Playoffs Revival : les Denver Nuggets deviennent le plus gros upset de l’histoire

Le 11 mars 2014 à 17:42 par David Carroz

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Source image : Youtube

La saison régulière, c’est sympa, les matchs se multiplient, mais on ne regarde plus que d’un oeil discret ces rencontres sans véritable enjeu. Entre les joueurs mis au repos, les coaches qui testent des rotations et les équipes qui tankent, difficile de vibrer avec intensité. Pour vous aider à patienter, petits retours sur les grands moments de l’histoire des playoffs. Parce que c’est à cette période de la saison que les légendes naissent et que les fauves sortent les crocs.

Quoi de mieux qu’un petit upset pour pimenter des Playoffs ? C’est ce que les Nuggets de 1994 nous ont offert. Cette équipe qui a été la première de l’histoire de la NBA à passer le premier tour des Playoffs en sortant la tête de série de la conférence (dans le format actuel. Cette année là, Charles Barkley et ses Air Max à $150 la paire étaient incontournables. Kurt Cobain se suicidait. Mauvais signe déjà pour l’état de Washington qui allait donc voir ses Sonics se faire humilier par la franchise du Colorado. Retour sur cet victoire de David sur Goliath.

Le contexte – des Sonics facile, des Nuggets à l’arrache

Cette saison là est la première sans Michael Jordan. Elle voit l’émergence à l’Ouest des Seattle SuperSonics qui terminent avec le meilleur bilan de la ligue, 63 victoires pour 19 défaites. Emmenée par le trio Gary Payton – Detlef Schrempf – Shawn Kemp, l’équipe de George Karl domine par sa vitesse, sa défense agressive et ses contre-attaques. Impériaux chez eux (37-4), ils se présentent en Playoffs en véritable épouvantail. Sereins et sûr d’eux. Surtout qu’en face se dressent les Denver Nuggets (42-40), une équipe défensive, mais l’obstacle ne parait pas insurmontable. L’effectif des Nuggets semble bancal et rassemble des joueurs aux parcours parfois chaotiques. Le plus connu de tous est Dikembe Mutombo. Monsieur “Not in my house”, l’un des meilleurs défenseurs de l’histoire de la Ligue. S’il n’a encore gagné aucun de ses quatre titres de Defensive Player of the Year en 1994, il n’est reste pas moins une force de dissuasion importante dans la raquette de Denver. 12 points et 11,8 rebonds par match cette année là. Et 3,7 contres aussi. À ses côtés, Chris Wayne Jackson pour mener le jeu. Ça ne vous dit rien? Un joueur qui s’est converti à l’Islam et qui a changé son nom en Mahmoud Abdul-Rauf en arrivant en NBA. Ce qu’il n’a pas changé par contre, c’est sa capacité à shooter à 3 points (35% en carrière) et à mettre des lancers francs avec une facilité déconcertante (90,5%). Et le tout malgré un syndrome de Tourette et des mouvements compulsifs sur le parquet. Cette saison là, il apporte 18 points et 4,5 passes.

Dans la raquette, en doublure de Mutombo, Brian Williams. Ou Bison Dele. Encore un changement de nom, mais là en hommage à ces ancêtres amérindiens. Lui aussi souffrait d’une maladie. Dépression. Quelques mois avant, alors qu’il était sous contrat à Orlando, tentative de suicide. Nous reviendrons à l’occasion sur la suite de sa vie, car il y a de quoi écrire un roman. 8 points, 5,6 rebonds et 1,1 contre pour lui en 1993-94. Et une influence importante dans le vestiaire, malgré une passion pour le basket qui ferait passer Andrew Bynum pour un prophète de ce sport. La doublure de Mahmoud Abdul-Rauf, Robert Pack, n’avait même pas été drafté. Ni même invité aux camps d’entrainement d’avant saison. Un joueur capable du meilleur comme du pire, mais il se passe toujours quelque chose quand il rentre sur le terrain. Avec 9,6 points et 5,4 passes, il apporte une vraie alternative à la mène.Une équipe jeune (2,6 saisons NBA en moyenne pour le 5 majeur cette année là), sans véritable star mais avec une cohérence dans son jeu. Pas de quoi faire peur à Seattle. Et après les deux premières manches de la série, les Sonics ne sont plus qu’à un succès de la qualification (à l’époque, le premier tour se jouait au meilleur des 5 matchs). Une formalité…

La série – les Sonics se brisent sur le mur Mutombo

Les Sonics arrivent tellement tranquilles à Denver qu’ils prennent une valise lors du game 3. 110-93. Détruits aux rebonds, 43 à 25, les coéquipiers de Shawn Kemp (10 points) et Gary Payton (7 points) ont manqué d’oxygène dans le Colorado. Surtout, les Denver Nuggets ont su ralentir le jeu pour obliger la franchise de Seattle à attaquer sur demi terrain. Et là, Mutombo les attendait à l’intérieur. L’honneur est sauf pour Denver, ils ont gagné une rencontre sur la série. Les Sonics vont pouvoir dérouler lors du game 4 pour ne pas perdre trop d’énergie non plus avant le prochain tour. Et bien non. Le match est certes bien plus serré, Shawn Kemp (16 points, 13 rebonds) et Gary Payton (20 points, 4 assists) répondent présents, mais les Nuggets ne veulent pas mourir. Sous l’impulsion de LaPhonso Ellis (27 points, 17 rebonds) et Dikembe Mutombo (10 points, 16 rebonds et 8 blocks), ils résistent. Et même mieux, ils remportent cette deuxième rencontre sur leur parquet et poussent Seattle à un Game 5 décisif. La surprise est de taille. Retour donc à la cité d’émeraude pour finir cette série. Les Sonics n’ont perdu que 4 matchs sur l’ensemble de la saison chez eux, hors de question de se faire prendre comme des débutants par ces Denver Nuggets insouciants et irrespectueux. Avant le match, Brian Williams fait le parallèle entre ce qu’il a vécu en tant qu’homme et ce que traverse son équipe. Car les joueurs du Colorado y croient.

“Les choses étaient sombres à ce moment là, très sombres. Après avoir été menés 2-0 dans la série, je me disais juste que si j’avais pu revenir de là où j’étais, on pouvait revenir nous aussi.” – Brian Williams.

Ils sont revenus, ils sont en vie, mais il faut encore aller gagner ce match à l’extérieur. Bison Dele fait le taf de son côté, avec 17 points et 19 rebonds, apportant un soutien inestimable à ses coéquipiers. Tout comme Robert Pack. Les doublures ont pris le match à leur compte, au moins d’un point de vue offensif. Mahmoud Adbul-Rauf transparent depuis le début de la série, c’est le meneur remplaçant qui va apporter l’étincelle. 23 points pour le “Packman”, meilleur marqueur du match. Mais les Sonics ne comptent pas se faire avoir. Ils démarrent le match en trombe pour prendre rapidement l’avantage. Les Denver Nuggets recollent, et malgré d’énormes difficultés en attaque (6 violations des 24s dans les 8 dernières minutes du match) sont devant dans le money time. À une minute de la fin, l’atmosphère est irrespirable. Les Nuggets n’ont toujours pas abdiqué et ils poussent les Sonics dans leurs derniers retranchements. Si Seattle arrache la prolongation sur un layup de Kendall Gill (22 points, meilleur marqueur chez les Sonics), ils perdront l’overtime 10-6, incapables d’élever leur niveau de jeu, et ce malgré le manque de solutions offensives à Denver. Mutombo peut s’écrouler avec le ballon entre les mains et pleurer de joie, ils ont réalisé l’exploit. Pour la première fois de l’histoire, la dernière équipe qualifiée en Playoffs élimine la tête de série.

La suite – l’exploit se répète presque face au Jazz

Pour les Sonics, cette expérience sera douloureuse. Et renouvelée la saison suivante puisqu’ils se feront sortir dès le premier tour par les Lakers, même si l’écart entre les deux équipes était moindre (57-25 pour Seattle, 4ème à l’Ouest, 48-34 et 5ème pour Los Angeles). Ils tiendront – presque – leur revanche en 1996, atteignant la finale NBA avant de chuter face aux Bulls, invisibles cette année là. Chez les Denver Nuggets, un Dikembe Mutombo héroïque sur la série, avec 6,2 contres en moyenne par match (31 sur la série, record NBA pour une série au meilleur des 5 matchs) espère encore plus pour son équipe. L’appétit vient en mangeant, et il croquerait volontiers les Jazz maintenant.

“Je sais qu’ils ont leur maison, tout comme les Sonics. Je n’aime pas être impoli, mais nous sommes en playoffs. Personne ne t’invite chez lui. Tu dois juste y entrer et t’installer confortablement.” – Dikembe Mutombo.

Ils pousseront ainsi le Jazz jusqu’au septième match de la série mais ne réaliseront pas de nouvel exploit. Cela n’enlève rien à leur place dans l’histoire.