Erreurs de dirigeants : les Phoenix Suns auraient-ils dû être champions sous l’ère Nash ?

Le 06 juin 2015 à 17:45 par AlexB

L’avenir et la réussite d’une franchise NBA peuvent ne tenir qu’à un fil, surtout lorsque celle en question connaît une période faste de son histoire. Les ajustements alors apportés par les dirigeants peuvent bouleverser le destin d’un outsider voire d’un fort candidat au titre pendant une très longue période. Un exemple du genre : les Phoenix Suns.

Ressortez vos vieilles cassettes. Magneto, Serge. Nous sommes en 2004 et sur le point de retrouver les Suns tout en haut de l’affiche, en grande partie grâce à la signature de Steve Nash et l’irrésistible montée en puissance d’Amar’e Stoudemire qui a ravivé l’espoir dès sa saison rookie, en aidant l’escouade menée par Stephon Marbury à retrouver les Playoffs. Pour Nash, ce retour vers la franchise qui l’avait draftée en 96 n’était pas sans risque : il avait déjà 31 ans et des problèmes de dos, c’est en partie la raison pour laquelle Mark Cuban a préféré ne pas lui accorder un contrat de 60 millions de dollars et le laisser tenter sa chance sur le marché (d’ailleurs, Mark utilisera 73 millions de dollars sur Erick Dampier cet été-là…). De 2004 à 2010, nous allons assister à des performances de haut vol offertes par la franchise de l’Arizona. Après avoir installé Mike D’Antoni sur leur banc, les Suns passent de la deuxième pire équipe à l’Ouest à la première place du classement en un an (62-20) et ils atteindront 2 fois de suite les Finales de Conférence en 2005 et 2006. Ils pratiqueront le jeu le plus excitant de la ligue en développant un Run and Gun de feu : les Suns auront la meilleure attaque de la ligue en 2004/2005 (114,5 points marqués) et 2006/2007 (113,9) et seconde meilleure attaque en 2005/2006 et 2007/2008. Sur le plan des récompenses individuelles, Steve Nash obtiendra le titre de MVP en 2005 et 2006, D’Antoni sera nommé Coach de l’Année en 2005 et Boris Diaw remportera le titre de MIP en 2006. Seul bémol dans cet effectif ? La rotation à 6 ou 7 joueurs. Ce banc est un poil trop faible et une défense bien légère donneront du fil à retordre au General Manager Bryan Colangelo qui, en souhaitant apporter de la densité à son équipe, optera pour des choix qui ne paieront pas.

Revenons donc en 2004. Les Suns échangent leur 7ème choix de Draft avec Chicago contre un choix de premier tour en 2006 et 3 millions de dollars. Une semaine plus tard, ils recruteront Quentin Richardson pour 42,6 millions de dollars sur 6 ans bien que pendant cette Draft, ils auraient pu jeter leur dévolu sur Luol Deng ou Andre Iguodala avec à la clé un contrat bien plus abordable que celui de Q-Rich. Ce dernier sera transféré lors de la Draft 2005. Les Suns ont besoin de plus de densité défensive et c’est Richardson qui en fait les frais, il est envoyé à New York avec le 21ème choix de Draft de Phoenix (Nate Robinson) contre Kurt Thomas qui sera refourgué 2 saisons plus tard à Seattle accompagné de 2 futurs premiers tours de Draft 2008 et 2010 (Serge Ibaka et Quincy Pondexter seront sélectionnés). En préférant signer Richardson, Bryan Colangelo a perdu 4 choix de draft au premier tour à sa franchise. Et ça ne s’arrête pas là ! Dans ce sac de nœuds de tours de Draft, il leur reste le pick de 2006 qu’ils ont récupéré dans l’échange avec Chicago, ce 21ème choix était Rajon Rondo dont ils ont envoyé les droits à Boston contre le premier tour de Cleveland en 2007 et 1,9 millions de dollars. A la décharge de Phoenix, leur jeu n’est pas vraiment adapté aux compétences de Rondo, mais il aurait très bien pu faire ses premières armes derrière Steve Nash, surtout quand on apprend que les Suns ont préféré signer Marcus Banks pour 24 millions de dollars quelques semaines plus tard (Banks en carrière, c’est 5,9 points et 2,1 passes / 5 points pour 1,2 passes lors de son passage à Phoenix). Vous suivez toujours ? Il reste un pick de Draft venant de Cleveland en passant par Boston que les Suns vont… vendre à Portland pour 3 millions de dollars ! Ce numéro 24 de la Draft 2007 est un certain Rudy Fernandez qui choisira de rester un an de plus en Europe et qui n’aurait pas pesé dans la masse salariale de Phoenix. Au final, Phoenix est passé de Deng ou Iguodala ou d’un autre bon joueur qui composait cette Draft (Josh Smith, Gérard, Trevor Ariza, Al Jefferson voire Ha-Seung Jin) pour Rondo, puis Fernandez pour finalement personne, mais 4,9 millions de dollars, est-ce que ça les valait vraiment ?

Autre dossier mal géré : celui de Joe Johnson. Il estimait valoir plus que ce que les Suns lui ont proposé à l’été 2005 et leur a demandé de ne pas s’aligner sur les 70 millions de dollars que les Hawks lui ont offerts. Johnson n’est donc pas exempt de tout reproche dans cette histoire, mais le gâchis n’en demeure pas plus mince : les Suns venaient de manquer les Finales de peu (Joe Johnson était blessé lors de la Finale de Conférence face aux Spurs, il plantait 18,8 points par match à 50,4% durant les PlayOffs 2005), et perdaient dans la foulée le joueur idéal à leur système offensif, shooteur hors-pair de seulement 24 ans. Avec Joe Johnson entouré de Nash, Stoudemire et Marion, les Suns avaient la possibilité de tenir leur rythme de dingue pendant de bonnes années. En rajoutant pièce par pièce des role-players ou des rookies en admettant qu’ils n’aient pas distribué les tours de Draft comme des prospectus, le résultat aurait aurait pu être plus excitant. Au lieu de ça, les Suns ont récupéré, par un sign-and-trade, deux premiers tours de Draft en 2006 (qui s’avérera être Rondo) et 2008 (Robin Lopez, enfin un qu’ils garderont) et Boris Diaw. Avec avec tout le respect qu’on a pour le Président, c’est assez maigre (oui, Boris et maigre dans la même phrase !) comparé à ce que les Suns auraient pu devenir. On peut également se dire que si les Suns avaient fait le forcing et conservé Johnson il aurait rangé sa fierté et se serait résigné à jouer en compagnie de Steve Nash. Pour 14 millions par an c’est plus que faisable. Sans compter qu’après l’extension de contrat de 45 millions de dollars qu’ils ont accordée à Boris Diaw ajoutée au contrat déjà au contrat existant de Marcus Banks on obtient…le salaire annuel de Joe Johnson à Atlanta. Les Suns finiront par se séparer de Marcus Banks en l’envoyant lui et Shawn Marion à Miami contre un Shaquille O’Neal plus gros, plus lent et moins athlétique qui signera définitivement la fin du Big Three de l’Arizona. Le trade du « Big Cactus » se révélera être une cruelle erreur de casting tant il n’était pas (plus ?) adapté au rythme effréné des Suns. Tellement, que Phoenix sera privé de PlayOffs en 2008/2009. L’intention était belle tant le Shaq a eu un impact important sur les bilans des équipes qu’il a connues : en 2004, les Lakers ont remporté 56 matches en saison régulière (avec aussi Phil Jackson et Karl Malone), Miami 42. En 2005, les Lakers en gagnent 34 et Miami passe à 59. Seulement quand il arrive à Phoenix, le Shaq a déjà 35 ans, plusieurs kilos en trop et la phase où il va empiler les surnoms et les chèques ne fait que commencer.

Ces différents choix qui s’avéreront plus que contestables ont empêché les Suns d’aller encore plus loin que les finales de Conférence qu’ils retrouveront en 2009/2010. Les décisions en question n’ont pas été aidées par le départ d’Amar’e Stoudemire à New York sans monnaie d’échange (un deuxième tour de Draft dont Phoenix n’a même pas pu profiter car protégé top 55) qui a laissé Steve Nash et qui, deux ans plus tard, a fait ses valises à Los Angeles pour former le fiasco« Big Three » des Lakers avec Dwight Howard. Alors qu’ils avaient remis le showtime à l’ordre du jour avec un beau jeu d’attaque à regarder, les Suns se sont cassés les dents pour quelques millions de dollars et c’est aujourd’hui fort regrettable. Sans ça, ils auraient peut-être eu dans leurs mains assez d’armes pour aller chercher un titre NBA lors de leurs années au top (et pourquoi pas un threepeat de 2005 à 2007, allons-y), lui qui aurait changé la face de la ligue les années suivantes. Le talent de Steve Nash alors qu’il était en pleine possession de ses moyens s’est retrouvé moins récompensé qu’espéré alors qu’il maîtrisait le jeu des Suns, et il a aussi permis à Amar’e Stoudemire de montrer toutes ses capacités en étant sublimé à ses côtés. Le journaliste Bill Simmons a écrit a propos des Suns qu’ils étaient : « une voiture de sport italienne pleine de différents composants très compliqués, que seul Steve Nash savait faire rouler ». Cela nous ramène quelques mois plus tôt où on a vu les Suns assez mal gérer une deadline des transferts impressionnante, après avoir pratiqué un des jeux les plus attrayants la saison précédente, nous donnant de bons espoirs pour la suite.

Évidemment, c’est facile de commenter ces choix 10 ans plus tard avec le recul que l’on a, en particulier en ce qui concerne les choix de Draft qui n’auraient pas été les mêmes si Phoenix les avaient conservés et continué leur bonhomme de chemin à un rythme de Ferrari. Mais c’est avec l’envie de montrer que quelques choix mineurs de prime abord (et aussi un peu de radinerie) peuvent entraîner un effet boule de neige et faire perdre beaucoup à une équipe en course pour le titre. Tours de Draft mal négociés, malchance, le mélange parfait pour immortaliser une équipe de rêve sans bague.

 Source : the book of basketball – Bill Simmons

Source image : sunnysblogpost.files.wordpress.com


Tags : Phoenix suns