Brooklyn Nets : silence, on coule

Le 13 nov. 2015 à 20:54 par David Carroz

brooklyn nets

2010. Mikhail Prokhorov est ambitieux. Devenu actionnaire majoritaire des Nets, il prévoit d’envoyer ses ouailles à Brooklyn mais surtout il annonce un titre dans les 5 années qui arrivent. Un pari fou et démesuré, mais pour lequel il est prêt à mettre les moyens. L’échéance étant maintenant dépassée, personne ne contredira qu’il s’agit d’un échec cuisant. Et qu’il va se payer cher pour de nombreuses saisons.

Avec un début de saison à faire rêver Sam Hinkie, les Nets culminent à 1-7. Pas encore de quoi se rappeler 2009-10 quand la franchise, toujours dans le New Jersey, avait entamé l’exercice par un sublime 0-18 synonyme de fantasme absolu du tankeur, mais un bilan sur les huit premiers matchs qui annonce une saison catastrophe comme lors de la fin de l’ère Jason Kidd. Il s’agissait de tout reconstruire à cette époque, pour retrouver des bases saines avant d’arriver à Brooklyn. Mais aujourd’hui, difficile de savoir quelle direction prend le front office qui n’espère certainement pas finir l’année avec un bilan de 12 victoires pour 70 défaites. Petit rappel sur l’enchainement des événements qui devaient faire des Brooklyn Nets un contender affirmé et qui ont plongé les fans dans la déprime.

Comment les Nets sont arrivés aussi bas ?

Après cette purge de 2010, Prokhorov lance les grandes manoeuvres et les Nets mettent la main sur Deron Williams. À cet instant, même si D-Will ne change pas la franchise en machine à gagner, il donne de la crédibilité au projet. Il faut dire que lorsqu’il quitte Utah pour rejoindre la Conférence Est, il est considéré comme l’un des trois meilleurs meneurs de la Ligue et finalement le prix payé (deux choix de Draft, Derrick Favors et Devin Harris) ne choque pas, surtout que sa présence – celle d’un multiple All-Star au sommet de sa carrière – est une plus-value non seulement immédiate en terme de talent, mais aussi pour l’avenir en ce qui concerne l’attractivité des futurs agents-libres. Viendez, on a du bon chez nous ! Pas suffisant encore pour faire des gars du New Jersey un bolide ni récupérer un gros poisson lors de l’été 2011, mais c’est pour 2012 que les Nets visent du lourd, comme un certain Dwight Howard.

Pour continuer cette légère progression (de 14,6% de victoires à 29,3) et ne pas faire peur aux recrues potentielles, il faut encore rameuter des joueurs solides. Un peu plus d’un an après Deron, la franchise retourne dans le Nord Ouest des Etats-Unis pour acquérir Gerald Wallace, arrivé contre deux Mars et un nouveau tour de Draft. La transaction parait toujours intéressante pour les Nets, même si “Crash” arrive avec un contrat à plus de dix millions par saison. S’il n’est pas une star, il est un excellent joueur de complément et un bon défenseur. Cela ne permettra pas d’aller en Playoffs cette saison-là, les pépins physiques de Brook Lopez n’aidant pas. L’été arrive, D12 part aux Lakers et D-Will signe un bon gros deal pour être le visage des Nets qui emménagent dans le borough de New York : nouvelle arène, nouveau logo, nouveaux maillots et le plan plein d’ambition parait sur la bonne voie. Pour confirmer cette belle impression, c’est finalement Joe Johnson qui débarque à Brooklyn contre la moitié de l’effectif de l’époque (Jordan Farmar, DeShaun Stevenson, Anthony Morrow, Johan Petro, Jordan Williams) et deux tours de Draft. La facture commence à devenir salée lorsque les principaux joueurs de l’équipe passent à la compta en fin de mois, mais Prokhorov n’a pas peur de mettre la main au portefeuille pour se donner les moyens de ses objectifs. Avec un cinq majeur Williams-Johnson-Wallace-Humphries-Lopez, c’est sans surprise que les Nets atteignent les Playoffs pour l’an 1 à Brooklyn, malgré l’éviction d’Avery Johnson en cours de saison.

C’est ensuite que tout s’accélère. Jason Kidd, fraîchement retraité des parquets, retrouve la franchise qui l’avait fait star une décennie plus tôt mais pour prendre place sur le banc. Pour ses débuts en tant que coach, c’est un effectif cinq étoiles qu’il va avoir à sa disposition puisque les têtes pensantes des Nets mettent le paquet sur le marché des transferts et profitent de la fin d’un cycle à Boston : Kevin Garnett, Paul Pierce, Jason Terry et accessoirement D.J. White arrivent à Brooklyn contre Keith Bogans, MarShon Brooks, Kris Humphries, Kris Joseph, Gerald Wallace, trois premiers tours de Draft (2014, 2016, 2018) et la possibilité pour les Celtics d’échanger avec les Nets leur choix en 2017. All in pour s’offrir le roster le plus cher de l’histoire de la NBA, rempli d’expérience et de All-Stars. Le message est clair : le talent et là mais l’âge avancé de certains cadres limite la fenêtre de tir pour aller chercher le Larry O’Brien. Il faut donc gagner tout de suite.

L’avenir des Nets, encore pire que le présent ?

Deux ans plus tard, le constat est sans appel. De cette armada, seul le fidèle Brook Lopez est encore là, tout comme l’escroc Joe Johnson. Jason Kidd ? Envoyé dans le Wisconsin au bout d’une saison. Paul Pierce ? À la maison à L.A. après un séjour à Washington. Kevin Garnett ? Retour à la casa aussi, échangé contre Thaddeus Young. Deron Williams ? Libéré de ses obligations. A leur place, Andrea Bargnani ou encore Shane Larkin sont devenus des joueurs majeurs. Le rêve de grandeur est bien loin alors que les équipes qui ont bénéficié des échanges pour construire ce qui devait être un prétendant au titre se frottent les mains.

En effet, le Jazz est une franchise prometteuse pour laquelle Derrick Favors s’affirme comme un solide joueur. Si la Conférence Ouest est une véritable guerre des tranchées, les espoirs de Playoffs sont permis grâce à une défense de fer à laquelle il participe activement. Atlanta sort de la meilleure saison de son histoire en s’appuyant sur un collectif qui n’aurait certainement pas pu exister avec Joe Johnson et les Celtics ont connu la post-season l’an dernier alors que plus aucun membre de l’effectif champion en 2008 n’a fini l’année  avec le maillot de Beantown sur les épaules. Trois équipes donc qui pourraient bien voir du basket après le mois d’avril 2016, contrairement aux Nets. Et la disette risque fort de se prolonger un bon moment, même si Billy King cherche des solutions pour éviter un carnage longue durée. Actuellement, Brooklyn se paie encore la cinquième plus grosse masse salariale de la Ligue, mais sans véritable asset à échanger pour redresser la barre. En dehors de Brook Lopez et Thaddeus Young, quel joueur possède vraiment de la valeur sur le marché des transferts ? Et encore pour le pivot, son contrat (environ 60 millions sur 3 ans) et ses problèmes récurrents au pied ne vont pas affoler les foules. C’est donc un bel effectif pour tanker qui évoluera au Barclays Center toute la saison, une équipe qui propose actuellement une belle bouillie de jeu offensif avec 92,4 points par rencontre (29ème de la Ligue). Et si la 17ème place en terme de points encaissés par match (102,3) laisse penser qu’au moins ça ne se passe pas trop mal de ce côté du parquet, ce n’est qu’une illusion puisque sur 100 possessions, les Nets se bouffent 105,4 pions dans les dents pour se classer à une solide 25ème place. De quoi espérer un bon pick à la prochaine Draft.

Sauf que lorsque la foire au prospect se déroulera en juin, les Nets n’auront rien à se mettre sous la dent. Pas grand chose non plus en 2017 ni en 2018. Car à tout miser sur le présent de 2013 à 2015, le front office n’a réfléchi à aucun plan B pour l’avenir et les choix de Draft sont plus que limités : en 2016, c’est Boston qui choisira à la place de Brooklyn. De quoi se frotter les mains pour les Celtics, car au rythme auquel la saison a débuté, c’est un futur Top 5 qui pourrait atterrir à Beantown. Tout comme en 2017 – même si en fonction des mouvements d’ici là, le pick pourrait être moins haut – puisque les C’s auront la possibilité d’échanger leur tour de Draft contre celui des Nets. Et en 2018, c’est encore la franchise la plus titrée de l’histoire qui hérite du choix de BKN. Sur cette période de 2016 à 2018, même les seconds tours de l’équipe new-yorkaise sont loin d’être alléchants puisqu’ils sont soit la propriété d’autres teams, soit potentiellement inversables pour un choix plus éloigné. Autant dire que ce n’est pas via la Draft que les Nets vont pouvoir se refaire la cerise, en tout cas pas avant 2019. Quand on voit que Damian Lillard, Gorgui Dieng ou encore Enes Kanter sont les joueurs qui ont été draftés avec les choix échangés, il y a de quoi pleurer chez les fans, surtout si on ajoute Favors à cette liste puisqu’il n’a pa pu faire son trou dans le business de Prokhorov.

C’est donc la free agency la seule issue de secours pour Brooklyn. Avec la fin du contrat de Joe Johnson cet été et en gérant au mieux les différentes options pour certains joueurs, la franchise devrait se retrouver avec 49 à 59 millions de dollars d’engagés pour la saison suivante, ce qui pourrait correspondre au maximum à 45 millions de disponibles pour attirer des agents-libres (avec une projection très optimiste du futur salary cap à hauteur de 94 millions). Parmi les cibles potentielles, Kevin Durant, Mike Conley, Nicolas Batum, Luol Deng, Al Horford, Joakim Noah, DeMar DeRozan, Al Jefferson, Ryan Anderson, Brandon Jennings, Rajon Rondo ou Evan Turner, les 12 gars en fin de contrat les plus huppés. Pas la peine de rêver, KD veut gagner et ne viendra pas. Pour le reste, les Nets tenteront sûrement le coup et réussiront dans le meilleur des cas à en signer deux. Mais à quel prix ? On a vu cet été que les gros marchés ne disposent plus d’un avantage certain pour attirer les joueurs libres qui privilégient l’aspect sportif, à l’instar de Greg Monroe ou LaMarcus Aldridge. Ne faudra-t-il pas alors surpayer un meneur pour avoir un mec pour driver l’équipe ? Si Lionel Hollins peut être un argument pour draguer Mike Conley, le point guard des Grizzlies est très proche de Marc Gasol et se sent bien à Memphis. Le projet des Nets peut-il lui donner envie de faire ses valises ? Pour les pivots, pas sûr que miser sur “Jooks” ou “Big Al” soit une riche idée quand on possède déjà Brook Lopez. On le voit, dès un examen rapide des profils, la liste se réduit et ne contient plus des choix premium, et on pourrait encore rayer quelques noms comme celui d’Al Horford qu’on imagine mal se barrer des Hawks pour s’engager dans cette galère. Aucun des agents-libres que les Nets peuvent attirer n’a le calibre pour changer le visage de la franchise et redresser la barre d’un navire qui coule.

C’est donc pour plusieurs années difficiles que les fans du Barclays Center s’embarquent et ce début de saison n’est qu’un aperçu de ce qu’ils vont endurer. Après huit rencontres et déjà sept défaites, la seule embellie dans le paysage de Brooklyn est la combativité et l’énergie déployées par Rondae Hollis-Jefferson. Autant dire pas grand chose pour rendre le sourire aux Nets…

Source image : Montage @TheBigD05 pour TrashTalk via funmozar.com et history.com