La NBA de Stern : omnipotence, fric et aseptisation.

Le 24 avr. 2013 à 11:18 par Alexandre Martin

Une discussion un peu trop engagée avec un arbitre, Faute technique ! Un regard intimidateur. Faute technique ! Une célébration un peu trop extravagante après un bon gros dunk. Faute technique ! Du trashtalking en bonne et due forme… Faute technique ! Depuis quelques années, les arbitres NBA ne laissent plus rien passer à part les «marcher» sur contre attaque. Spectacle oblige. Alors, je vous rassure tout de suite, je ne vais pas me lancer dans un pamphlet du genre «c’était mieux avant» même si c’était clairement mieux avant…

En 1984, David Stern est devenu «The Commissioner», le big boss de la NBA si vous préférez. Quand il est arrivé à la tête de la grande ligue, la réputation du basket américain n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui, il faut bien le reconnaître. Sur fond de racisme, de drogue ou encore de violence, la NBA séduisait de moins en moins les fans de sport. Rendez vous compte, à cette époque la NBA n’était pas une entreprise rentable !! Si, si… Quand on pense à la manne de dollars générés annuellement sur les derniers exercices, on se dit que les choses ont bien changé.

Aujourd’hui, David Stern est à la tête d’une véritable multinationale de plus de 1000 salariés permanents, pour un Chiffre d’Affaire avoisinant les 4 milliards de dollars et un bénéfice d’environ 200 millions. Belle petite entreprise gérée d’une main de fer par M. Stern le tout puissant. En s’appuyant sur l’exceptionnelle draft de 1984 qui a vu quatre légendes débarquer en même temps dans la grande ligue (Hakeem Olajuwon, Michael Jordan, Charles Barkley et John Stockton), puis sur les JO de Barcelone en 1992, la draft de 1996 (Allen Iverson, Kobe Bryant, Ray Allen et Steve Nash) ou encore celle de 2003 (Lebron James, Carmelo Anthony et Dwyane Wade), le «commissaire» a réussi à développer l’image de la NBA, à promouvoir dans plus de 200 pays ce sport ultra spectaculaire et tellement télégénique. Côté fric donc, je dis bravo David ! Après presque 30 ans de règne, après 4 lock-out et après avoir fait passé la NBA de 23 à 30 équipes, quasiment toutes les franchises NBA sont bénéficiaires, grâce majoritairement aux énormes droits TV et aux ventes de places dans les salles immenses et ultra modernes qui accueillent les matchs tout au long de la saison.

Sur d’autres points comme sa façon d’interférer dans certains échanges ou sa manie de toujours vouloir «nettoyer» la ligue de toutes émotions, je suis loin d’être en accord avec la politique menée par Stern. En même temps, comment apprécier que le plus haut placé des dirigeants NBA vienne fourrer son nez dans des trades quand ceux-ci ne lui conviennent pas alors qu’il reste de marbre quand les Lakers certaines équipes se construisent un effectif de stars à grands coups de Luxury Tax et d’échanges très déséquilibrés ? Comment ne pas s’offusquer quand Greg Popovich prend une amende pour avoir mis ses cadres au repos pendant qu’Eric Spoelstra peut tranquillement reposer son roster en fin de saison sans même subir une petite remarque ?

Cette omnipotence et ce parti pris quasiment ouvertement sont insupportables pour la plupart des fans. D’ailleurs la théorie du complot consistant à dire que Stern aurait influencé les arbitres pour qu’ils avantagent les Lakers dans leur course aux playoffs, était sur beaucoup de lèvres quand la NBA a sorti son clip de présentation de la post-season. Alors que les Angelinos n’étaient pas encore qualifiés pour les playoffs, ce clip montrait pourtant Dwight Howard, Steve Nash et Kobe Bryant !! Aucune chance que ce clip ait montré Al Jefferson ou Mo Williams…

Et que dire de ces fautes techniques, voire même de ces amendes distribuées sans compter aux joueurs qui ne rentrent pas impeccablement dans le moule. Ces joueurs qui osent contester une décision arbitrale (Rasheed Wallace’s rule) ou qui exprime leur ressentiment, leur agressivité ou leur joie, ces joueurs ne sont apparemment pas les bienvenus dans la NBA de David Stern. On n’est pas près de revoir un Pippen piétiner un Pat Ewing après lui avoir écrasé un dunk sur la tête. On n’est pas près non plus de revoir un joueur se faire agressivement pointer du doigt par celui qui vient de le postériser (n’est-ce pas Alton Lister…). Effusions interdites. Provocations punies par une amende bien salée. Contacts limités. Tout juste si un joueur peut exprimer sa joie après une action d’éclat. Voilà où en est la NBA de 2013. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut autoriser les coups de coudes ou les insultes à caractère familial mais le basket est un sport qui vient de la rue, un sport de chambrage, un sport fait d’actions aériennes pouvant parfois être dangereuses pour les joueurs, un sport où les montées d’adrénaline sont fréquentes. Vouloir annihiler cet aspect de la NBA revient pour moi à vouloir empêcher un chanteur de rock de casser sa guitare en fin de concert ou à vouloir l’empêcher de «slammer» dans le public. C’est idiot et cela diminue considérablement les émotions transmises.

Les émotions donc et le trashtalking font partie des bases du spectacle fourni par le basket américain. C’est aussi pour ça que le public se déplace en nombre. Par exemple, la nuit dernière, les heureux fans, qui ont eu la chance de prendre place au Madison Square Garden pour le match 2 entre Celtics et Knicks, n’étaient pas là uniquement pour admirer les 65 shoots de Carmelo Anthony ou les prises de risques insensées de JR Smith, tout fraîchement élu 6ème homme de l’année. Ces fans venaient aussi pour voir les mamours entre Melo et Garnett, pour juger de la politesse et de la bonne éducation de Kenyon Martin ou tout simplement pour vibrer lorsqu’un de leur favori explosera le cercle et laissera éclater sa joie. Pourquoi vouloir priver le public de ces effusions qui font partie intégrante du basket depuis toujours ? Pourquoi ne pas laisser le combat se dérouler comme il se doit ? M. Stern, s’il vous plait, posez vous ces questions. Les fans en veulent pour leur argent…

Aujourd’hui, David Stern a 70 ans. Un jour prochain, il laissera la main à un nouveau commissaire. A priori ce sera Adam Silver qui vient d’être formé par le tout puissant lui même. De mon point de vue, le candidat idéal pour ce poste est un mix entre Bill Gates (a fait ses preuves en matière de développement d’une multinationale) et… Rasheed Wallace (est-il vraiment utile d’expliquer pourquoi ?). Mais là, avec le fils spirituel de Stern qui va arriver au pouvoir, il ne faut pas s’attendre à de grands changements. Malheureusement.


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