Officiel : Steve Nash prend sa retraite, un des plus grands génies du basket s’en va dans l’ombre…

Le 21 mars 2015 à 21:03 par Bastien Fontanieu

L’annonce était attendue depuis longtemps, elle aura finalement eu lieu ce samedi 21 mars, dans le plus grands des silences : Steve Nash quitte officiellement les parquets de la NBA, après 18 saisons absolument magiques…

Il fallait être aveugle, possédé ou tout simplement stupide pour imaginer un retour du Canadien sur le terrain cette saison, après une montagne de soucis physiques accumulés ces trois dernières années. Pensant qu’il allait probablement remporter un titre tant convoité en déménageant de Phoenix à Los Angeles, le meneur d’élite n’aura finalement connu que costards et interrogations, au lieu de contre-attaques dévastatrices avec le ballon. Ce samedi, c’est sur son compte Twitter que Steve a rendu l’annonce officielle, en suivant le chemin récemment pris par de nombreux joueurs qui ont décidé d’exprimer leurs sentiments dans une longue lettre, celle-ci disponible sur The Players’ TribuneOn sort les traducteurs, et on vous partage le tout.

Je prends ma retraite.

Un jour quelqu’un m’a dit qu’il vient un moment où on vous répète que vous ne pouvez plus jouer du tout. Qu’on n’est plus assez bon, qu’il faut en faire plus que d’habitude, qu’on est probablement trop lent. Quand vous êtes un adolescent porté par des rêves gigantesques et une obsession grandissante mais qu’on vous annonce que cela ne durera pas une éternité, ça fait peur. Je ne l’oublierai jamais.

Donc qu’ai-je fait ? Je suis resté obsédé, me suis fixé des objectifs et ai travaillé, rêvé, planifié. Je me suis poussé encore plus loin que ce qui était considéré comme normal ou attendu, j’ai regardé mon héros, Isiah Thomas, et ai commencé à penser “Ok, je suis à des années lumières de son niveau, mais si je progresse chaque jour pendant 5 ou 10 ans, pourquoi ne pas finir aussi bon que lui ?”

Mon plus grand don a toujours été de pouvoir rester en immersion totale dans ma passion et de me donner pour un objectif qui m’obsédait : monter les marches d’une échelle sur laquelle mes héros figuraient. Cette obsession est devenue ma meilleure amie, je lui parlais, je la réconfortais, je me battais avec elle et me faisait envoyer au sol par elle.

Et c’est ce pour quoi je suis le plus reconnaissant dans ma carrière, ou même dans toute ma vie. Bien évidemment je tiens bien plus à mes enfants et ma famille qu’à un jeu, mais en quelque sorte avoir cette amie – cette poursuite éternelle – m’a aidé à me construire, m’a testé et appris des milliers de choses, en me donnant une mission qui semble irremplaçable. J’en suis tellement reconnaissant. J’ai appris tellement de leçons et de valeurs sur la vie et moi-même, j’ai encore plein de choses à apprendre et c’est là aussi un vrai cadeau.

Il y a tellement de personnes qui ont eu un impact immense sur moi et qui partagent mes succès, je ne peux pas tous les nommer mais j’aimerai parler de certains.

Don Nelson a insisté sur le fait que je devais scorer. Je voulais toujours passer la balle mais il me disait “c’est put*** d’égoïste quand tu ne tires pas” ou bien “si t’es un put*** de joueur dominant, alors domine” ! Il a insisté pour que je devienne agressif, ça a créé un vrai virage dans ma carrière.

Mike D’Antoni a changé la façon de jouer au basket. Il y a peu de gens qu’on peut mentionner en affirmant cela, pas étonnant que j’ai réalisé mes meilleures années à ses côtés. Son intelligence lui a permis de ne jamais sur-coacher, compliquer les choses ou se cacher derrière les traditions de notre sport. Il mérite de remporter un titre.

Quand j’étais rookie chez les Suns et que je dribblais pas loin de notre banc, Danny Ainge disait “joue-le !” avec intensité, c’était un énorme signe de confiance pour un rookie comme moi.

Je me souviens quand Dirk et moi étions inconnus. Des fois pendant les repas il me disait “comment est-ce que deux types comme nous allons pouvoir nous imposer dans cette ligue ?” Et puis finalement on a réussi à trouver un moyen d’y arriver. Après toutes les victoires et ces moments passés ensemble aux quatre coins du monde, ce qui compte le plus pour moi sont ces sessions tardives au début de notre carrière, quand on retournait au Landry Center de Dallas, pour jouer quelques parties de HORSE supplémentaires et des un-contre-un. Dirk et la magnifique ville de Dallas ont obtenu leur titre, je ne pourrais être plus heureux pour eux.

Michael Finley était deux-fois All-Star lorsqu’il jouait à son meilleur niveau, quand Dirk et moi étions les plus jeunes chez les Mavs. Michael n’a pas rejoué un seul All-Star Game, mais notre équipe est passée du fond au top de la Conférence Ouest sous sa présence. Savez-vous à quel point il est rare de trouver des joueurs aussi généreux ? Un vrai ami et un super coéquipier.

J’admirais Jay Triano quand j’étais petit, un arrière exceptionnel pour notre équipe nationale canadienne. Il m’a recruté lorsque j’étais au lycée et m’a coaché lors des JO de Sydney. Son amour pour le jeu et son esprit de compétition ont toujours été contagieux. Je n’ai jamais pris autant de plaisir qu’en jouant pour lui. Représenter le Canada aux Olympiades était la meilleure expérience de toute ma carrière, c’est lui qui nous a emmené là-bas.

Rick Celebrini a eu plus d’impact que qui que ce soit dans ma carrière. Physiothérapeute, coach, grand frère. La classe internationale.

Alvin Gentry a magnifiquement coaché nos équipes. Sous-estimé et précis, il a trouvé cette fine ligne entre coach, ami et disciplinaire, c’était un vrai plaisir de jouer pour lui.

Ma soeur est incroyable. Elle a toute la classe et l’humanisme qu’on pourrait espérer chez un membre de sa propre famille. Son soutien est inébranlable.

Mon frère et moi nous sommes battus sur tous les terrains, dans tous les sports et à tout moment. Nous avons partagé des souvenirs incroyables en voulant copier les héros de nos sports favoris, tout en se défiant dès que possible. Tu ne seras jamais un aussi bon athlète que moi, mais t’es pas passé loin, mon grand.

Ma mère m’a soutenu sans relâche. Elle m’a tout le temps encouragé et je ne pouvais réaliser aucune erreur dans le monde du sport selon elle. Elle est très dure et je pense qu’elle a énormément déteint sur moi. Peu de monde peut avoir une mère comme la mienne et j’espère qu’elle ne croit pas que je prends ça pour acquis.

Mon père était un athlète semi-professionnel au football. Dans le jardin ou après certains jeux quand j’étais petit, il applaudissait les initiatives créatives. Il appréciait toujours la générosité, il ne disait jamais “Wow, trois buts !”, il disait plutôt “Très belle vision sur cette action où tu as vu ton coéquipier se démarquer” ou “Très généreux de ne pas avoir tiré alors que tu aurais pu le faire, cela me rend fier.” Je sais que ce n’est pas commun et j’en suis reconnaissant.

Jenny Miller a géré ma fondation pendant 10 ans et elle ne m’a jamais quittée ni dévié des missions qui lui étaient imposées. Nous sommes des amis d’enfance et ses immenses talents sont équivalents à la confiance que j’ai en elle.

Mes entraîneurs quand j’étais plus jeune, Lanny et Sheff, qui ont vu cette énergie et cette passion pour le jeu en moi, ont changé leur façon de faire pour maintenir cette passion tout en gardant le contrôle sur moi, ils ont démarré quelque chose de fort.

Ian Hyde-Lay, mon coach au lycée, est aussi bon que les meilleurs entraîneurs pour lesquels j’ai joué. Il m’a appris à être discipliné, à faire attention au moindre détail et à bien se préparer. Cela m’hallucine toujours quand il m’envoie un mail faisant référence à un match d’il y a 20 ans contre Memphis durant lequel je n’avais pas protégé le rebond avec 8 minutes à jouer dans le 4ème quart. Quand je regardais une nouvelle fois le match, c’était exactement ce moment-là dont il parlait. Le souci du détail.

Ken Shields m’a offert une chance de m’entraîner avec l’équipe nationale du Canada quand j’avais 16 ans parce qu’il a vu quelque chose en moi. Quatre ans plus tard, j’étais son meneur titulaire aux Championnats du Monde, je lui dois ça.

Je ne le savais pas au début, mais mon coach à Santa Clara qui était Dick Davey me poussait toujours plus loin car il pensait que j’avais ça en moi. Il m’a rendu plus fort mentalement, cette force m’a permis de persévérer dans les moments difficiles et ne jamais baisser les bras.

Bill Duffy a été mon agent depuis toujours, un vrai grand frère, toujours là pour me couvrir.

Que dit-on des hommes qui possèdent de grandes mains ? Qu’ils ont des pieds agiles ? Amar’e Stoudemire avait les deux, et il me faisait passer pour un artiste par moments, merci mon grand.

Cela me fera toujours mal de savoir que les fans des Suns n’auront pas obtenu de titre pendant notre époque. Oui, on a manqué de chance mais je regarde souvent en arrière et me demande ce qui ce serait passé si j’avais rentré un tir de plus ou pas perdu un ballon de trop ou réalisé une meilleure passe. Mais je ne regrette rien, le stade était toujours plein et l’ambiance électrique. Parmi les meilleurs moments de ma vie, merci Phoenix.

Quand les gens me demandent s’il existe un match ou une action ou un moment que je préfère, je n’arrive pas à répondre. C’est un tout, et ce qui vient en premier est l’ensemble de gens incroyables que j’ai rencontrés pendant toutes ces années. Des personnes comme Al Whitley, Chris Isherwood, Jason Sedlock, Drew Zurek, Rowan Barrett, Andrew Mavis, Rex Chapman, Leandro Barbosa, Raja Bell, Grant Hill et Rob Sacre. Rien n’effacera ces moments vécus pendant ces années et c’est ce dont je me souviendrai le plus.

Quand j’ai signé avec les Lakers, j’avais de grands rêves en voulant soulever les fans et mettre la ville sans dessus dessous. J’ai refusé plusieurs offres plus généreuses pour aller à L.A, parce que je voulais me retrouver dans le ‘feu’ et jouer pour ce côté gros risques/gros succès dans mon dernier chapitre en NBA. Lors de mon second match ici, je me suis cassé la jambe et plus rien n’a été pareil.

Au printemps dernier, lorsque je suis retourné sur les parquets, j’ai reçu une standing-ovation du Staples Center. C’était une des périodes les plus difficiles de ma carrière et ce moment restera comme un de mes préférés. Il y a eu beaucoup de choses négatives sur le net, mais lors de mes trois années passées à Los Angeles je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui ne me montrait pas d’amour et de soutien dans mes efforts. Il y a vraiment une certaine classe dans Lakerland, le management et le staff m’ont offert un soutien inébranlable.

Les fans du monde entier m’ont montré tellement d’appréciation au fil des années, c’est incroyable. Shootant heure après heure et jour après jour quand j’étais petit, je ne m’imaginais jamais recevoir une telle quantité de soutien dans ma carrière. Cela a représenté une énorme source de motivation et d’inspiration, je vous en remercie éternellement.

Ma compagne, Brittany, est restée avec moi sans baisser les bras lors des périodes les plus difficiles de ma vie. Je sais que je l’ai rendu folle plus d’une fois en gardant tout pour moi, lorsqu’elle me perdait dans certaines de mes batailles. Sans son amour, les choses seraient nettement plus sombres.

Je ne rejouerai probablement plus au basket, douce amertume. Le jeu me manque déjà énormément, mais j’ai aussi très hâte d’apprendre à faire autre chose. Cette lettre est pour n’importe quelle personne ayant suivi un peu ma carrière. Au cœur de cette lettre, je parle à tous ces enfants qui ne savent pas ce que le futur leur réserve ou comment prendre leur place dans celui-ci. Quand je pense à ma carrière, je ne peux m’empêcher de penser à cet enfant balle en main, qui tombe amoureux. C’est toujours ce à quoi je m’identifie et c’est ce qui m’a suivi tout au long de ma carrière.

Enfin, Lola, Bella et Matteo, vous êtes le centre de mon univers. Toute mon énergie et ma concentration sont avec vous, et je n’arrive pas à imaginer quelque chose de plus excitant ou de gratifiant pour l’avenir.

Quelques 17.387 points nous contemplent. Mais surtout ces 10.335 passes décisives, ces offrandes venues d’une autre planète et qui ont fait vibrer toute une génération de basketteurs et lui permettent aujourd’hui d’être sur le podium des plus grands serveurs. On peut y ajouter 1685 bombes du parking, cet absurde pourcentage aux lancer-francs en carrière (90.4%) qui le place en tête dans toute l’histoire de la NBA et tant d’autres chiffres. Mais ce qu’on retiendra surtout, ce sont ces images, ces doigts léchés avant chaque tir sur la ligne, ces deux tirs mimés avant de recevoir la balle, cette coupe de cheveux fabuleuse qui le rendait à la fois étranger et sexy, cette équipe des Suns gérée par un chef d’orchestre exceptionnel, et ainsi de suite…

Rendons-nous service et effaçons de nos mémoires ces 3 années de calvaire à Los Angeles, pour qu’il ne nous reste plus qu’une image : celle d’une mobylette géniale qui aura marqué des milliers de fans, inspiré des centaines de meneurs et offert un nombre incalculable de beaux moments sur les parquets. Comme on dit chez nous, chapeau bas et merci pour tout.

Source : The Players’ Tribune

Source image : NY Post.


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