Syndrôme Luol Deng : les Bulls arriveront-ils à prolonger Jimmy Butler ?

Le 27 sept. 2014 à 10:28 par David Carroz

Jimmy Butler

En étant actifs dès le début de l’été pour façonner au mieux leur effectif, les Bulls se sont évités de nombreux maux de tête au moment où les camps d’entrainement vont reprendre. Entre le retour de blessure de Derrick Rose, la draft de Doug McDermott et les signatures de Pau Gasol et Nikola Mirotic, les observateurs s’accordent pour mettre l’intersaison de la franchise de l’Illinois dans la catégorie réussite. Mais un petit caillou pourrait prochainement venir déranger les dirigeants de Chicago. Jimmy Butler peut être prolongé d’ici le début de saison ou il testera le marché l’été prochain.

Le joueur des Bulls n’est pas le seul de sa promotion à être dans ce cas. On a déjà vu Kyrie Irving toucher le pactole, Tristan Thompson réclamer une grosse part du gâteau aux Cavs tout comme son homonyme de nom Klay aux Warriors. Mais Nikola Vucevic au Magic, Markieff Morris aux Suns, Alec Burks au Jazz ou encore Kemba Walker aux Hornets – entre autres – peuvent également prolonger leur contrat d’ici le 31 octobre. Dans le cas contraire, ils se retrouveront agents libres avec restriction à la fin de la saison.

Jimmy Butler aux Bulls, cela sonne comme une évidence, et la prolongation peut paraitre acquise tant le joueur sied à l’image de la franchise. Intensité, défense, sens du collectif, activité… autant de mots qui le caractérisent mais qui sont aussi les leitmotivs de l’équipe de Tom Thibodeau. D’ailleurs Butler ne s’en est jamais caché, il aime évoluer sous le maillot rouge de Chicago et la mentalité de l’effectif lui plait. Pour autant, cela ne signifie pas que trouver un accord pour lier son destin à celui des Bulls soit une partie de plaisir. Au contraire, il semblerait même selon certains insiders que les discussions ne soient pas forcément bien engagées entre les deux parties.

Jimmy Butler

Les discussions avec Jimmy Butler se passent toujours dans le calme et la bonne humeur.
Source : footbasket.com

Il a le droit de signer une prolongation précoce de son contrat avec les Bulls juste avant le début de la saison régulière et bien que la franchise accorde de l’importance à sa contribution, ce que ses représentants pensent qu’il vaut et ce que l’organisation veut payer pour le conserver pourraient être un peu éloignés, selon une personne proche du dossier. – Sam Aggrey, Insider des Bulls pour CSN Chicago.

Il faut dire que dans le camp Butler, on a pu suivre avec gourmandise les feuilletons de la free agency cet été en espérant toucher le jackpot. Les contrats de Chandler Parsons et Gordon Hayward ne sont pas passés inaperçus. Surtout dans une période où les arrières de qualité ne sont pas légion, Butler considère avoir son épingle à tirer du jeu. Derrière Kobe, D-Wade et Klay Thompson, bons des deux côtés du parquets, quel autre poste 2 se détache ? Ils sont nombreux à avoir du potentiel, mais aucun n’a encore prouvé être un All Star régulier pour les années à venir. Dans ce cas, la surenchère pointe vite le bout de son nez. La preuve ? Certaines franchises seraient prêtes à proposer un salaire max à Jimmy Butler.

@McGrawDHBulls I spoke to an NBA executive the other day who said they would happily max Butler. Double checked and he wasn’t joking.

— Mark Deeks (@MarkDeeksNBA) 2 Juillet 2014

J’ai discuté avec un cadre NBA l’autre jour qui disait qu’ils paieraient volontiers le max pour Butler. J’ai re-demandé et il ne rigolais pas.

Vous aussi vous avez failli vous étouffer en lisant ça ? Bienvenue en NBA, où les dirigeants font grève car ils perdent de l’argent mais vont balancer ensuite leur fric par les fenêtres avec des contrats pourris. Soyons honnête, Jimmy Butler ne vaut pas une telle somme. Mais dans le marché actuel, certains seraient tout de même capables de lui proposer $15 millions par an. Mais pas Chicago. Voyons un peu mieux ce que les Bulls peuvent lui offrir et pourquoi.

Que vaut Jimmy Butler ?

Pour connaitre la valeur de Jimmy Butler, il faut voir ce qu’il a déjà prouvé en NBA et sa marge de progression, deux facteurs essentiels qui définissent le montant d’un contrat que les franchises vont vouloir lui proposer, en plus de l’état du marché. Ce dernier, nous venons de le voir, est plutôt favorable au joueur.

Retour express sur la carrière du bonhomme. Après une saison rookie à contempler ses coéquipiers régner sur la conférence Est avant de les voir se faire sortir au premier tour des PlayOffs des Sixers suite aux blessures de Derrick Rose et Joakim Noah, Jimmy Butler commence son année sophomore de la même façon : en doublure de Luol Deng le marathonien que Tom Thibodeau ne repose jamais. Mais l’infirmerie des Bulls se remplissant semaine après semaine, le joueur issue de Marquette va finalement trouver du temps de jeu, et le rentabiliser. Dans une équipe qui base ses succès sur la défense, Jimmy Butler se montre plus qu’au niveau pour s’occuper de Kobe Bryant ou Carmelo Anthony, et après quelques actions d’éclat – dont le dunk sur Chris Bosh lors de la victoire sur le Heat pour mettre fin à la série de 27 succès consécutif de LeBron and Co. – il va à son tour jouer l’iron man en PlayOffs. En 12 matchs (7 contre les Nets, 5 contre Miami), il dispute 490 minutes, soit presque 41 de moyenne, en jouant 4 matchs en intégralité contre les Floridiens.

Jimmy Butler

Là au moins, Bosh a une bonne raison de nous sortir une sale gueule.
Source : Yahoo ! Sports

Sa cote est alors au plus haut, et les Bulls décident de lui confier le poste d’arrière titulaire pour évoluer aux côtés d’un Derrick Rose de retour de blessure. Mais rien ne se passera comme prévu. Derrick Rose se fait son deuxième genou, Jimmy Butler se blesse à l’orteil et manque une quinzaine de matchs, Luol Deng est transféré aux Cavs. Les espoirs de titres sont envolés, et “Buckets” ne confirme pas. S’il s’affirme comme l’un des meilleurs défenseurs extérieurs de la ligue (All Defensive Second Team), son apport offensif est loin de celui escompté. Il termine la saison avec une moyenne de 13,6 points par match (record en carrière), mais son adresse est en chute libre. Alors qu’il tournait à 46,7% dont 38,1% à 3 points, il passe à 39,7% et 28,3%. Le poids de ses nouvelles responsabilités et d’un nombre de minutes accru est-il trop important à digérer d’un coup ? Sans compter son souci à l’orteil qu’il semble avoir trainé toute l’année, même s’il refusait d’utiliser cela comme excuse.

J’allais suffisamment bien pour jouer. Je n’ai pas jouer comme je voulais le faire, bien sûr. Mais cela fait partie du jeu; vous ne pouvez pas jouer comme vous le souhaitez tous les soirs. – Jimmy Butler après une nouvelle soirée sans adresse.

Cette blessure a-t-elle eu un impact sur son rendement offensif ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est qu’avant celle-ci – et avec Derrick Rose sur le parquet – il réussissait 43,5% de ses tirs et 38,5% de ses tentatives longues distances… mais défensivement, ses prestations n’ont pas été moins bonnes lorsqu’il est revenu sur les parquets…

Une chose est plus évidente par contre, c’est que les longues minutes passées sur le parquet sans souffler sur le banc ont eu leur importance. Pas tellement sur la durée de la saison, mais au cours des rencontres en elles-mêmes.

Jimmy Butler

Source : NBA.com via blogabulls.com

Si les débuts de match de Butler ne sont pas forcément exceptionnels, il faiblit quand les minutes consécutives sur le parquet s’accumulent, typiquement dans le second quart temps, avant de retrouver un second souffle – certes moyen – après le retour au vestiaire pour re-sombrer en fin de rencontre. Rien de bien surprenant non plus, mais un constat dont Tom Thibodeau devrait prendre conscience.

Pour le reposer un peu, les Bulls disposent maintenant d’un effectif plus fourni. Certes, le poste d’arrière est toujours léger puisqu’aucun spécialiste du poste n’est dans le groupe. Tony Snell est plutôt ailier, comme “Buckets”, et si Hinrich ou Rose peuvent glisser en 2 par séquence, ce sont des avant tout des meneurs. Mais Doug McDermott est venu renforcer le poste 3 qu’il partagera avec Mike Dunleavy Jr., ce qui devrait permettre à Butler de ne pas glisser sur les deux positions à longueur de match.

Pour autant, va-t-il rebondir après cet exercice difficile offensivement ? Son camp doit sûrement miser là-dessus pour prétendre à une belle revalorisation salariale, et dans cette optique ses représentants ont tout intérêt à attendre avant d’accepter une prolongation des Bulls. Une telle stratégie est risquée, mais lorsqu’on voit Greg Monroe aller jusqu’à signer son offre qualifiante pour être free agent l’été prochain, on se rend compte que les joueurs aiment reprendre leur liberté. Pourtant, Jimmy Butler ne devrait pas oublier les soucis de blessure rencontrés par les membres de son équipe, dont lui. Cela peut très bien freiner encore sa progression et faire baisser les ardeurs des prétendants. D’ailleurs cette marge de progression, est-elle encore si grande ?

La bonne humeur, comme je vous disais. Source : standingosports.com

La bonne humeur, comme je vous disais.
Source : standingosports.com

Quelle valeur les Bulls lui donnent ?

À 25 ans (depuis le 14 septembre), difficile de croire qu’il a déjà atteint la limite de son potentiel. Mais il est suffisamment vieux pour que les opportunités de progression importante deviennent de moins en moins nombreuses. Défensivement, la marge est plus qu’étroite puisqu’il fait déjà partie de l’élite de la ligue. En attaque par contre, beaucoup reste à faire. C’est une des grosses inconnues à laquelle Chicago doit répondre. Jimmy Butler est-il plus qu’un stoppeur ? D’ailleurs veulent-ils plus que cela de lui ? Avec le retour de Derrick Rose et les arrivées de Gasol, Mirotic et McDermott, l’arrière des Bulls va de nouveau reculer dans la hiérarchie offensive. 5ème  option des titulaires, même certains remplaçants devraient voir plus de systèmes en place pour leur permettre de scorer.

Cette redistribution des cartes est à double tranchant. Si Butler verra moins la balle, il la recevra dans de meilleures conditions et étant plus libre que l’an dernier. De là à retrouver son adresse de 2012-13 ? Cela reste à voir. Son volume de tirs à 3 points n’est pas assez important pour se prononcer sur ses vraies qualités à ce niveau là. Selon une étude (que vous pouvez retrouver ici), un joueur doit prendre au moins 750 shoots longue distance pour se faire une idée de son adresse. Avec seulement 356 tirs dans l’ensemble de sa carrière, ses 30,9% de réussite n’ont donc pas de signification. Encore moins ses 38,1% (en 105 tirs) en 2012-13 qui pourraient juste être du bruit statistique.

C’est donc avec cette incertitude que Gar Forman doit composer au moment de proposer une prolongation à Jimmy Butler. Bien entendu, il va plutôt chercher à tirer le montant du contrat vers le bas. Les Bulls ont toujours été économes et refusent de payer la luxury tax. Ils ne le feront pas cette saison puisqu’elle est fixée à 76,8 millions de dollars et que leur masse salariale est pour l’instant inférieure à 67 millions. Même pour l’an prochain, ils disposent encore d’une certaine marge, puisqu’elle atteindra 63,6 millions pour 9 joueurs sous contrat, de quoi ajouter quelques contrats sans atteindre les $77 millions.

Après avoir laissé filer Luol Deng pour ne pas payer de taxe, les Bulls sont-ils prêts à prendre le même risque avec Butler, en considérant qu’ils disposent déjà d’une solution de repli moins onéreuse en Tony Snell ? Cela parait peu probable. Perdre un joueur du calibre de Butler serait un nouveau coup dur. Mais ils ne feront pas de folies pour lui. Ils peuvent s’appuyer sur les contrats de spécialistes défensifs comme Tony Allen ($15 millions sur 3 ans) ou Thabo Sefolosha ($12 millions sur 3 ans) comme base pour les négociations, même si le 30ème choix de la draft 2011 est plus jeune et avec plus de potentiel offensivement, malgré les doutes évoqués ci-dessus. Il semblerait que Chicago parte sur cette idée et offre environ $7 millions par an à leur arrière. Insuffisant pour aboutir à une prolongation pour l’instant.

Mais les Bulls ont assez bien géré de tels cas lors des saisons précédentes. Avec Joakim Noah puis Taj Gibson, ils avaient trouvé des accords avant la deadline et évité ainsi le casse-tête de la free agency pour leurs deux intérieurs, le tout à des prix qui paraissent assez favorables aujourd’hui ($60 millions sur 5 ans pour Jooks, $33 millions sur 4 ans pour Taj), alors que les mêmes questions se posaient déjà à l’époque de ces signatures, et que les contrats pouvaient paraitre élevés ou risqués. En sera-t-il de même pour Jimmy Butler ?

Jimmy Butler

En cas d’échec des négociations, Jimmy Butler a déjà envisagé sa reconversion dans le catch.
Source : Jose M. Osorio/ Chicago Tribune

Un autre facteur à prendre en compte : l’inflation due aux droits TV

Il n’est pas impossible que les Bulls mettent aussi la main à la poche pour offrir une plus belle somme d’argent à leur arrière. Ils connaissent très bien le marché et savent que certaines franchises n’hésiteront pas à mettre beaucoup d’argent sur la table l’été prochain. Si Gordon Hayward avec une adresse (41,3% et 30,4% à 3 points) à peine meilleure que Jimmy Butler a signé pour le max cette année, que peut-il arriver pour “Buckets” ? Pas sûr que Chicago ait envie de tenter le diable alors que les relations entre Thibodeau et Forman semblent un peu plus calmes ces derniers temps.

Surtout que le montant du salary cap pourrait bien exploser dans les années à venir. Avec la renégociation des droits TV, certains estiment qu’il pourrait atteindre les $80 millions en 2016-17. De quoi voir les franchises encore craquer sur des contrats exorbitants.  Dans cette optique, les Bulls pourraient accepter de surpayer Jimmy Butler lune ou deux saisons avant que son contrat rentre dans la norme pour les saisons suivantes. Ils s’éviteraient ainsi un été 2015 agité.

Verdict

Si Jimmy Butler comme les Bulls sont dans l’inconnu sur de nombreux points, en particulier sur le réel apport offensif que l’arrière/ailier peut avoir sur le long terme, il n’en demeure pas moins une certitude : les deux parties sont probablement mieux l’une avec l’autre. Chicago car ils disposent en lui d’un joueur avec une mentalité et des qualités défensives qui correspondent à la franchise, et qui se plait dans un effectif à son image. Butler car justement, son niveau est décuplé par des systèmes et un coach qui valorisent le type de joueur qu’il est. Au final, Jimmy Butler a plus de valeur au sein des Bulls qu’ailleurs.

Bien entendu, l’accord est loin d’être conclu et certaines franchises sont prêtes à faire de la surenchère, surtout si Butler rebondit offensivement cette saison. Il pourrait alors signer un contrat plus élevé. Mais pour quelles ambitions collectives ensuite ? Il ne serait pas surprenant que les discussions n’aboutissent pas avant le début de l’année et que les deux parties se retrouvent autour d’une table une fois l’exercice 2014-15 terminé.

Jimmy Butler comme les Chicago Bulls auront alors toutes les cartes en main pour savoir où ils vont. Aujourd’hui, on peut imaginer qu’un contrat à hauteur de 40 à 42 millions sur 4 ans soit la valeur que le marché fixe pour un tel joueur. Cela peut paraitre cher, mais avec un minimum de progrès dans le jeu offensif, c’est le prix à mettre. Et même si la progression n’a pas lieu ou est moindre, un tel contrat ne plombera pas les Bulls dans les années à venir avec le futur salary cap. Et si tout le monde réfléchissait à cela dès maintenant pour construire sereinement la suite ? Jimmy Butler et les Bulls éviteraient les risques en faisant chacun un effort. Et ils passeraient une saison plus tranquille.

 


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