort et un qui a raison. Ce sont deux groupes qui avaient des envies, des intérêts, et devaient gérer leur business. On vient de parler de Riley, qui doit impérativement maintenir Miami dans une disposition compétitive, peut-on vraiment dire qu’il aurait fait son boulot en surpayant un joueur certes légendaire mais sur la pente descendante ? Non. Quant à Wade, pareil pour lui, difficile de le pointer du doigt. Car après une saison fabuleuse et des Playoffs de rêve, le mec voit (1) LeBron remporter un titre dans sa région natale, (2) tout le monde penser à son business dont Kevin Durant, (3) Dirk choper 20 millions la saison à Dallas dans un modèle similaire et (4) le Heat faire passer un gars comme Hassan Whiteside devant lui au niveau des priorités. Oui, Wade a certainement mal pris sa place dans la hiérarchie et c’est parfaitement compréhensible, on peut le pointer du doigt et le faire passer pour un crevard, mais dans un virage pareil et où Dwyane sentait qu’il allait une nouvelle fois devoir s’écraser pendant que tous ses potes se faisaient plaisir, la pilule n’est pas passée.

# Du coup, ce n’est qu’une putain de question de dollars.

  • Il y a un peu de ça, mais pas totalement. Après tout, on pourrait ne parler que de thunes et dire que Wade aurait dû faire un effort. Tiens, par exemple, ce scénario. L’an prochain le salary cap reprend 20 millions de plus dans sa gueule, ce qui aurait permis au Heat de payer Dwyane grassement. Pourquoi ce schéma n’a-t-il pas été validé ? Pour des raisons qu’on ignore encore actuellement, mais qui font aussi place à un aspect fondamental de cette histoire : l’égo. Le patron en Floride, qu’on le veuille ou non, c’est Riley. Il a dit non à LeBron, et LeBron est parti ailleurs. Il a dit non à Wade, et Wade vient de partir ailleurs. Cette figure dominante était agréable à avoir à ses côtés quand on se penche dans le rétroviseur de Flash, jusqu’à ce que sa mainmise sur toutes les décisions et sa capacité à ne jamais flancher fasse déborder le vase. Quand vous enchaînez les concessions et qu’on vous en redemande, il y a une part d’égo qui pète un plomb : normal, après tout ce que Dwyane a fait à Miami, anormal, quand on sait l’amour que Wade avait pour sa loyauté envers Miami.

# Bon donc si j’ai bien compris, ce sont deux grosses têtes qui ne s’entendaient plus et…

  • … et des détails qu’on ne connaît pas encore, qui vont ressortir dans quelques jours. On vient de le mentionner, Riley est une sacré personnalité qui peut être dure à affronter, d’autant plus sur l’aspect business. Mais s’il faut aussi zoomer sur un dossier qui a été super mal géré, c’est celui de Chris Bosh. Payé plus de 23 millions de dollars la saison prochaine, l’intérieur a passé ces derniers mois en conflit avec le Heat, concernant sa situation médicale. Lui souhaitait continuer à jouer, sans avoir de véritable feu rouge de la part des docteurs.La franchise était bien moins chaude, surtout qu’en obtenant un certificat officiel indiquant la non-aptitude de Bosh à pouvoir jouer sans danger, Riley aurait pu faire passer le salaire de Chris hors de la taxe. Mais en n’arrivant pas à trouver de solution à cette affaire, le patron s’est retrouvé avec un joueur de type point d’interrogation pour la saison prochaine, un salaire énorme sans certitude sportive, et un ancien qui venait de tout défoncer et souhaitait lui aussi sa part du gâteau. Pour nourrir tout le monde, il fallait faire un choix et c’est Wade qui a trinqué. Le dossier Bosh est loin d’être bouclé, et celui-ci pourrait hanter les fans de Miami pendant de longues années…

# Mais alors pourquoi Chicago en fait, y’a quelque chose de pas très logique.

  • Le côté illogique, c’est parce qu’on se focalise sur la présence de Jimmy Butler et de Rajon Rondo, l’un étant potentiellement transféré et l’autre venant d’arriver. Qu’on se le dise tout de suite, Wade va être accueilli comme l’enfant-roi au United Center, et c’est là aussi qu’il y a un ingrédient à ne pas oublier. Flash vient de passer ses vacances avec LeBron, un monstre de basket qui vient de mener sa ville à un titre. En ayant grandi dans l’Illinois, que peut-on demander de mieux à Dwyane que de définitivement rentrer à la maison, si c’est possible, et que le Heat pousse vers la porte de sortie ? Avant d’être des athlètes, ces gars sont des humains, des pères aussi. Et Wade vit avec une compagne qui apprécie les grands marchés, tout comme lui en tant que businessman. Retourner à Chicago, comme il l’a immédiatement expliqué à quelques proches, c’est retrouver sa casa et essayer de ponctuer sa carrière avec une nouvelle belle histoire. On le répète, car certains ne l’ont pas compris hier. Bienvenue en 2016 ! L’époque des gars qui restent toute leur carrière dans une équipe n’est plus d’actualité, certains continueront à le faire mais d’autres s’enfonceront dans cette mode, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas.

# Bon, je vais donc prendre mon maillot de Wade, et je vais le brûler sur le champ.

  • Et à ce moment-là, t’as vraiment rien capté. De toute l’affaire. Car on ne parle pas d’un homme qui voulait quitter Miami, on parle d’une impasse financière, d’un tunnel contractuel, qui aurait même pu se finir à Milwaukee ou à Denver les gens. Si vous bossez depuis 13 ans pour la même boîte, que vous vous défoncez comme un âne et que votre boss continue à refuser une augmentation, on ne va pas dire que Wade galère à finir ses fins de mois mais ça peut vite vous soûler. Et pareil pour ceux qui veulent brûler une photo de Pat Riley. Si vous vous considérez comme des Heat Lifers à crier Dos Minutos même quand vos pâtes sont au micro-ondes, vous savez très bien que le gominé a fait ça pour le bien-être de sa franchise et sa compétitivité. Cette saison sera peut-être bizarre, mais bonjour la flexibilité du Heat si tout se goupille bien et que Patoche nous trouve une solution comme il a l’habitude de le faire. La technique est certes hardcore, mais on sait depuis fort longtemps que sentiments et business ne font jamais bon ménage.

# J’arrive pas à comprendre la logique des Bulls, ce back-court est… incompréhensible.

  • On va le répéter là aussi, une dernière fois : Gar Forman + logique = ça suffit. Le General Manager des Bulls enchaîne les décisions intelligentes, et il vient de nous créer le duo meneur-arrière le plus maladroit à distance de ces 15 dernières années. Et encore, on est gentils. Il y a certes un aspect identitaire qui est fort en récupérant Flash, mais ce n’est certainement pas avec cette équipe que soudainement on va placer Chicago au top de l’Est. Aux dernières nouvelles, Rondo n’a toujours pas de tir extérieur, Fred Hoiberg n’a toujours pas d’autorité, Jimmy Butler n’a toujours pas de capacité à s’entendre avec tout le monde et tout ce beau bordel doit retourner en Playoffs. On valide le potentiel excitant, car tout ceci est neuf, mais s’il faut commencer à parler basket sur cette décision, revenez nous voir en septembre car jusque là on se marrera un bon coup.

# Et donc à Miami on va tout miser sur Whiteside, c’est super ça.

  • C’était la règle du jeu, même si de nombreux fans la découvrent aujourd’hui. Conserver le géant, c’était potentiellement se mettre à poil devant la possibilité de perdre le meilleur marqueur de son histoire. C’est fait, maintenant t’enchaînes. Et t’enchaînes assez bien, car tu gardes le duo Dragic-Whiteside, en comptant sur la paire Richardson-Winslow pour progresser à fond. Cela ne sera peut-être pas funky ou aussi rassurant que quand le numéro 3 s’attachait à l’arceau avant chaque match, mais voyons voir la gueule de Forman l’été prochain et voyons celle de Riley, lorsqu’il aura des gars comme Westbrook disponibles sur le marché. Oui, Hassan sera au centre des attentions et ça sera compliqué pour Spoelstra de gérer une telle girouette, mais tel était le pari à prendre pour avancer en restant flexible.

# On ne reverra plus jamais Wade et James jouer ensemble, fuck.

  • Déjà, si vous pensiez que cela allait se faire, c’était une première bonne blague. Les Cavs avaient 18 millions de dollars sous le cap et devaient payer LeBron… et Dwyane ? La drogue, c’est mal. Non, sérieusement, la piste Flash était faite pour le buzz, jamais LBJ allait accepter quelconque minimum salarial et Wade savait ce qu’il voulait. C’était rester à Miami en cas d’effort majeur de Riley, ou bien partir pour Chicago quel que soit le deal. Par contre, vu comment les deux zozos sont filous, n’excluez pas une réunion un peu plus tard dans leur carrière, ça serait la cerise sur le gâteau pour deux copains qui auront tout donné ensemble comme en séparés.

# Le gagnant dans cette affaire, on peut difficilement le trouver.

  • Clair qu’il est difficile à pointer du doigt. On a envie de dire la boutique officielle des Bulls, qui va vendre du 3 à foison au United Center. On a également envie de parler de Tyler Johnson qui va du coup probablement prolonger au Heat, ou quelconque type qui sera signé à la bourre par Riley, sans mentionner Winslow propulsé sur le devant de la scène. Mais le véritable gagnant en fait, c’est ce foutu CBA qui continue à nous jouer des tours avec le non-contrôle de cette énorme injection financière suite aux droits télés. Aucune franchise n’a été capable de sereinement gérer cette explosion du salary cap (hormis GS), et le Heat est le dernier à douiller dans cette histoire.

# Par contre, le perdant dans cette affaire…

  • Les fans du Heat, dans leur quasi-intégralité. On ne sait pas quoi dire ou faire pour les rassurer au réveil, mais on leur souhaite bon courage car ce genre d’image doit être terrible à regarder pour la première fois. Wade qui part de Miami sans qu’un moment de deuil soit préparé, sans véritable anticipation psychologique, c’est une douleur vive et qui mettra longtemps à se cicatriser. Allez parler avec les fans du Thunder, vous pourrez probablement vous entendre sur deux trois sujets. On a aussi envie de dire que les perdants sont les ramasseurs de balles de Chicago, car entre Wade et Rondo sans déconner va falloir mettre de la mousse sur le plexiglas.

# Et vous, vous auriez fait quoi pour éviter ça ?

  • Facile à dire, assis sur une chaise à des miliers de kilomètres de tout ça, sans avoir vécu ce que Wade et Riley ont vécu, sans connaître tous les détails de cette affaire. Mais honnêtement, avec un cap qui allait prendre 20 millions l’an prochain, les deux patrons auraient pu serrer les dents encore une petite saison supplémentaire. Et grâce à cet effort, peut-être que Patoche aurait enfin filé sa promotion à Dwyane. Peut-être que le Heat aurai pu mieux recruter que cela. Peut-être, peut-être, peut-être. On préférera regarder des vidéos de Flash à Miami, car là il n’y a pas de peut-être pour dire qu’il va nous manquer…

Source image : CMGDigital


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