Bulls 95/96 – 72 victoires pour l’histoire : Phil Jackson, maître du triangle et de la gestion des hommes

Le 05 mars 2016 à 18:55 par Alexandre Martin

Phil Jackson

1995-96, les Bulls entrent dans la légende. Avec 72 victoires en saison régulière et le titre au bout, ils ont tatoué un énorme Taureau sur la peau de la NBA. 20 ans plus tard, TrashTalk vous propose une série d’articles pour célébrer ce parcours d’exception.

La force de l’équipe est dans chacun de ses membres individuels. La force de chaque membre est dans l’équipe.  — Phil Jackson

Quand on pense “Bulls 96”, on pense à ce record phénoménal de 72 victoires, à cette main-mise sur la Ligue symbolisée sur les planches NBA par ce trio Jordan – Pippen – Rodman qui a dominé comme rarement (voire jamais) un Big Three ne l’a fait. C’est bien normal mais il ne faudrait pas qu’on en oublie l’architecte de ce chantier monumental, celui qui a mis les bonnes pièces au bon endroit, aux bons moments en leur donnant les bonnes consignes. Celui qui peut-être plus que n’importe qui d’autre incarne le coaching au basket. Phil Jackson aka le Zen Master. C’est lui le génie, le chef d’orchestre qui se cache derrière ces monstres des parquets qu’on appelait les “UnStoppaBulls”. Parfaitement ! On entend d’ici certaines voix s’élever et nous expliquer “qu’avec de tels joueurs, une bonne partie du boulot était faite” ou que “c’est facile de jouer le triangle avec des Hall of Famers”…

Balivernes ! Et de toutes façons, vous en connaissez beaucoup des équipes historiques qui n’étaient pas pourvues de joueurs immenses ? Et au passage, ces équipes n’avaient-elles pas toutes un coach mythique à leur tête ? Ah bah si tiens, quelle coïncidence ! Phil Jackson est connu pour avoir su utiliser la fameuse tactique de l’attaque en triangle mise au point par Tex Winter qui fut d’ailleurs son assistant à Chicago pendant les neuf saisons où il y a tenu le banc. Mais il a surtout su faire en sorte de faire assimiler ces principes géométriques à ses joueurs pour faire d’eux une fabuleuse machine à enfiler les victoires. Ses deux Three-Peat avec les Bulls et ses cinq bagues avec les Lakers devraient d’ailleurs normalement suffire à nous convaincre des qualités du bonhomme et à raisonner les sceptiques.

Pourtant, Phil Jackson n’est pas qu’un simple utilisateur malin du triangle. C’est un véritable manager très inspiré en termes d’osmose de vestiaire ou de gestion des stars souvent munies d’une grosse personnalité. Parce que réussir à convaincre Michael Jordan et Scottie Pippen que Dennis Rodman – un de leurs pires ennemis – est un renfort clé pour redevenir une équipe dominante, est quelque chose qui n’est pas donné à tout le monde. Parce que faire cohabiter intelligemment ces trois énormes caractères est loin d’être un jeu d’enfant. Parce que leur faire accepter que Toni Kukoc est la pierre angulaire de la rotation, que le Croate doit avoir la balle en main à la création lorsqu’il est sur le terrain, c’est aussi quelque chose qui se prépare, quelque chose qu’on amène progressivement…

Avant qu’un rêve ou une vision puisse devenir réalité, chaque membre du groupe doit se l’approprier. — Phil Jackson

Et oui, c’est ça Phil Jackson, c’est ce coach moustachu qui n’hésitait pas faire cirer le banc à des gars comme le grand Mike ou son pote Scottie quand ils n’étaient pas dans leur match. C’est ce coach qui ne se privait jamais d’asseoir son autorité en taclant n’importe lequel de ses joueurs, parfois en privé, parfois devant tout le groupe. Finalement, l’égo le plus surdimensionné du vestiaire chicagoan à l’époque c’était lui. Le vrai patron de ces Bulls ultra-dominants, c’était lui ! Car il a su comprendre Jordan et l’entourer magnifiquement. Car il a su mettre “Da Pip” dans ce rôle de lieutenant de grand luxe qui lui va comme un gant et qui bonifie tellement un collectif. Car il a su donner à Kukoc la possibilité d’exprimer son talent brut tout en embrassant la sensibilité et le côté à fleur de peau d’un Dennis Rodman en quête d’une nouvelle famille.

Ce troupeau de Taureaux, tout aussi magnifique et talentueux soit-il n’aurait probablement jamais été aussi performant sans un tel stratège aux commandes, pour lui donner les bonnes instructions, pour le guider et faire les bons choix aux bons moments. Le basket est un sport collectif et s’il y a bien une chose que le grand Phil avait comprise, c’est que les éléments d’un roster n’avaient pas forcément besoin d’être les meilleurs amis du monde mais qu’il fallait surtout qu’ils aient impeccablement assimilé l’obligation de jouer ensemble – et les uns pour les autres – sur un parquet pour y martyriser tout ce qui bougeait. Celui qui ne rentrait pas le moule ou qui ne se donnait pas à fond en défense pouvait rester scotché au banc. Celui qui ne filait pas droit sur les arêtes du triangle ne recevait que peu de ballons en attaque.

Pour finir, n’oublions pas que Phil “Jax”, c’est ce coach qui a fait de l’arrière slasher Ron Harper un meneur défensif de première catégorie. Ce coach qui a vu tout de suite que, dans les moments décisifs, Toni le “Croate magique” devait être sur le terrain afin d’être l’option de plus, le joueur de trop pour la défense adverse. D’ailleurs, sur cette saison 1995-1996, le meilleur cinq des Bulls – celui qui a fini beaucoup de matchs – est le suivant : Ron Harper, Michael Jordan, Scottie Pippen, Toni Kukoc et Dennis Rodman. Du small ball à l’heure où les raquettes pullulaient de big men effrayants ! Oui, c’est bien ainsi que les Bulls ont terrassé la NBA en cette saison gravée dans la pierre. Enfin, avouons qu’il s’agissait un peu d’un “faux” small ball car s’il n’y avait pas de vrai pivot et que Rodman était très petit pour un intérieur, il ne faut pas omettre que Ron Harper mesurait 1m98 tout comme Jordan, que Pippen et ses bras interminables pouvaient largement défendre sur les ailiers-forts et que Kukoc – bien qu’un peu léger – mesurait tout de même 2m11. C’était un small ball parfaitement ciselé en fait, un cinq d’une efficacité redoutable des deux côtés du terrain, le fruit de la réflexion d’un immense tacticien…

Phil Jackson n’a jamais été un développeur de joueurs mais à sa manière il a su mettre en place une équipe absolument invincible. Et cette saison hors-normes, ces 72 victoires ou cette bague qui fut sa quatrième en tant qu’entraîneur sont les résultats et les preuves principales du génie tactique et de l’infinie compréhension du jeu du bonhomme. Un maître. Le Maître Zen. 

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Source image : Montage TrashTalk by @TheBigD05

 


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