Timberwolves : d’amour et d’eau fraîche

Le 03 oct. 2013 à 08:59 par Nathan

La saison dernière, on attendait beaucoup des T-Wolves. Pas mal d’observateurs y voyaient, comme chaque année en NBA, un des outsiders les plus dangereux, caché dans l’ombre médiatique des grosses équipes comme un loup dans la nuit. Avec un roster jeune, un coach historique, un scouting et un recrutement intelligent, Minnesota avait fière allure. Au même titre qu’une équipe comme les Warriors, on pensait que sur le papier, Sota’ était capable de battre n’importe quelle équipe. Mais le papier est bien peu de chose : qui aurait pu prévoir que les Wolves allaient finalement être les proies d’un prédateur bien plus dangereux que leurs adversaires ?  

Minnesopoisse

rick-adelman

            “Mais pourquoi moi ? Pourquoiiiii ?”

Car il y a un mal qui ne se prévoit pas : la blessure, la maladie, la dépression ; en un mot : la poisse. Les Wolves ont été touchés par le “syndrome Blazers”, un malheur qui n’arrive qu’aux équipes en qui on a placé un espoir trop grand pour elles. Alors qu’on n’avait pas trouvé des Loups aussi séduisants depuis la saison 2003-2004, Minnesota a fini 19ème de la Ligue avec un bilan (31 victoires -51 défaites) qui tient plus de Gaston Lagaffe que de Rick Adelman.

Bref rappel d’un échec imprévisible : dès la présaison, Kevin Love se blesse en effectuant des push-ups. Oui, des pompes. Aller, la seule petite partie du corps humain qui est directement sollicitée dans ce type d’exercice, c’est le poignet. Celui de Love a lâché. Et cette blessure va le suivre comme un boulet tout au long de la saison. On se souvient qu’il a eu quatre rechutes au cours de la saison ; sans compter, puisque la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit, une blessure au genou en fin d’exercice. Il jouera 18 matchs. Un peu plus, et ça en ferait une bonne blague.

Le reste de l’équipe a suivi le rythme comme des moutons : Ricky Rubio manquera le début de la saison, puis jouera quelques matchs, rechutera et ira plusieurs fois au Target Center en costard, trop plombé par son genou. Avec ces deux gaillards sur le flanc, inutile de dire qu’on avait plus  vraiment envie de regarder les matchs de la meute. Au contraire : pendant cette période, les Loups avaient plutôt l’allure de petites biches toutes mignonnes prêtes à se faire croquer. Chase Budinger (genou), ‘Jay Jay’ Barea (pied), Kevin Love (main) et donc Ricky Rubio (genou) restent au chaud dans la bergerie. Ah oui, il y avait aussi le plus beau gâchis du basket américain depuis T-MacBrandon Roy, qui après 5 matchs et pas mal de larmes, a eu besoin d’une nouvelle opération à ce genou démoniaque, décidément. Mais attendez, il jouait pas aux Blazers, lui ? Coïncidence…?

Inutile de développer d’avantage l’édition 2012-2013 des hommes de Rick Adelman : elle n’a été que malchance, poisse, manque-de-pot ; bref, tout ce qui est de l’ordre du petit doigt de pied qui tape contre le pied du lit, le lundi matin à 7h30 : un truc qui vous tombe dessus, souvent au plus mauvais moment. C’est presque comme si on avait d’avantage entendu les joueurs avaler leurs médocs que les fans supporter Sota’, dans une salle finalement bien vide.

Mais il n’y a pas eu que malheur et déception chez les Timberwolves : on note des joueurs qui ont émergé, qui ont confirmé, qui ont montré leur talent, ou qui ont tout simplement fait le boulot. Revue d’effectif et focus sur les joueurs qu’on attend particulièrement la saison prochaine.

Les Loups qui ont déjà les crocs

RICKY RUBIO  : en 54 matchs (10 points, 7 passes, 4 rebonds en moins de 30 minutes) l’espagnol a montré ce qu’il pouvait faire en tant que meneur de jeu virtuose hyper talentueux. Leader tactique, maîtrise du tempo, compétitivité : “Tricky Ricky” (22 ans) est bien le meneur précoce et impressionnant qu’on a toujours annoncé. Sa saison sophomore s’est déroulée à peu prés comme sa saison rookie : Rubio semble s’éclater sur le terrain, où il fait preuve de polyvalence. Bon défenseur, très bon intercepteur (2,4 steals par match), il est jeune, rapide, technique : sans lui et Derrick Williams, on aurait pas vu beaucoup de highlights des T-Wolves, et l’ambiance au Target Center aurait été aussi froide que la température extérieure moyenne de la région. S’il développe son shoot (36% la saison dernière…), avec quelques kilos en plus, on risque bien de voir naître un excellent joueur la saison prochaine.

KEVIN LOVE : en terme de talent individuel, on sait tous ce que vaut l’ancien pensionnaire de UCLA. C’est un joueur assez unique : alors qu’il enfile les double-doubles comme des cacahuètes, Kevin “Amour” aime s’écarter du cercle et même tirer derrière l’arc (il affiche 35% en carrière, pas mal pour un intérieur). Gros scoreur, gros rebondeur, Love a tout l’air d’être un véritable franchise-player. Mais il en a seulement l’air. Pourquoi ? Parce que, si l’on fait abstraction de cet amour  pour la blessure l’année dernière, Kevin ne brille pas en défense. Pire, ce n’est clairement pas un joueur collectif. N’ayant jamais joué les PlayOffs en 5 années de carrière, c’est comme si Love n’avait jamais su que si une individualité peut faire gagner un match, en revanche c’est le collectif qui gagne des titres. Tout cela a pour résultat que même si a priori le statut de Love est clair (le go-to-guy de l’équipe), on n’a pas vu de véritables précédents dans sa carrière qui peuvent nous empêcher de douter de sa capacité à porter son équipe.  Minnesota doit trouver dans Kevin Love son véritable franchise player, et a fortiori, une colonne vertébrale Rubio-Love qui nous fait sérieusement envie. Mais cela tombe bien, car aux dernières nouvelles Rick Adelman ne veut plus voir Love prendre 25 tirs par match. Avec sa qualité de passe et de shoot, il faut croire qu’Adelman a des projets légèrement différents pour lui. Affaire à suivre.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres : les surprises qui vont devoir confirmer

New Orleans Hornets v Minnesota Timberwolves

NIKOLA PEKOVIC : 60 millions sur cinq ans. C’est le gros contrat signé par “Pek'” en août dernier. Oui c’est beaucoup, mais selon nous, Nikola le vaut bien. Pourquoi ? Parce qu’il a tenu la baraque comme un chef la saison dernière. Régulier, adroit, sobre, bûcheron, mangeur de rebond : Pekovic est un pivot classique, mais diablement efficace. On parie qu’il nous livrera une saison du même acabit. Avec 16 points et 9 rebonds par match la saison dernière, le Yougoslave a été une belle surprise : pour la prochaine, on peut compter sur lui.

ALEXEY SHVED : voilà un joueur qu’on attendait pas vraiment. Le rookie en provenance de Russie est un talent offensif indéniable. Avec 8,6 points, 3,7 passes et 2,3 rebonds en moins de 24 minutes par match, Shved sait être productif. Il a profité de la blessure de Rubio et de Barea pendant un moment pour se montrer, et il a gagné sa place. Mais précisément il  y a un peu embouteillage au poste de meneur. Sauf que Shved a un avantage : du moins, sur ce qu’il a montré l’année précédente, le Russe est plus un ‘combo guard’ qu’un véritable meneur de jeu (un peu, si l’on veut, comme un Nando De Colo, offensif, dynamiteur, playmaker pouvant jouer arrière). Voilà une situation qui peut en même temps être un défaut (Nando chez les Spurs…) qu’une qualité. Mais on pense que chez les Loups, Shved est bien tombé.

DERRICK WILLIAMS : même si le bonhomme n’est pas en sécurité, l’ailier qui aime péter des dunks a été précieux l’année dernière. Lui aussi très jeune (22 ans), il a compilé 12 points et 5,5 rebonds par match, et a montré, notamment en fin de saison, qu’il pouvait approcher les 20 points de moyenne quand on le laissait bondir et s’exprimer. Ayant travaillé d’arrache-pied cet été, le futur ex-sophomore compte bien prendre de l’importance à Minnesota. On ne peut que s’en réjouir, sauf….

Les joueurs qui font le boulot

CHASE BUDINGER :  …sauf si le blondinet s’attire une bonne fois pour toutes les faveurs du coach. Car voilà encore un bel élément dans le roster de Minnesota. Gros shooteur, l’ailier de 25 ans court, saute et défend, de telle façon que Rick Adelman pense à lui comme son titulaire au poste 3. Par là, c’est vrai qu’il ne prend pas vraiment de risque. Mais c’était sans compter sur la poisse, ‘Le Retour’.

budinger

J.J BAREA : Pourquoi mettre Barea dans la liste des joueurs “qui font le boulot” ? Parce que ce n’est qu’un role player. Un role player précieux mais que l’on connaît dans sa fonction habituelle : faire chauffer le cuir à la Speedy Gonzales, se jouer des écrans pour artiller from downtown. On aime beaucoup ‘Jean-Jacques’, et il  ne fait aucun doute que son rôle de dynamiteur va faire beaucoup de bien aux T-Wolves, comme à Dallas il y a quelques années.

Côté recrutement

KEVIN MARTIN : c’est LA recrue de cet été pour Minnesota. Avec 14 points et 40% derrière l’arc la saison dernière, Kevin Martin est précieux pour les équipes qui ont besoin d’un shooteur. C’est un joueur unidimensionnel, soit ; mais il a la qualité de son défaut : on sait à quoi s’attendre avec Martin, c’est-à-dire à un apport offensif indéniable. Reste juste à savoir s’il va rester 6ème homme comme il l’était au Thunder ou bien, ce qui est franchement plus probable, s’il va intégrer le cinq majeur au poste 2. Mais trouvera-t-il l’équilibre dans une équipe comme les Wolves ? Comme Kevin Love, c’est un des joueurs sur lesquels les interrogations sont les plus importantes, et les plus lourdes de conséquences.

COREW BREWER : une fois n’est pas coutume, le roster déjà bien fourni des Wolves a encore accueilli un joueur intéressant. A part une adresse à trois points pas super, Brewer sait rentabiliser son temps de jeu. Voyez : 12 points, 3 rebonds et 1,5 interceptions en 24 minutes sur les 82 matchs de la saison dernière avec les Denver Nuggets. Encore un dynamiteur chez les Loups.

RONNY TURIAF : on l’évoque, non seulement parce que c’est notre Ronny national, mais aussi parce qu’il fait du bien partout où il passe. Joueur respecté et sympathique dans le microcosme NBA, tout le monde sait qu’avoir Turiaf sur le banc, ça ne peut pas faire de mal. En plus d’être un exemple pour les plus jeunes, Ronny sait faire le boulot sur le terrain, notamment en défense. On espère qu’il aura du temps de jeu après avoir gagné le titre avec le Heat.

Shabazz Muhammad

SHABAZZ MUHAMMAD : difficile de prédire quelque chose concernant le garçon. Il a l’air d’avoir les crocs, et en cela il est bien tombé. Il a une culture de la gagne, une lucidité dans les moments chauds, qui est quelque chose qui ne s’apprend pas. Mais le gaucher de UCLA a l’air d’avoir un sale caractère ; et en NBA, les rookies qui ont un sale caractère, quand ils ne le subliment pas sur le parquet, ils vont voir ailleurs. Espérons qu’il ait l’envie de donner tort à ceux qui l’ont laissé passer jusqu’au 15ème choix de la draft.

Conclusion : trop de talent tue le talent ?

Mettons de côté la peur de la blessure, qui doit s’agiter comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de tout le staff des Wolves (et plus particulièrement, en cas de récidive, la peur de se faire virer, au-dessus du staff médical) :  Minnesota a de façon indubitable une team pour aller en Playoffs. Elle a  a priori l’allure d’une équipe hyper-offensive, avec des shoots, de la vitesse et de l’intensité pendant 48 minutes. Comme on a pu le constater, le roster de Minnesota est un des plus fournis de la Ligue. Tout cela a évidemment des bons côtés : la concurrence va être féroce, et va porter l’équipe vers le haut, à n’en pas douter. Le banc sera profond et l’équipe trouvera toujours des solutions.

Mais c’est précisément le banc, sa profondeur et ses joueurs “dynamiteurs” offrant des « solutions » qui posent problème : il y en a trop qui peuvent prétendre au même statut, trop qui peuvent se marcher dessus. Le staff doit travailler en ce moment même d’arrache-pied pour tenter de trouver un équilibre. Qui au poste 2, qui au poste 3 ? Quel sera le rôle de Derrick Williams, comparé à celui de Chase Budinger ? Quel sera le rôle de Shved par rapport à Barea ? Comment va-t-on pouvoir placer Dante Cunningham dans tout cela ? Au poste 3, au poste 4 ? Beaucoup d’interrogations qui augmentent de façon exponentielle quand on jette un coup d’œil à l’effectif de Minnesota. 

Faisons tout de même confiance à Rick Adelman, qui sait y faire avec les équipes talentueuses. N’oublions pas Flip Saunders, qui a été nommé président des opérations basket en mai dernier, et qui n’est pas un rookie dans la matière. Ah oui, il y a aussi Bobby Jackson, l’ancien meneur des Kings notamment, qui a été promu  player development coach. Mon Dieu, mais il y en a du talent sur le papier dans cette équipe !

Sur le papier, malheureusement car l’expérience (ou les Lakers, c’est au choix) nous a prouvé qu’en NBA, il est bien peu de chose.