Dilemme du fan NBA : Amour du maillot ou du numéro ?

Le 11 déc. 2013 à 17:00 par Benoît Carlier

De jour en jour, le rayon d’attraction de la Grande Ligue s’étend à de nouveaux territoires, souvent par delà les frontières de l’État américain. Son hypermédiatisation rend tout résultat, toute information accessible en quelques secondes seulement. Ainsi, il est devenu aisé pour tout fan digne de ce nom de suivre au plus près les exploits de ses champions préférés. Mais ces champions quels sont-ils ? Plutôt Dwight « Superman » Howard, le pivot ultra-dominant, et ce quelles que soient les couleurs qu’il représente, ou bien l’entité de ces Lakers un peu malades, qui se battent actuellement avec les armes qui sont les leurs pour exister au sein d’une conférence qu’ils ont tant dominé par le passé ? Analyse de ce phénomène social passionnel qui appartient pratiquement exclusivement au sport et engendre des scènes totalement inédites, parfois dénuées de toute raison.

Et pour traiter ce sujet, comment ne pas citer en premier le cas LeBron ? Fils d’Akron, adulé par Cleveland à qui il promettait de ramener un titre, il a finalement vite déguerpi pour les palmiers floridiens, bien plus propices à lui faire décrocher une première bague. Trois ans après The Decision, le joueur a scindé ses fans en deux camps. Les premiers, probablement originaires de l’Ohio et dans l’impossibilité de se payer une villa sur la côte de Miami Beach, restent traumatisés par ce 8 juillet 2010 et ont fait part de leur mécontentement à Monsieur James à leur manière. De l’autre, les fans inconditionnels du King qui possèdent déjà dans leur garde-robe les maillots home, away et même Christmas floqués du numéro 6, et qui suivront le quadruple MVP jusqu’en ligue chinoise s’il le faut.

AP Photo/Akron Beacon Journal, Phil Masturzo
Loin de juger les uns ou les autres, tentons de comprendre leurs raisonnements, en tous points antinomiques. Si la localisation géographique peut mener les uns à délaisser leur idole de toujours pour pouvoir continuer d’arpenter les travées de la Quicken Loans Arena sans risque de recevoir une “balle perdue”, d’autres ont délibérément fait le choix de se détourner de leur champion préféré à cause de son comportement égocentrique puéril et sa mise en scène pathétique sur une antenne nationale. Cet avis est totalement recevable mais il ne doit en rien rendre absurde et inacceptable celui des fans ayant préféré changer de religion et qui se tournent désormais en direction de Miami chaque nuit, pour le temps de la prière.
Dans le même ordre d’idée, est-il préjudiciable de condamner les fans des Celtics passés durant l’été – et à leur grand dam aujourd’hui ! – du côté obscur des oligarques de Brooklyn, par amour pour The Truth et The Big Ticket ? Une fois encore, aucune réponse ne convient plus qu’une autre puisque la passion appartient à la nature humaine et rend toute logique absurde. Malgré tout, un vrai fan n’est-il pas celui qui supporte sa franchise quand celle-ci est au fond du trou ? Car c’est bien lorsqu’elle est dans l’adversité qu’une équipe ressent le réel besoin d’un sixième homme, capable de la faire se sublimer lors des matchs décisifs. Et il en est exactement de même pour un joueur en manque de confiance. Alors il résiderait peut-être bien là, ce premier facteur d’authenticité d’un fan. Comme celui qui, année après année, quelque soit la situation de sa franchise au classement ou de son joueur phare au ranking des meilleurs scoreurs du championnat, continuera d’arborer fièrement les couleurs de celui qu’il aime, sans honte ni même crainte. Car il le sait, il le sent, un jour la roue tournera. Et alors, toute poitrine dehors, il pourra sortir ce fameux “vous ne pouvez pas imaginer ce qu’on a enduré pour en arriver là !” amplement mérité. C’est en tout cas ce qui donne tant de crédit aux supporters de longue date.

Maintenant, comment aborder le trade de son mentor d’un club à un autre ? Comment réagir en tant que fan de James Harden lorsque en 2012 The Beard est envoyé chez des Rockets en pleine reconstruction, alors qu’il est juste au sortir d’une finale NBA avec ses potes d’OKC ? Là encore, personne ne sera présent pour jeter la pierre sur celui qui quittera le désert sans divertissement de l’État d’Oklahoma pour rejoindre la base spatiale texane. Il n’empêche. Le basketball est, et restera un sport collectif où le succès de l’équipe prime sur toute distinction personnelle.

« Un homme peut être un ingrédient essentiel dans une équipe, mais un homme ne peut pas faire une équipe. »

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est au grand Kareem Abdul-Jabbar que l’on doit cet élan de sagesse. Et si l’on couple cette idée à la confiance et la loyauté, piliers principaux du supporter, alors le départ – malheureux s’il en est – d’une superstar, ne devrait pas engendrer la refonte totale de la décoration intérieure des fans de ce dernier. Car l’infidélité est devenue coutumière en NBA, c’est un fait désormais qui n’épargne plus que quelques minimes exceptions.

Bannières Celtics

Enfin, sauf déménagement pour lequel on ne peut alors qu’être saisi d’une entière tristesse, l’âme d’une franchise est éternelle, ce qui n’est pas le cas de celle d’un joueur ou tout du moins de son jeu. Par exemple, si Tim Duncan a entamé sa 17ème saison dans Ligue avec les Spurs, celle-ci pourrait bien être la dernière, et il en est de même pour nombreuses autres légendes qui gonflent actuellement les rangs de notre chère NBA. Bientôt, leurs maillots ne trôneront plus qu’au plafond de leurs anciennes salles de jeu. Il semble donc plus « viable » mais aussi légitime de s’attacher aux valeurs que transpose une équipe, à la ville qu’elle représente et à son identité, plutôt qu’à la figure d’un athlète, toujours sous la menace d’une vilaine blessure (R.I.P. D-Rose !) ou d’une nomination gênante dans la catégorie « faits divers » du journal local.

Dans une société toujours plus portée vers l’individualisation des comportements, la NBA ne fait pas exception à la règle. Mais pour toutes les raisons suscitées, l’amour du maillot devrait apparaître comme le premier carburant du supporter, bien devant les individualités qui ont, certes, la capacité de renouveler le jeu le temps de leur passage dans une franchise, mais qui peuvent aussi être remplacées du jour au lendemain par leur version améliorée ou alors décevoir leurs plus fervents supporters par des comportements inappropriés. Ceci étant dit, quelque soit la couleur de votre coeur de supporter, ne lui faites pas faux-bon et laissez le s’exprimer, peu importe les circonstances et les avis divergents ! C’est d’abord ça la passion du sport !

Sources photo : AP, Flickr


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