Gary Payton : des couilles en or et une bouche de diamant entrent au Hall of Fame

Le 08 sept. 2013 à 11:00 par Bastien Fontanieu

Pour un site qui s’appelle TrashTalk, voir Gary Payton rentrer ce Dimanche 8 Septembre au Hall of Fame, c’est un peu comme si un auteur génial et méconnu du grand public concluait sa bibliographie sur un Prix Nobel de Littérature. Joie, émotion, fierté même : aujourd’hui, c’est le basket dans sa plus pure pratique qui triomphe aux portes de Springfield.

Plus que de simples dates de naissances, photos inédites, citations choc et autres anecdotes légendaires entourant la fabuleuse carrière de Gary Dwayne Payton, c’est l’approche de notre sport, l’indissociable union qui lie le parler et le jouer qui se voit être honorée à travers cet éloge public. Comment se pencher sur le basketball, ses racines et sa magnifique croissance, sans parler de hip hop, de trashtalking, de ce stéréotype si américain et pourtant si répandu qui veut que tout rappeur souhaite être basketteur, que tout basketteur a rêvé au moins une fois balancer des punchlines derrière le micro, ou au moins à la gueule de ses adversaires ? A genoux chers fidèles : de tous les plus grands joueurs qui ont traversé nos 120 années de dribbles et de tirs en cloche, Payton en fût sûrement le plus beau parleur. Car à la différence de ses nombreux collègues de chambre, Gary ne s’arrêtait tout simplement jamais. Matin, midi et soir : que cela soit sur le terrain comme dans les vestiaires, en vacances ou au supermarché, la probabilité de vous faire charrier par le soldat des Sonics était équivalente à celle de vous faire humilier au poste par le même homme. De Shaq à Jordan en passant par Bird et Barkley, tous l’avoueront : Payton était probablement le plus régulier et le plus efficace dans cet art intrinsèque au basket. Se battant royalement les couilles de ce qui pouvait lui être envoyé, dit, promis et même répété jusqu’à l’usure des cordes vocales, GP fera tout et n’importe quoi pour montrer qui savait le mieux parler dans cette énorme jungle d’égos que représente la NBA. Sa saison rookie, il commencera d’entrée en clashant Jordan dans un match de présaison alors que ce dernier est sur le banc. Quelques semaines plus tard, il en fera de même avec Larry Bird bien que l’intéressé reste référence jusqu’alors dans sa discipline. Le reste, c’est l’histoire qu’on connait.

“Je croyais que j’étais un bon joueur de basket quand j’étais jeune et que je bossais assez dur, puis j’ai rencontré Gary. Et là j’ai compris en fait, il m’a endurci comme jamais je ne l’aurais imaginé.” Jason Kidd concernant Payton.

Prix Nobel de Littérature ? Pourquoi pas Defensive Player of the Year au poste de meneur ? Parlons-en tiens : personne ne l’a fait depuis. Véritable cauchemar vivant en presse tout terrain, alliant communication 4G avec Nate McMillan et un sens de l’anticipation hors du commun, Payton torturera une décennie de meneurs qui voulait essayer le Glove. C’est d’ailleurs à l’Université que son coach, Ralph Miller, lui apprendra les vertus de sa propre moitié de terrain : alliant la robustesse d’un tronc d’arbre avec l’agilité d’un chat et la prose de Youssoupha, personne ne proposera de meilleure combinaison défensive pour faire chialer du meneur de base et envoyer ceux-ci en thérapie prolongée. Car comme Kevin Johnson et consorts le confirmeront avec enthousiasme, le subtil surnom de Glove proposé par le cousin de Gary lui ira au final…comme un gant. Serrant votre gorge avec cette poigne sèche comme Al Payton, son père, lui a douloureusement appris sur les playgrounds d’Oakland, le tout avec un sourire d’ange et la rotation mécanique de sa mâchoire pour astiquer ce même chewing-gum si agaçant, GP peut aujourd’hui affirmer avoir été le meilleur défenseur de l’histoire à son poste. Hersey Hawkins se faisant dépuceler par un certain Michael Jordan lors des Finales 1996 ? Pas de soucis. A une défaite de perdre sa première participation en Finale, Payton s’occupera de Jordan en individuel par la suite et limitera le roi à 23, 26 et 22 points sur ses trois derniers opus, le harcelant sur chaque prise de position, rentrant dans des joutes verbales héroïques et un défi de regard complètement inattendu, qui feront de Seattle le petit David d’un instant face au Goliath des années 90. Un véritable miracle quand on sait que la légende des Bulls n’avait jamais passé trois matchs consécutifs…en-dessous des 30 points en Finale.

Délaissé chez les Lakers et Celtics, manqué de respect chez les Bucks puis finalement propriétaire de la bague tant rêvée chez le Heat (sur deux paniers très clutchs), Payton prendra sa retraite dans l’anonymat complet des Olajuwon, Ewing et autres Kemp. Kemp avec qui il aura tant fait rêver, voler tout une génération d’ados pré-2000, reproduisant ces alley-oops magiques qu’aucune défense pouvait oser stopper. Recruté par la suite chez NBA TV et même TNT, Gary n’y restera qu’une petite saison. Trop honnête, trop ghetto, toujours aussi incisif devant les caméras et impardonnable devant la nouvelle génération, Payton se fera remplacer par un Kevin McHale nettement plus dans le moule, dans le parler construit, dans le discours écrit et non freestyle à la beauté si pure. Derrière la bannière des Sonics, il se battra pour que sa ville retrouve une franchise, et qu’elle puisse par la même occasion retirer son plus beau maillot au plafond. Pour se présenter ce Dimanche, il prendra John Sotckton comme bras droit par respect pour tout ce qu’il a appris et la dureté montrée par le meneur du Jazz sur toute sa carrière. En ouvrant sa porte de limousine, il confirmera que Jordan ne fait pas partie de son cinq majeur all-time, quoi de plus étonnant quand on connait la taille du paquet Payton. 17 saisons nous contemplent : autant de campagnes finies victorieuses dans la catégorie des grands bouches. Trop souvent oublié lorsque les meilleurs meneurs de l’histoire sont mentionnés, Gary Payton restera unanimement roi pour de longues années dans trois catégories, qui de ce fait font de lui un des plus grands : meilleur parleur, meilleur meneur au poste et meilleur défenseur sur sa position. Allez-y, réfléchissez-y, le débat est déjà terminé.

1999. Jamie Feick des Nets s’en prend à Gary en plein match. Le Glove fait une grimace et lâche soudainement : “Mec, sérieux, tu seras même plus en NBA l’an prochain… De quoi tu parles ?” Scott Burrell, alors coéquipier de Feick, témoignera que ce dernier pleurera après ces propos. Normal, les Nets le couperont 6 matchs après sa seconde saison…

On nous avait dit qu’il n’y aurait plus jamais de Larry Bird au pays de la balle orange, il y a peu de chance pour qu’on retrouve quelqu’un de l’honnêteté et de la régularité de Gary Payton dans notre belle Ligue. Dynamite en or disparue des couloirs de la NBA, la crème des TrashTalkers gravit aujourd’hui les plus belles marches qui puissent lui être proposées : celle de la gloire, qu’il utilisera sûrement pour charrier certains de ses pairs. Et rien que de l’imaginer le faire, on ne peut que sourire et applaudir, devant tant d’inspiration et de cran. Merci pour tout Papa.


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