La lettre de Kevin Durant : un texte aussi marquant que troublant, dont les fans se souviendront

Le 05 juil. 2016 à 04:35 par Bastien Fontanieu

Kevin Durant

C’est ce lundi que l’ailier du Thunder a annoncé sa décision, celle qui résonne encore dans la tête de nombreux passionnés et représentera le sujet premier de discussion cet été : un message écrit sur The Players’ Tribune, sorte d’au revoir rempli d’interprétations.

La méthode est devenue aussi pratique qu’à la mode dans la Ligue, pour des joueurs qui manquent souvent d’espaces libres afin de s’exprimer sans se faire fusiller. Sur ce site qu’on pourrait étiqueter comme un carnet intime pour athlète médiatisé, de nombreuses déclarations avaient été rédigées par le passé et on savait que KD souhaitait y gratter quelques lignes. Kobe Bryant avant lui, Mike Conley plus récemment, chacun y voyait son propre playground, sa petite page blanche personnelle, permettant aux plus généreux de développer leur ressenti plutôt qu’en nage devant une caméra ou à pleine vitesse sur 140 caractères. Et lorsque Kevin publiait enfin son message avec son équipe, la tension devenait plus palpable que jamais. L’information principale, certes, retenue dans l’immédiat car l’attente était devenue insoutenable, mais un long texte préparé à l’avance, enfin relu et encore relu, afin de comprendre le schéma psychologique du joueur. Comment enrober une telle bombe ? Comment adoucir une telle peine pour les habitants de l’Oklahoma comme les fans du Thunder ? C’est justement ci-dessous qu’on a pu voir et revoir ces 5 paragraphes, cinq coups de couteaux dans le coeur de Sam Presti mais aussi 5 opportunités d’analyser la décision de l’homme.

Ces dernières semaines ont été, de loin, les plus difficiles de ma vie professionnelle. Je me suis rendu compte que j’étais arrivé à un carrefour de mon évolution, à la fois en tant que joueur et en tant qu’homme, et que cela entraînait un choix extrêmement compliqué. Cependant, je n’avais pas totalement saisi toutes les émotions qu’impliquaient ce processus.

Le facteur principal de ma décision était de choisir ce qui était le mieux pour mon évolution en tant que joueur, ce qui m’a toujours guidé dans la bonne direction. Mais je suis également à un moment de ma vie ou il est autant important de trouver une opportunité qui encourage mon évolution en tant qu’homme : sortir de ma zone de confort, vers une nouvelle ville et une nouvelle communauté qui offrent le meilleur potentiel pour ma contribution comme pour mon développement personnel. En ayant tout cela en tête, j’ai décidé de rejoindre les Golden State Warriors.

Je suis de Washington, mais c’est Oklahoma City qui m’a élevée. Elle m’a appris tant de choses sur la famille et sur ce que c’était que d’être un homme. Il n’y aucun mot qui puisse exprimer ce que cette organisation et cette communauté représentent pour moi et ce qu’elles représenteront dans ma vie comme dans mon coeur à jamais. Les souvenirs et les amitiés vont au-delà du jeu, et ce sont ces relations inestimables qui ont rendu cette délibération si compliquée.

Cela me fait vraiment souffrir de savoir qu’autant de gens vont être déçus par ce choix. Mais je  suis persuadé que je fais ce qui me paraît être le mieux pour moi, à ce stade de ma vie comme de ma carrière.

Oklahoma City va me manquer autant que le rôle que j’ai tenu dans la construction de cette remarquable équipe. Je chérirai à jamais les relations créées au sein de cette franchise, les amis et coéquipiers avec lesquels je suis parti à la guerre pendant neuf ans, tout comme les fans et les membres de la communauté. Ils m’ont toujours soutenu sans la moindre faille, et je ne saurais me montrer plus reconnaissant pour ce qu’ils ont apporté à ma famille et moi.

La tentation première, évidemment, est de décortiquer chaque expression afin de les dupliquer sur la situation actuelle, réelle. C’est ce qui a notamment poussé autant de monde à sortir les fourches et les torches, car une séquence semblait brûler le reste de l’oeuvre : sortir de sa zone de confort ? Même si cette décision entraîne un niveau de pression et une charge émotionnelle conséquente, il est assez difficile de lier les Warriors au bord du titre à une zone d’inconfort, au point d’envisager une mission des plus compliquées. Certes, Kevin Durant a mûrement réfléchi et ne peut être véritablement jugé sur le choix professionnel réalisé, mais on a connu pire comme challenge et c’est là un des passages les plus marquants de ce texte. Car immédiatement, c’est la personnalité et la combativité du joueur qui a été pointée du doigt, pour cette alliance avec l’ennemi qui venait de l’éliminer quelques semaines auparavant. Un peu plus loin, autre tentation notable pour les fans enragés par cette décision, la ville d’OKC qui lui a appris à agir ‘comme un homme’. Nul ne doute que les flèches se sont accumulées sur son bouclier, lorsque cette phrase fût parcourue et que l’image d’un tel joueur rejoignant la meilleure équipe de sa conférence passait en boucle devant les yeux.

Mais plus qu’une simple analyse à chaud de chaque ligne, chaque expression ou la simple méthode de traduction employée, c’est surtout une relecture approfondie qui doit être faite sur cette pièce bientôt devenue mythique dans l’histoire de la free agency. Au même titre que LeBron, qui annonçait (Man this is really tough) avec transpiration qu’il allait rejoindre Sud-Plage en 2010 sous la forme du meilleur challenge possible dans sa carrière, Kevin Durant va lui aussi devoir assumer ce type de bombe qui le suivra pendant longtemps sur son CV. Aujourd’hui ? The Decision n’est devenu qu’un mauvais souvenir dans la tête de certains fans, qui célèbrent joyeusement le titre remporté il y a trois semaines. Mais pour arriver à ce stade, James a dû cravacher comme nul n’a pu vraiment le faire avant lui, suant toutes les pires remarques possibles en 2011 et osant revenir sur ses pas pour accepter la plus noble des missions. La route est donc toute tracée pour KD, le message a bien été retenu et les fans se chargeront de l’accueillir comme il faut l’année prochaine dans l’Oklahoma. Comme un membre de leur famille ayant souhaité partir, ou ‘comme un homme’ qui voulait aborder un nouveau challenge ?

Il y a des moments qui marquent dans la carrière de certains joueurs, et des documents qui ne s’oublient pas. La lettre de Kevin Durant annonçant sa signature à Golden State ne contenait peut-être pas de phrases outrageuses, mais son enveloppe restera longtemps collée à son train. Car futur titre ou pas, les fans se souviendront pendant longtemps de cette soirée du lundi 4 juillet 2016, texte à l’appui.

Source texte : The Payers Tribune

Source image : Complex


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