Faut-il laisser les Bulls aller droit à l’abattoir?

Le 11 déc. 2013 à 18:16 par David Carroz

Les Bulls vivent depuis trois ans environ un cauchemar au rythme des blessures. Ils ont dû faire face à beaucoup d’adversité qu’ils ont traversée avec fierté. Mais cette saison, avec la nouvelle absence de Rose et les soucis de santé de Butler, Noah et Deng, n’ont-ils pas atteint leurs limites? Leurs blessures n’ont-elles pas eu raison de leur volonté tenace? Une chose est sûre, le coeur ne semble plus y être depuis quelques semaines, la tête de moins en moins également. Et dans ce cas là, les corps ne peuvent pas suivre. Déjà qu’ils étaient meurtris par les exigences de coach Thibodeau. Faut-il les achever et en élever des nouveaux, plus jeunes, plus résistants?

Tout commence à l’été 2010. Chicago possède un groupe avec du potentiel et assez d’argent sous le salary cap pour espérer attirer des gros noms lors de la free agency. On parle de James, de Bosh, de Wade. Un des trois devait prendre le leadership de la franchise. En effet, Derrick Rose n’est pas encore le plus jeune MVP de l’histoire et même si son explosion est attendue, rien ne garantit qu’elle soit aussi fulgurante. Finalement, les trois compères se sont retrouvés à South Beach et les Bulls ont opté pour le plan B comme Boozer. Pas un si mauvais choix . Sauf qu’avant même le début de la pré saison, Carlos se prend les pieds dans son sac de sport en voulant ouvrir la porte de chez lui. Chute, main cassée et 15 matchs de saison régulière d’absence pour l’ailier fort. Malgré cela, les Bulls présentent un bilan de 9-6, avec des victoires après des déficits supérieurs à 15 points, avec un effectif qui commence à peine à se connaitre. Les bases des années à venir sont posées. Peu importe les difficultés, il faut se battre et avancer.

Seulement 10 matchs après le retour de Boozer (8-2), c’est au tour de Noah de laisser ses coéquipiers pour cause de pouce cassé. 29 matchs sur le banc, pour un bilan de 21-8. En fin de saison, les petites blessures s’enchainent, Boozer et Noah ratent encore quelques matchs, mais l’effectif est au complet pour les 6 dernières rencontrent. Les playoffs peuvent commencer. Rose (cheville), Boozer (orteil) et Noah (cheville) connaissent quelques petits bobos mais restent sur le terrain jusqu’à l’élimination par le Heat en finale de conférence, 4-1.

Source: Rocky Widner - Getty Images

Source: Rocky Widner – Getty Images

Il ne semble pas manquer grand chose à cette équipe, et le maillon suivant dans la chaine est Rip Hamilton. L’ancien Piston doit apporter cette menace extérieure au poste d’arrière pour libérer Rose. Mais encore faudrait il qu’il soit sur le terrain pour cela. Rose, Hamilton et Deng alternent les séjours à l’infirmerie. Sur l’ensemble de la saison, Thibodeau peut aligner 15 fois son 5 majeur, ce qui n’empêche pas les Bulls d’avoir le meilleur bilan de la ligue (à égalité avec les Spurs). Les playoffs peuvent cette saison encore débuter, Chicago est au complet. Pas pour longtemps. Game 1, rupture des ligaments pour D-Rose. Puis entorse de la cheville pour Jooks. Et même Taj Gibson qui prend le relais sur le terrain se blesse. N’en jetez plus, la coupe est pleine. Élimination dès le premier tour par les Sixers.

Source: Jonathan Daniel - Getty Images

Source: Jonathan Daniel – Getty Images

Pourtant, avec le recul, les Bulls n’ont finalement pas trop souffert des blessures lors de ces deux saisons, en tout cas avant celle de Rose en playoffs. Des pépins, des contretemps, mais pas d’obstacle insurmontable, en tout cas pas pour cette équipe et sa force de caractère. Puis en 2012-13, le “faux” 5 des Bulls (celui avec Hinrich à la place de Rose) ne peut être aligné que 25 fois. Malgré les blessures et l’absence de leur franchise player, les Chicagoans continuent de se battre et profitent de la folie de Nate Robinson et de l’explosion de Jimmy Butler pour accrocher le 5ème spot à l’Est. Touchés, mais pas coulés, les Bulls font corps au moment d’attaquer la post season. Et là, les choses se gâtent. Bien qu’ayant reçu le feu vert des médecins, Rose ne revient pas. Hinrich se blesse et Deng n’est même plus capable de marcher. Il se retrouve alité, craignant pour sa vie. Lors du premier tour face aux Nets, Robinson vomit sur le banc. Mais pas de répit pour les braves. Avec leurs tripes, les Bulls passent en 7 matchs et gagnent le droit de se faire désosser par le Heat.

Source: Julio Cortez - AP

Source: Julio Cortez – AP

Et pourtant, ils remportent le premier match de la série. Qu’un seul tienne et tous les autres suivront. Mais cet exploit est le dernier de la saison pour des Bulls à bout de souffle et qui ont déjà sauvé leur honneur et la fierté d’une ville. Et puis la saison 2013-14 peut toujours être là leur. Le retour de Rose, l’émergence de Butler, Deng, Boozer, Gibson et Noah qui ont su élever leur niveau de jeu en l’absence du MVP 2011, Hinrich en doublure… tous les voyants sont au vert. Le plus dur est derrière eux. Sur les 3 dernières saisons, le 5 majeur des Bulls n’a jamais pu être aligné 10 fois consécutivement. Malgré cela, les hommes de Thibodeau ont gardé la tête haute et ont même réussi brillamment dans de telles conditions. Mais maintenant, c’est fini. Il faut aller de l’avant avec un groupe enfin au complet.

Après 9 matchs en 2013, Rose semble enfin retrouver doucement son rythme. Le 5 majeur peut trouver ses automatismes. Mais Jimmy Butler se blesse. Suivi par D-Rose lors du match suivant. Une quinzaine de matchs d’absence pour l’arrière ailier, la saison pour le meneur. Et finalement, les Bulls ont fini par lâcher prise. Après 3 ans passés à se battre, ils ont fini par paraître abattus. Comme s’ils avaient perdu l’espoir de gagner. Comme si les efforts consentis ses dernières saisons leur revenaient en pleine poire. Comme si finalement ils ne pouvaient plus supporter ce cauchemar sans fin. Ils enchainent alors par une rouste chez les Clippers avant de perdre  à Utah face à la pire équipe de la ligue. Le coeur n’y est plus. Pourquoi se battre encore et encore, il n’y a plus d’espoir. Même Joakim Noah, l’âme guerrière de l’équipe ne semble plus motivé. Il joue, mais sa hargne, son envie, son énergie ne sont pas là. Seuls Deng et Gibson sont encore en vie et tentent de remobiliser les troupes. Depuis la blessure de Rose, l’Anglais tourne à 26,2 points à 53% aux tirs, 6 passes et 5,8 rebonds. Le 6eme homme des Bulls lui apporte 16,1 points et 7,5 rebonds.

Les défaites s’enchainent, rien ne semble pouvoir aider Chicago à rebondir. Jusqu’à la visite de Miami au United Center. Les joueurs de Thibodeau se réveillent, stimulés par la rivalité avec le Heat. Pour la première fois depuis la blessure de Rose, les Bulls ont joué avec leurs valeurs: énergie, coeur, intensité. On les pensent alors guéris, prêts à repartir au combat. Mais non, ils ont perdu depuis contre les Pistons et les Bucks. Ils ont d’ailleurs dû jouer sans Deng ces deux matchs. Blessé. Noah était absent contre Milwaukee. Trop c’est trop. Ce groupe n’en peut plus. Et cette fois, difficile d’accuser Thibodeau et le peu de repos qu’il laisse à ses tauliers, car depuis le début de saison, il les a économisés. Mais quand la tête ne va pas, le corps ne suit pas. En cumulé, les joueurs des Bulls ont manqué 391 matchs lors des 228 dernières rencontres (165-83). Le match de Miami n’était que le dernier sursaut d’orgueil d’un groupe usé. Le dernier spasme d’un mourant.

Les guerriers n’ont plus la même envie car la bataille leur parait perdue d’avance. Il n’est qu’une question de matchs avant que le drapeau blanc soit levé. Faut il attendre que les Bulls explosent tous les uns après les autres avant de mettre fin au carnage? La vie est faite de rencontres et de séparations. Les liens que le noyau dur de ce groupe ont tissé sont forts, mais pas suffisants pour que l’histoire continue. En tout cas pas une histoire victorieuse. Il est sûrement le temps de dire au revoir à cette équipe et reconstruire sur de nouvelles bases. Les organismes sont usés. Et le mental bien plus encore. Cet effectif va droit dans le mur. Les bêtes sont blessées, il en faut peu pour qu’elles soient bonnes pour l’abattoir. Alors un petit message au front office des Bulls. Ce groupe est allé suffisamment haut pour apercevoir le Graal. Et surtout pour se rendre compte qu’il ne pourra plus l’atteindre. C’est probablement parce qu’ils en sont conscients maintenant qu’ils lâchent doucement prise. Il est temps de les libérer de cette pression et de reconstruire. Avec des taureaux plus vigoureux.