Bulls 95/96 – 72 victoires pour l’histoire : Nick Anderson et le Magic réveillent les prédateurs

Le 26 juil. 2015 à 17:37 par David Carroz

Chicago Bulls saison historique record 72-10
Source image : Montage @TheBigD05 pour TrashTalk

1995-96, les Bulls entrent dans la légende. Avec 72 victoires en saison régulière et le titre au bout, ils ont tatoué un énorme Taureau sur la peau de la NBA. 20 ans plus tard, TrashTalk vous propose une série d’articles pour célébrer ce parcours d’exception.

Pourtant, l’événement fondateur de cette équipe et de son épopée n’est pas glorieuse. Retour en mai 1995, la demi-finale de Conférence Est et le duel face au Magic. Jordan n’est de retour à la compétition que depuis le 19 mars, il n’a joué que 17 matches de saison régulière et il porte le numéro 45… Les Bulls viennent de se débarrasser assez tranquillement des Hornets de Larry Johnson et Alonzo Mourning (3-1) et affrontent l’un des favoris. Souvenirs.

Il est parfois dur de trouver la véritable genèse de l’exploit réalisé par Chicago. Mais cette élimination, la première série de Playoffs perdue par Michael Jordan depuis 1990 (4-3 face aux Pistons), va remettre la franchise de l’Illinois sur les bons rails, alors qu’elle aurait pu leur miner le moral.

Bien entendu, l’arrivée de Dennis Rodman – nous le verrons une prochaine fois – a eu une grande importance dans cette saison historique. Quand on échange trois Mars et un morceau de viande contre le meilleur rebondeur de l’histoire et un défenseur d’exception, la plus-value sportive est non négligeable. Mais le risque est grand quand on connait le passif du personnage, aussi bien hors des parquets que sur le terrain lorsqu’il affrontait les Bulls avec les Bad Boys des Pistons. Sa venue couronne l’intersaison de Chicago, mais il faut remonter plus loin pour trouver la base de la quasi-invincibilité de cette équipe.

Aussi loin que mars 1995, quand MJ sortait de sa retraite ? Un retour qui changeait le statut des Bulls, mais plus dans les têtes que dans les faits. Avec ou sans “His Airness”, l’effectif n’est pas taillé pour le titre, et si Jordan donne un coup de boost, il fragilise également l’équilibre mis en place par Phil Jackson. Depuis l’été précédent, le “Zen Master” jongle avec trois pivots bien loin des standings de l’époque (Will Perdue, Luc Longley, Bill Wennington) pour accompagner un Toni Kukoc fragile pour évoluer poste 4 dans les raquettes NBA. Le vide laissé par le départ d’Horace Grant se paie cash. En enfilant de nouveau le maillot des Bulls, Mike n’est pas là pour faire de la figuration. Il retrouve son rôle de leader, reléguant Pippen à son ancienne condition de lieutenant, bousculant le Croate, donnant de la voix et du regard noir à tous ses coéquipiers. Le jeu des Bulls est changé, mais leur niveau n’est pas révolutionné. Cela suffit tout de même largement à atteindre les Playoffs, dans une Conférence Est bien plus relevée qu’actuellement. (5ème avec 47 victoires pour 35 défaites, 13-4 après le retour de Jordan). Au premier tour, les hommes de Phil Jackson ne tremblent donc pas pour sortir les Hornets, qui avaient pourtant remporté 3 matches de plus en saison régulière. Malgré un secteur intérieur plus fourni (Alonzo Mourning et Larry Johnson), Charlotte ne peut résister aux Bulls emmenés par les 32,3 points de moyenne de MJ (dont 48 lors du Game 1). Chi-town a donc le droit d’affronter les favoris à l’Est : Shaq, Penny et tous les boys d’Orlando. Jeunes, talentueux et surtout impatients d’en découdre pour prouver qu’ils sont les nouveaux rois.

Au cours de cette demi-finale de Conférence, Jordan récupère son numéro 23. Après une victoire difficile mais pleine d’à propos de la part du Magic, Nick Anderson n’hésite pas un instant à remettre MJ à sa place.

Le numéro 45 n’est pas le numéro 23. Le numéro 45 n’explose pas comme le numéro 23. Le numéro 23 vous démolissait sans problème en décollant comme une navette spatiale. Le numéro 45, il bouge bien mais il ne décolle pas facilement. – Nick Anderson.

La bombe est lâchée, et après avoir muselé Jordan, l’arrière du Magic se sent fort, à l’instar de son équipe. Si le #23 est de retour en rouge et qu’il offre une toute autre adversité lors des rencontres suivantes, cela ne suffit pas pour passer sur le corps de Mickey à Orlando, et les Bulls sont éliminés en 6 manches. L’écart ne semble pas énorme lorsqu’on regarde les chiffres. Chicago tourne à 99,8 points par match à 45,2%, prend 40 rebonds et perd 11,8 ballons sur la série. En face, Shaq & co envoient 100,7 points à 46,4%, 41,5 rebonds et 14,8 turnovers. Mais dans les faits et l’impression laissée, la différence parait bien plus importante. Plus jeunes, plus dynamiques, plus rapides, plus costauds (surtout dans la raquette),les hommes de Brian Hill sont tout simplement meilleurs et leur qualification ne souffre d’aucune contestation. Un coup dur pour Michael Jordan et les Bulls.

Une gifle qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses. Déjà à l’époque, les relations entre Scottie Pippen et le front office ne sont pas au beau fixe. Entre ses revendications salariales et la perte de son statut de franchise player, le doute subsiste sur la suite de ses aventures dans l’Illinois. Dans l’effectif, seuls Michael Jordan et Toni Kukoc semblent intouchables. Il faut dire que contrairement à Scottie, le Croate est dans les petits papiers de Jerry Krause, le General Manager. Le reste ? Rien de bien excitant ou irremplaçable à première vue. L’ADN de l’équipe championne 2 ans plus tôt n’habite plus les Taureaux où seuls Jordan, Pippen, Armstrong, Perdue et Wennington ont survécu. Vu le rôle des deux derniers et le peu d’intérêt que porte Phil Jackson aux meneurs de petite taille (donc à B.J.), autant dire que la mutation est flagrante. A première vue.

Car cette soif de victoire, cette haine de la défaite et l’exigence du haut niveau transpirent de tous les pores de la peau de MJ, de façon contagieuse. Furibond après l’élimination, il prend ainsi rendez-vous pour la saison suivante. Pas question de se faire surclasser cette fois. L’été sera passé à s’entrainer et retrouver le sommet de sa forme, souvent en compagnie de Scottie Pippen et Ron Harper. Quand certains auraient pu se reposer sur leur passé glorieux, le franchise player des Bulls prépare sa revanche, alors que beaucoup imaginent que l’horloge joue contre lui. Privé de ses anciens gardes du corps Bill Cartwright et Horace Grant, il ne peut que réclamer un rebondeur à ses côtés. Tout en bossant pour retrouver son trône. Et en faisant confiance à Jerry Krause et Phil Jackson pour lui filer le matos nécessaire pour retrouver le chemin du succès.

Je suis revenu pour l’amour du basket. Je ne suis pas sur les parquets pour l’argent ou pour la gloire, mais pour gagner à nouveau. – Michael Jordan.

Ça tombe bien, Krause et Jax ont le même but et – pour une fois – s’accordent sur le sujet. Bien que boudeur, Scottie Pippen ne laissera pas Jordan seul dans cette mission. Alors qu’en 1995, les fans n’ont d’yeux que pour la classe d’Hakeem Olajuwon, la puissance de Shaquille O’Neal ou Penny Hardaway le nouveau Magic Johnson, les Bulls ne font plus rêver.

Rien de tel pour réveiller l’instinct de tueur qui sommeille en eux. Vous ne croyez pas en nous ? Très bien, vous êtes prévenus. Des bêtes sauvages blessées dans leur amour propre sont dangereuses, les autres franchises vont l’apprendre à leurs dépends. Une élimination qui aura titillé la rage de vaincre des prédateurs qui ne seront rassasiés qu’après le plus gros carnage de l’histoire.