La philosophie, une notion essentielle du Basketball

Le 01 oct. 2014 à 20:11 par Alexandre Martin

La philosophie a-t-elle sa place dans le sport en général et plus particulièrement en NBA ? Oui la philosophie… Cette démarche intellectuelle, cette réflexion ayant pour but de définir une (ou plusieurs) ligne(s) de conduite(s) susceptible(s) de mener jusqu’aux objectifs fixés préalablement comme atteindre le bonheur ou tendre vers la sagesse pour le commun des mortels ou comme une simple bague de champion pour tout basketteur, coach, manager ou franchise de la Grande Ligue…

La NBA est un univers dans lequel tout va très vite. Les coachs tournent, les joueurs changent d’air au gré des envies des General Managers ou de la taille du chèque qui leur est proposé. Des propriétaires vendent d’autres rachètent, un logo laisse place à un autre, la couleur des maillots peut même varier mais, dans certaines franchises, une donnée ne bouge pas. Jamais. Certains clubs ont une véritable philosophie qui les guide parfois depuis leur création ou au moins depuis suffisamment longtemps pour que les fans puissent s’y retrouver.
Oui la philosophie… Cette notion intangible mais tellement essentielle qu’on oublie trop souvent de mentionner quand on parle de basket. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de parler de la Philosophie avec un grand P, celle de Platon, Diderot, Voltaire voire Michael Jordan qui nous a, un jour, gratifié de cette magnifique réflexion très… philosophique :

“Pour pouvoir atteindre ses buts, il faut déjà s’en fixer.”

Il s’agit de s’intéresser à la philosophie de jeu bien sûr mais aussi de recrutement des franchises qui en ont une et qui ne peuvent pas, ne veulent pas ou n’auraient pas dû en démordre. La capacité d’une équipe à se définir une “ligne de conduite basketballistique” et à s’y tenir (même lorsque ça va mal) est quelque chose qui ravira toujours les fans parfois même au-delà des résultats ou de l’arrivée de stars. Un peu de hype ne fait jamais de mal mais la base, l’essence de la balle orange n’est pas là, loin de là ! Bien sûr, la philosophie d’une franchise ne se bâtit pas comme ça  en un claquement de doigts. Il faut du temps, beaucoup de temps, quelques résultats, la volonté de suivre une direction coûte que coûte, des moments clés, des épopées que dirigeants, fans et joueurs n’oublieront jamais et transmettront aux générations suivantes.

Celtics, Lakers : même combat ? 

Si les Celtics ont une telle “fanbase”, ce n’est pas seulement parce que Bill Russell et consorts ont dominé outrageusement une NBA préhistorique à 8 équipes faisant de la franchise verte l’organisation la plus titrée de tous les temps. C’est aussi – et surtout – parce qu’à Boston, il y a toujours eu des joueurs immenses au cœur plus grand que l’Irlande et dont le talent a toujours été au service du collectif. Difficile de déterminer une véritable philosophie de jeu “à la Celte” mais, clairement, en terme de recrutement, les dirigeants successifs ont toujours pris soin de respecter certains critères découlant directement de l’âme et l’histoire de la franchise même si ce n’est pas forcément évident aujourd’hui. Certaines mauvaises langues se moquent parfois de la situation actuelle des Celtics. Il est vrai qu’on ne voit pas trop où veut en venir Danny Ainge depuis plusieurs mois mais Boston va revenir sur le devant de la scène. L’âme verte est quelque chose qui existe réellement !  Ce sera certainement très long mais ils vont revenir. A un moment ou à un autre, ils vont nous dégoter le digne successeur des Larry Bird , Paul Pierce ou Kevin Garnett et ils reviendront…

Image : unathleticmag.com

Image : unathleticmag.com

Chez l’ennemi juré de la “Green Nation”, les Lakers, il est également bien compliqué de ressortir une philosophie de jeu très marquée année après année mais, là aussi, on distingue une politique de recrutement finalement assez limpide depuis qu’ils sont installés à Los Angeles (1960) :  des stars, des stars et encore des stars. Les “pourpre et or” ont toujours eu cette envie, ce besoin de joueurs non seulement dominants mais aussi exposés médiatiquement. A L.A., on ne forme pas les joueurs, on n’oblige pas les stars à rentrer dans un système de jeu particulier. La philosophie est simple du côté de la Cité des Anges : faire venir des stars et les faire jouer en fonction de leurs points forts dans le but de gagner des titres et de faire pleuvoir le dollars ! Et il faut bien reconnaître qu’à ce petit jeu, la famille Buss (enfin surtout le défunt père) est plutôt douée. Wilt Chamberlain et Jerry West dans les années 70 (1 titre), Magic Johnson, Kareem Abdul-Jabbar, James Worthy et le show time dans les années 80 (5 titres), Shaq et Kobe au début des années 2000 (3 titres) puis Kobe et Pau Gasol (2 titres), chaque grande période des Lakers a été marquée par l’arrivée d’une ou plusieurs grosses vedettes des parquets. En même temps, la franchise d’Hollywood, une salle remplie de célébrités à chaque match, des joueurs stars et des coachs stars, finalement la philosophie des Lakers est bien rodée ! Kobe doit d’ailleurs se sentir bien seul actuellement…

New York, Detroit : à la recherche de l’identité perdue…

Autre gros marché avec une identité très prononcée : New York. C’est d’ailleurs ce qu’on peut le plus reprocher aux Knicks depuis 15 ans : ils ont oublié les piliers de leur philosophie de jeu. Dans la “Big Apple”, la base ce n’est pas le basket fun ou le basket spectacle, c’est avant tout de la sueur, de la défense et du courage avec, bien sûr, des joueurs de talent. On se souvient tous avoir vu les images de Willis Reed entrant sur le parquet – sous les acclamations d’un Madison Square Garden en feu – pour le Game 7 des Finales de 1970 alors qu’il s’était blessé au Game 6 et était très incertain pour cette rencontre décisive que les Knicks gagneront. La légende dit d’ailleurs qu’au moment où Willis Reed est entré sur le terrain ce soir-là, les Lakers avaient perdu le match dans leurs têtes même si l’intérieur des Knicks n’a pas pu peser tellement d’un point de vue statistique. Ça c’est New York !

Le fameux “Willis Reed Game” 

Qui ne se souvient pas des Knicks du début des années 90 ? Le leadership de Pat Ewing, les rebonds de Charles Oakley, l’énergie et les muscles d’Anthony Mason ou encore le côté pitbull enragé de John Starks… Ça c’est New York ! Quel fan des Knicks – ou même de basket en général – a oublié l’épopée new yorkaise en Playoffs en 1999 ? Le “buzzer beater game winner” d’Allan Houston qui tue le Heat, le panier à 4 points de Larry Johnson qui tue les Pacers, le courage immense de cette équipe qui n’avait fini que 8ème de l’Est et qui est allée jusqu’en Finales. Oui, ça c’est New York ! Le Madison Square Garden est un écrin qui a besoin de vibrer, un écrin qui adore les battants, la sueur et les luttes acharnées pour chaque ballon. Le nouveau président, Phil Jackson, le sait pour l’avoir vécu et tentera sûrement de faire revenir cet esprit chez les Knicks dès cette année.
Actuellement, et depuis presque 10 ans, les Pistons ont un peu le même souci. Ils ont perdu cette âme, ce fond de jeu qu’ils avaient dans les années 80/90 ou au début des années 2000 et qui leur a permis de gagner 3 fois le titre suprême. La philosophie gagnante pour les Pistons ? Une défense régulièrement au-delà des limites autorisées mais furieusement efficace, un coaching tactique millimétré, un collectif sans faille, du vice et une bonne grosse dose de trashtalking ! Ça, c’est Detroit ! Enfin, c’était Detroit… Parce qu’aujourd’hui, le sérieux et la qualité défensive des pensionnaires du Palace donnent plutôt envie de sourire là où ils faisaient peur il n’y a encore pas si longtemps. A la manière de Phil Jackson, Stan Van Gundy est devant un gros défi : redonner une âme aux Pistons. La tâche de l’aîné des deux frères ne s’annonce pas aisée. Brandon Jennings n’est pas Isiah Thomas ou Chauncey Billups, comparer Jodie Meeks et Joe Dumars est quelque chose qui est interdit, Josh Smith se prend parfois pour Rasheed Wallace mais il en est encore loin et il est encore plus loin d’un Dennis Rodman. Quand à Andre Drummond, il est jeune, sur-athlétique et dispose d’un très beau potentiel mais pourra-t-il un jour être mis dans la catégorie d’un Bill Laimbeer ou d’un Ben Wallace ?

Warriors, Suns : la chaleur du “Run and Gun”

Pourtant, il va bien falloir que les hommes de la MoTown commencent par se bouger pour redevenir une équipe solide, hargneuse et collective s’ils veulent gagner plus de matchs car ils ne vont pas se mettre à courir partout et à shooter en première intention dès que l’occasion se présente. Ce n’est pas leur genre et ce n’est même pas souhaitable d’ailleurs. Ce style de jeu est plutôt trusté par les équipes de l’Ouest. Deux franchises sont clairement les porte-drapeaux de cette philosophie de jeu bien particulière : les Warriors et les Suns. Depuis qu’elle est installée dans la baie d’Oakland (1962), l’équipe des Warriors s’est toujours distinguée pour son jeu très porté sur l’attaque. Un jeu très rapide et essentiellement basé sur les qualités offensives des joueurs extérieurs qui composent le roster. L’un des meilleurs symboles de cet état d’esprit est bien évidemment le fameux Run TMC des saisons 89/90 et surtout 90/91 avec l’infernale triplette Tim HardawayMitch RichmondChris Mullin dirigée par le tout aussi infernal Don Nelson. Aujourd’hui, le “bande à Curry” joue un peu comme ça d’ailleurs. Les flingueurs sont de sortie chaque soir à l’Oracle Arena et leur public de furieux aussi mais, malheureusement pour ce jeu très excitant, on ne peut pas dire que les titres pleuvent autant que les tirs longue distance… En effet, les Warriors – qui sont une des franchises historiques de NBA – ont été champions deux fois avant 1962 (à Philadelphie) mais ne l’ont été qu’une fois depuis. C’était en 1975, sous l’impulsion du génial ailier, Rick Barry. Pire, depuis l’ère Rick Barry (champions NBA en 1975), ils n’ont jamais dépassé le stade de demi-finales de conférence malgré tout le talent des joueurs qui sont passés dans la baie…

72,5 points de moyenne sur 3 joueurs extérieurs ! (image :tumblr.com)

72,5 points de moyenne sur 3 joueurs extérieurs ! (image :tumblr.com)

Autre franchise à la philosophie de jeu ultra-rapide et offensive mais qui ne croule pas sous les titres : les Suns bien sûr ! En Arizona, le “Run and Gun” n’est pas une simple philosophie de jeu, c’est une religion. En Arizona, on ne monte pas la balle en attaque pour mettre en place un système, on fonce à 200 à l’heure pour profiter de la moindre faiblesse dans le repli de l’adversaire. On a le droit de prendre tout tir plus ou moins ouvert dès que l’occasion se présente et même s’il reste encore 21 secondes sur l’horloge. Le trois points est un art très apprécié et le pick and roll est LE système. La mise en place d’une telle philosophie de jeu s’articule autour de trois éléments. Premièrement, il faut un ou plusieurs meneurs (ou arrières) capables de tenir la balle à grande vitesse comme Dick Van Arsdale ou Paul Westphal (années 70), Kevin Johnson (fin 80 puis 90’s), Jason Kidd, Penny Hardaway, Steve Nash et, aujourd’hui le monstre à trois têtes Bledsoe – Dragic – Thomas. Deuxièmement, il faut au moins trois bons shooteurs en permanence sur le parquet et, troisièmement, les “gros” sont appréciés chez les cactus mais uniquement s’ils sont mobiles comme un Charles Barkley ou un Amar’e Stoudemire idéalement. Ensuite, tout match est joué sur tempo digne de Bip Bip le Coyote. Le nombre de possessions est impressionnant et le nombre de points marqués l’est souvent également. C’est bien simple, depuis 1978, jamais une équipe des Suns n’a terminé une saison sous les 100 points de moyenne par rencontre. Le spectacle est au rendez-vous mais les titres ne le sont pas même si ce n’est pas passé loin à deux reprises (1976 et 1993) et que la franchise d’Arizona a régulièrement joué les premiers rôles (7 finales de conférences en plus des deux finales NBA). Bref, un Golden State vs Phoenix est un match à ne rater sous aucun prétexte mais si vous voulez parier sur le futur champion, pas sûr que ça se joue entre ces deux-là…

Il serait impossible d’en terminer avec ces quelques lignes de “philosophie basketballistique” sans parler de deux franchises qui sont parmi les 4 plus titrées de l’histoire NBA. Les Bulls (6 titres) et les Spurs (5 titres) sont deux franchises dont les philosophies de jeu ont de nombreux points communs. Déjà, nous parlons ici de deux organisations pour lesquelles le succès a mis un peu de temps à venir. Chicago n’avait jamais mis les pieds en finales avant que Michael Jordan et Phil Jackson ne débarquent et les Spurs n’étaient qu’une équipe de premier tour voire de demi-finale de conférence avant que le duo Popovich – Duncan ne prenne le pouvoir. Ensuite, nous parlons ici de deux équipes qui se sont élevées grâce à l’arrivée de stars aussi bien sur le banc que sur le parquet mais ce sont deux équipes qui ont toujours pris soin de mettre en valeur l’effort collectif et la rigueur tactique des deux côtés du parquet. Enfin, depuis l’ère Jordan et les titres qui l’ont accompagnée, les Bulls ont toujours gardé la même philosophie de jeu et il y a fort à parier qu’il en sera de même aux Spurs. Une fois que le grand Tim et Pop’ le sorcier seront à la retraite, la base du jeu texan restera la même en fonction des joueurs de l’effectif bien sûr. San Antonio a gagné 3 titres avec un jeu assez dur et défensif mine de rien (surtout en 2003 et 2005) puis a su s’adapter à son roster (notamment aux qualités de Tony Parker) en se mettant à pencher de plus en plus vers l’attaque tout en gardant ses grands principes de collectif et de rigueur tactique. Après, bien évidemment, ces deux franchises sont différentes. Chicago est un gros marché ce qui n’est pas le cas de San Antonio. Le pouvoir d’attraction n’est donc clairement pas le même mais les politiques de recrutement sont finalement assez similaires : les complémentarités entre joueurs sont très importantes, la hiérarchisation de l’effectif également même si les leaders ne jouent pas les starlettes et sont là pour montrer l’exemple avant tout. C’est bien simple, de telles franchises ne tombent jamais – ou très rarement – dans les bas fonds du classement. La rigueur a ses avantages…

En fait, au-delà même des résultats qui sont à la base de la réputation d’une équipe auprès des fans, la philosophie d’une franchise est ce qui fait qu’elle marque les observateurs ou acteurs de la balle orange qu’ils soient joueurs, coachs, managers, journalistes, analystes ou simples passionnés. Au final, et même si cela peut paraître très idéaliste et peu réaliste comme propos, il me semble qu’avoir une philosophie et s’y tenir quoiqu’il arrive devrait être la priorité numéro un de chaque franchise avant de penser bagues ou dollars. Un doux rêve, malheureusement…