Passage de témoin entre deux générations : Zadar en fin de course, place à Villeneuve d’Ascq

Le 18 sept. 2015 à 16:28 par David Carroz

Moins de 24h après la claque espagnole, difficile de retrouver ses esprits. Pourtant, avec une médaille de bronze à aller chercher ce weekend et l’avenir de l’équipe de France à préparer dès maintenant, il faut tirer rapidement des enseignements de cette déconvenue pour grandir et continuer à progresser. Sans forcément jeter à la poubelle tout ce qui a pu être accompli jusqu’à présent par des joueurs exceptionnels, mais en acceptant de voir les évolutions que le groupe a subi durant cette campagne : si la génération des enfants de Zadar a toujours une influence majeure dans l’équipe, ce n’est peut-être plus à elle de mener la danse sur les parquets.

L’objectif n’est pas de critiquer ces glorieux anciens, nos glorieux anciens, qui ont placé la France sur la carte du basket mondial, qui ont sacrifié tellement pour pouvoir s’offrir ce rêve de gagner l’Euro à domicile et sublimer cette victoire aux Jeux Olympiques de Rio. Mais maintenant que le premier objectif restera à l’état de fantasme, il faut penser à l’avenir et justement au tournoi de qualification pour le Brésil. Si proche, si loin. En se servant des leçons de cette campagne, dont l’une des premières est le passage de témoin entre la génération Parker et celle née dans la seconde partie des années 80. Bien entendu, nous sommes globalement déçus des performances proposées par Tony Parker et Boris Diaw sur ce tournoi. Ce n’est pas une raison pour les pousser déjà dehors ou remettre en cause leur place au sein des Bleus qui sont là aujourd’hui grâce à eux, mais aussi Florent Piétrus et Mickaël Gélabale pour citer les derniers soldats présents nés avant 1985. Réjouissons-nous plutôt d’avoir su répondre présent – certes pas aussi bien que souhaité – malgré une campagne en demi-teinte pour ce quatuor. En effet, comment imaginer il y a deux ou trois ans voir la France atteindre le dernier carré d’une compétition sans être portée par TiPi et Babac ? Déjà, le Mondial 2014 avait prouvé que nous pouvions exister sans le meneur des Spurs. Cet Euro a d’une certaine façon confirmé cette tendance, avec en plus un Boris Diaw bien moins en vue. Exister et réussir certes, mais pas gagner malheureusement. Pas encore en tout cas.

Arriver aussi loin sans un Parker à plus de 16 points par match ni un Diaw en lieutenant de luxe, jamais nous aurions pu le croire. Même lors du début de cette compétition. D’ailleurs, tout le monde voyait les difficultés des deux en début de campagne comme une conséquence d’une certaine retenue pour être en forme au meilleur moment, histoire de se rassurer. Le quart de finale contre la Lettonie et leur sursaut d’orgueil semblait valider cette hypothèse, et les doutes émis sur leur niveau étaient balayés par ce dernier match et les victoires accumulées jusque là. Sauf que celles-ci ont été acquises dans le sillage de Nando De Colo, Joffrey Lauvergne ou Rudy Gobert, quand les anciens craquaient ou s’éclipsaient. Car ce ne sont pas que Tony et Boris qui ont perdu de leur superbe et laissé – volontairement ou non – la place aux jeunots. Vincent Collet a également, dès la préparation, mis Mickaël Gélabale sur le banc (au profit de Nando) et diminué le temps de jeu de Flo. Un changement – assumé et accepté – pour deux cadres, prémices de la mise en retrait de cette génération et de l’importance donnée à la suivante. Celle qui a tout appris aux côtés de Parker & co. L’amour du maillot. Les valeurs collectives. Cette haine de la défaite. Tous ces détails, invisibles pour ceux qui ne sont pas dans l’intimité du vestiaire, qui ont mené l’équipe de France aussi haut. Élèves studieux hier, c’est maintenant leur tour de devenir les professeurs et de transmettre cette connaissance, tout en étant accompagnés dans cette démarche. Nicolas Batum et Nando De Colo sont appelés à devenir les nouveaux chefs de fil des Bleus. Mais n’ont-ils pas déjà pris le pouvoir avec le soutien de Rudy Gobert ou Joffrey Lauvergne, voire Charles Kahudi ?

Après la défaite d’hier, Tony Parker ne savait même plus quoi dire, assommé. Pendant ce temps, même s’il avait lui aussi les yeux dans le vague, Nicolas répondait aux journalistes avant même de quitter le parquet. Quelques minutes plus tôt, c’est Nando qui cognait sur l’Espagne dans l’entame du dernier quart pour permettre aux Bleus de prendre le large. Avant cela, c’est le Ch’ti qui assurait déjà le scoring avec le plus de régularité, ou encore Charles Kahudi qui venait prêter main forte en défense quand Tony était à la ramasse. Des symboles forts qui ont jalonné la compétition et qui maintenant confirment le changement de statut des uns et des autres : De Colo et Batum doivent maintenant être les leaders, et ils ont déjà pris ce rôle en main en cette fin d’été, ils ne seront pas seuls.  D’ailleurs, n’oublions pas les joueurs restés à quai pour des raisons diverses comme Antoine Diot, Thomas Heurtel ou Alexis Ajinça.

Ce noyau dur, l’équipe de France lui appartient maintenant et ils ont la chance d’être encadrés parfaitement pour en prendre soin et la faire briller. Par les anciens pour continuer d’apprendre, et par les plus jeunes déjà évoqués ou encore Evan Fournier et Léo Westermann. C’est une opportunité rare d’avoir trois générations talentueuses se suivre et se donner la main. Il y a certes encore du travail, de l’expérience à prendre pour certains et un leadership à assumer et assurer pour d’autres, des rôles qui évoluent. Mais aujourd’hui, dans le style défensif et athlétique qui sied aux Bleus, ce ne sont plus Tony Parker et Boris Diaw qui sont les maitres du jeu. Non, ils sont désormais les grands frères, toujours présents, qui prennent du recul pour laisser la lumière au reste de la famille. Un changement dans la continuité, pour permettre à cette belle équipe de France de retrouver les podiums au plus vite, tout en respectant l’héritage confié. La première étape débute justement dimanche.

Si Tony Parker, Boris Diaw, Florent Piétrus et Mickaël Gélabale ont permis aux Bleus d’atteindre les sommets, c’est parce qu’ils ont grandi dans des défaites douloureuses. Celle d’hier en était une de plus, et peut-être même la plus difficile à encaisser. Mais cette fois-ci, elle doit permettre à la génération suivante de se forger une destinée. Que l’on espère aussi glorieuse.

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